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PROFIL DU PHILOSOPHE
APOLLONIUS, ADEPTE DE PYTHAGORE
"Je ne suis qu'un homme, mais tout homme peut, par la contemplation et la philosophie, s'élever jusqu'aux dieux." Placée en exergue, cette phrase résume et exprime la quintessence des Vers d'Or. Nul autre philosophe, qu'Apollonius, ne suivit d'aussi près la pensée pythagoricienne. Apollonius illustre de manière vivante la doctrine du Sage de Samos. Vêtu de lin, ne consommant pas de viande, il applique pour lui-même toutes les règles de vie constituant l'Enseignement Philosophique. Non content d'instaurer la réforme de la morale, de corriger les erreurs et les abus du clergé, Apollonius paye de sa personne en offrant à ses contemporains l'image même de la sagesse. Il veut se donner en exemple dont chacun puisse s'inspirer. L'impression produite sur ses contemporains les marque profondément. De son vivant, il est vénéré à l'égal d'un Dieu, craint pour ses pouvoirs surnaturels et admiré pour ses qualités généreuses. Il lutte pour maintenir la doctrine pythagoricienne dans le culte consacré aux dieux antiques. Sa parole est souvent opposée à celle du Christ et, il n'est pas exagéré de dire que deux religions s'affrontèrent à travers leur personnalité. Les foules, toujours avides de démonstrations, jugèrent souvent la qualité de leur enseignement à la lumière de leurs prodiges respectifs. La liste de ses miracles est telle, que pendant plusieurs années il fut impossible de départager les mérites d'Apollonius et du Christ. L'influence
d'Apollonius fut durable. Quatre siècles après sa mort, les
honneurs continuèrent à lui être rendus.
APOLLONIUS DE TYANEDossiers publics, Périodique de documentation genevoise
Né
un ou deux ans avant le début de 1'ère
chrétienne, Apollonius de Tyane est l’un
des grands tenants de la doctrine pythagoricienne. Sa parole est souvent opposéeà celle
du Christ et il n’est pas exagéré de dire que deux religions
s'affrontèrentà travers
leurs personnalités. Ne disait-il pas: « Je ne suis qu'un homme
» et « tout homme par la contemplation et la philosophie peut
s'élever jusqu'aux dieux
». Les foules, avides de démonstrations, jugèrent souvent
la qualité de leurs
enseignements à la
lumière de leurs prodiges respectifs, et pendant
plusieurs années, il fut impossible de départager les mérites
du Christ de ceux d'Apollonius
de Tyane, tant les miracles furent nombreux de part et d'autre.
Or, Apollonius, venu à Genève,
ville alors consacrée au culte celtique, inspira
une dédicace gravée sur une dalle proche du temple solaire, à la
place de la cathédrale
actuelle. Il est donc passionnant de savoir qu'Apollonius de Tyane est
sans doute le plus ancien philosophe et le premier ésotériste
qui ait fréquenté
notre ville. 29 mars 1977 APOLLONIUS DE TYANE, vie et oeuvres
A
1'occasion du trentième anniversaire de la loge Apollonius de Tyane,
je vais tenterde résumer
ce que l'on connaît de ce personnage historique. Mon approche se
fonde sur deux ouvrages; le
premier est intitulé: Apollonius de Tyane ou le séjour d'un
Dieu parmi les hommes.
II a été écrit par Mario Meunier et a été
publié à Paris aux ÉditionsBernard
Grasset en 1936, réédité ensuite par le procédé
offset en 1978, aux Éditionsd'Aujourd'hui. Je ne sais s'il
est encore disponible en librairie. Le
second ouvrage s'intitule: Apollonius de Tyane, le philosophe réformateur
du premier
siècle de notre ère. 11 a été écrit
en anglais par G.R.S. Mead, traduit en français et publié
à Paris par les Publications Théosophiques de la Bibliothèque
Théosophique en1906.
J'ignore s'il a été réédité depuis et
je doute qu'on puisse encore le
trouver en librairie. Ces
deux ouvrages sont empreints d'une partialité évidente en
faveur du personnage d'Apollonius
de Tyane, dont on ne sait, en réalité, que peu de choses. Leurs
auteurs respectifs ne font (et comment pourrait-il en être
autrement à près de deux mille ansde
distance!) que compiler des ouvrages antérieurs, qu'ils accommodent àleur
sauce pour présenter
Apollonius de Tyane de la façon qu'il sied le mieux àleurs
convictions. Mario
Meunier a "essayé de rendre accessible et de faire revivre dans I'esprit
même de sa légende,
la curieuse et attrayante figure d'un des derniers représentants de
la sagesse antique...".
Son avant-propos de 14 pages résume consciencieusement la
vie d'Apollonius, mais
on ne peut affirmer que tout s’est déroulé de la manière
dont il lerapporte,
car il se fie à la biographie d'Apollonius de Tyane écrite
par Philostrate plusd'un
siècle après la mort du tyanéen. G.R.S. Mead est plus prudent dans son approche, i1 tente de séparer la légende de la réalité et, en sous-titre, il nous précise le but de sa démarche: Étude critique des seuls documents qui existent sur la vie d'Apollonius de Tyane; Exposé des diverses opinions concernant ce philosophe; Aperçus sur les associations religieuses et sur les communautés du 1er siècle de notre ère; Influence possible de la pensée hindoue sur la pensée grecque. Nous entrevoyons déjà dans quelle direction l'auteur anglais,théosophe, souhaite nous orienter... Mead, comme Meunier, souhaite réhabiliter I'image d'Apollonius de Tyane, quelque peu ternie au cours de l'histoire par 1'emprise croissante du Christianisme. Ces deux auteurs ont en commun la même vénération dePythagore, vénération qu'ils attribuent également àApollonius. L'époque
d'Apollonius de Tyane Nous disposons de peu d'informations sur les conditions de la vie religieuse au premier siècle de notre ère. Non seulement le temps historique, bientôt deux millénaires nous séparent de cette époque, mais l'avènement du Christianisme d'une part et 1'éclosion de la pensée rationnelle de 1'autre, ont considérablement transformé le mode de pensée et de vie des êtres humains depuis lors. II existait àcette époque beaucoup de cultes divers, nécessitant souvent un parcours initiatique, mystères phrygiens, bachiques, mystères d'Isis, de Mithra, d'Éleusis. Ces derniers se trouvaient sous l'égide de l'État, et les respectables citoyens d'Athènes se devaient d'être initiés à ces mystères. Dans
son traité De
la vie contemplative, Philon signale 1'existence de nombreux
groupes d'hommes abandonnant leurs biens pour se retirer du monde
et se dévouer à la recherche de la sagesse et à la
pratique de la vertu. La vie religieuse se confondait souvent avec la recherche
de la vérité,
généralement attribuée à la pratique de la
vie philosophique. La confusion
des "genres" entre philosophie et religion, mythe et réalité objective,
apparaît jusque dans la biographie d'Apollonius écrite par Philostrate,
qui mélange les faits historiques et la poésie sophiste...
Notre rationalité
nous a accoutumé depuis deux siècles à ne plus mélanger
les faits et les commentaires, le récit mythique du fait historique... Comment
Apollonius de Tyane est parvenu jusqu'à nous La biographie d'Apollonius de Tyane fut commandée à Philostrate par Julie Domna, mère de Caracalla, impératrice de Rome sous le règne de Septime Sévère, en 1'an 216 après J.-C., soit plus de cent ans après la mort du sage. Philostrate est un homme de lettres qui vécut de 175 à245 après J.-C. Il est 1'auteur de la seule biographie d'Apollonius, qui fut écrite en grec(1). Cet ouvrage est fondé d'une part, sur des récits obtenus dans les villes ou Apollonius a vécu, et d'autre part, sur des notes de Damis, un disciple d'Apollonius qui 1'accompagna au cours de plusieurs de ses voyages. Julie Domna aurait aussi remis àPhilostrate des lettres d'Apollonius de Tyane que 1'Empereur Hadrien possédait. Le second document connu sur Apollonius de Tyane fut écrit vers l'an 305 de notre ère par Hiéroclès, philosophe grec, gouverneur de Palmyre. Dans son ouvrage intitulé : L'ami de la vérité,Hiéroclès oppose aux miracles du Christ les miracles qu'auraient accompli Apollonius de Tyane, selon la biographie de Philostrate. Eusèbe de Césarée répondit àHiéroclès dans un traité intitulé : Contra Hieroclem, dans lequel il nie 1'existence des miracles attribués à Apollonius de Tyane. "Si ceux-ci ont réellement existé, ils ne peuvent être que l’œuvre du démon", selon Eusèbe. La controverse ouverte par Hiéroclès et Eusèbe fut reprise au XVIème siècle, lors des rééditions de la biographie de Philostrate, pour perdurer jusqu'au XIXème siècle. Pour les chrétiens, au cours de l'histoire, Apollonius est tantôt un magicien, tantôt un sage. Jean Chrysostome qualifie Apollonius de menteur et d'être malfaisant. Saint-Jérôme dit de lui qu'il trouve toujours matière à s'instruire et às'améliorer. Au Vème siècle, Saint-Augustin pense qu'on ne peut le comparer àJésus, mais qu'il est un homme vertueux. Plus
tard, au XIème siècle, le moine Xiphilin qualifie Apollonius
de magicien et d'adroit
escamoteur. Selon Nicetas, il existait encore àByzance
au XIIème siècle, certaines portes de bronze consacrées
jadis par Apollonius, qui durent être fondues car elles étaient
devenues, même pour les chrétiens, un objet de
superstition. Signalons encore qu'à Rome, un temple fut élevé
à la mémoire d'Apollonius, aux frais du trésor de 1'Empire,
sur la décision de Caracalla.
Quelques
aperçus sur la vie d'Apollonius de Tyane Apollonius
est né à Tyane, au sud de la Cappadoce, de parents fortunés, au
début de 1'ère chrétienne. A 1'age de quatorze ans,
il fut envoyé àTarsepour
étudier. Il alla ensuite àÉgée,oùil
fut admis dans le temple d'Esculape,
vers 1'âge de vingt ans. II hérita alors des biens familiaux
qu'il partagea avec
son frère qui menait une vie dissolue. Il distribua une part de
sa fortune àses
proches parents, car il estimait qu'il avait peu de besoins personnels
et qu'il n'allait pas se marier. Il mangeait seulement les produits de la terre :fruits et légumes, afin, disait-il, de se purger 1'esprit. Il ne buvait pas de vin "qui trouble 1'esprit". Il fit vœu de silence pour cinq ans durant lesquels il voyagea et étudia. Puis, il y a un trou dans sa biographie d'une durée de quinze à vingt ans. On le signale ensuite, à Antioche où il consacre ses matinées aux "choses" divines et les après-midi aux enseignements de la vie éthique et pratique. Grand
voyageur, il alla jusqu'en Inde, dans la vallée du Gange, oùilrencontra
des bouddhistes. Selon les commentaires, i1 serait parti pour l'Inde
à la recherche d'une communauté particulière et il
revint chargé d'une mission. On signale sa présence à
Babylone, Ninive, à Chypre, puis en
Ione, en Asie Mineure, dans les villes de Smyrne, Pergame, Troie, et en Crète,
avant d'être à Rome en 66, sous le règne de Néron.
Ce dernier promulgua
cette année-là,
un édit proscrivant les
philosophes et Apollonius
partit alors pour l'Espagne, à Cadix. Il rencontra l'apôtre
Paul à Rome, oùce
dernier fut décapité. Apollonius quitta ensuite 1'Espagne pour
la Sicile, et de là il repartit en Grèce, avant de s'embarquer
pour I'Égypte
et de remonter le Nil jusqu'en Éthiopie. II revint à Rome,
attira la suspicion de
l'Empereur Domitien qui le fit emprisonner, puis jugé et acquitté
en 1'an 81. On signale encore que Vespasien, Titus et Néron furent
des admirateurs d'Apollonius qu'ils connurent avant leur arrivée
au pouvoir à Rome.
Apollonius repartit pour la Grèce après l’issue heureuse de
son procès, renvoya son disciple Damis à Rome, et il mourut
à l'âge de quatre-vingt
ans environ. Quelques
aspects sur les oeuvres d'Apollonius
de Tyane. Apollonius
passe pour un prophète, un thaumaturge. Il semble être un disciple
de Pythagore pour qui le vrai philosophe est celui qui connaît les secrets
de la nature, non de la lecture et des discours d'autrui. Le sentier de
la philosophie est la vie du philosophe. Apollonius passa beaucoup de temps à rétablir les rites dans les temples de diverses divinités. Il condamnait les combats de gladiateurs, maisapprouvait les jeux olympiques. Il aurait fréquenté, en Éthiopie notamment, ceux que l'on a appelé les "gymnosophistes", les philosophes nus, c'est-à-dire les membres de communauté composés de ceux qui avaient abandonné tous biens matériels et pratiquaient des mortifications. Comme je 1'ai signalé précédemment, on lui attribue des miracles. Les cas relatés se rapportent surtout à la guérison de malades. II lisait dans les pensées et avait un don de prophétie. II faut cependant rappeler que la notion théologique du miracle est postérieure à la vie d'Apollonius. II semblait écouter la voix intérieure de son daïmoncomme Platon. Onsignale
également à son propos un don de prescience. II refusa une
fois de s'embarquer sur un bateau qui fit naufrage. Il eut
une vision à distance d'un
temple incendié àRome.
Alors qu'il était à Alexandrie, on
raconte qu'il eut la vision
de l'assassinat de l'Empereur Domitien àRome.
Il interprétait les songes. II eut de nombreux disciples imitant
son mode de vie, mais
n'a jamais fondé d'École. Il était végétarien,
menant une vieascétique.
Parmi ses disciples, on peut citer Musonius et Démétrius
àRome. Des
paroles et sermons attribués àApollonius,
on peut extraire les recommandations suivantes : "De
ne rien posséder et cependant posséder toutes choses." "Accordez-moi,
O dieux, de posséder peu et de ne désirer rien." "Je prie pour que la justice règne, et les lois soient respectées; pour que les sages soient pauvres et les autres riches par des moyens honnêtes." Sur la notion d'entraide entre les hommes, Apollonius un jour montra en exemple un moineau gazouillant, entraînant tous les autres àsa suite. II était venu annoncer aux autres moineaux la présence de grains de blé renversés sur une route, plus loin. Parmi les conseils qu'il donna àVespasien sur la manière d'être un bon roi, on peut relever celui-ci : "Necomptez pour rien 1'argent amassé, en quoi vaut-il plus que le sable amoncelé par le hasard ? Ne comptez pour rien non plus l'argent prélevé par les lourds impôts qui écrasent le peuple : l’or qui vient des larmes est vil et maudit. Mieux qu'aucun roi vous emploierez vos richesses, si vous secourez ceux qui sont dans le besoin, et si vous laissez les riches jouir en paix de leurs biens." Apollonius
glorifiait la sagesse : "Le
sage doit être capable de mourir pour ses idées et la vérité
doit lui être plus chère que la vie". Il répondit un
jour qu'on lui demanda
ce qu'il pensait du fameux dicton : "Connais-toi toi même!"
- "Je crois que l'homme sage
qui se connaît lui-même, et qui vit en
constante communion avec son esprit véritable, qui combat avec cet esprit
àsa droite, ne s'abaissera
jamais aux craintes qui effraient le commun des mortels; et
qu'il n'osera plus commettre ce que la plupart des hommes
commettent sans honte aucune." Apollonius
a écrit de courtes lettres d'après le mode du scytale lacédémonien(2)
dont j'extrais les suivantes : "Il n’est pas possible à l'homme de ne pas commettre d'erreurs, seul un caractère noble reconnaît en avoir commis."(3) "Pythagore
dit que 1'art le plus divin est celui de guérir. Si l’art de guérir est
si divin, il doit s'occuper de l'âme autant que du corps, car nul
être n’est sain, lorsque
ce qu'il y a de supérieur en lui est malade."(4) "Héraclite fut un sage, mais il ne conseilla jamais au peuple d'Éphèse d'effacer la boue par de la boue !"(5) "Si quelqu'un se dit mon disciple, qu'il ne fréquente pas les lieux publics, qu'il ne tue aucun être vivant; qu'il ne mange pas de viande, qu'il soit délivré de 1'envie, de la malignité, de la haine, de la calomnie, du ressentiment, et qu'il ait son nom inscrit parmi les noms de ceux qui ont obtenu la libération."(6) Cette dernière lettre résume la pratique de la sagesse conseillée par Apollonius. On est plus proche du sage, au sens traditionnel, àla recherche d'une vérité intégrant 1'ensemble du mode de vie de 1'être, que du philosophe grec orateur, même si les grecs anciens, à1'exception des sophistes peut-être, tentaient de vivre selon les préceptes qu'ils enseignaient. Pour
Apollonius de Tyane, je ne suis pas sûr qu'il faille lui attribuer
le qualificatif de philosophe, comme 1'a fait G.R.S. Mead dans son
ouvrage, car Apollonius n'a pas écrit une oeuvre philosophique à1'exemple
de Platon ou d'Aristote. Je crains que le sous-titre de Mario Meunier: Le séjour
d'un Dieu parmi les hommes, emprunté
àlabiographie
d'Apollonius par Philostrate ne convienne guère mieux au personnage.
Eugène de Faye, dans : Origène,
sa vie, son oeuvre, sa pensée,décrit
ainsi 1'Apollonius de Philostrate : "Apollonius
représente le philosophe
parfait tel que le rêvaient la plupart des contemporains d'Origène.
Il est tour à tour directeur de conscience comme Sénèque, éducateur
comme Épictète, prédicateur et orateur populaire àla
manière de Dion
de Pruse, ascète et mystique comme 1'a été selon toute vraisemblance,
l'Apollonius véritable"(7). De mon analyse, il semble que ces deux
qualificatifs d'ascète et de mystique peuvent être retenus
au sujet d'Apollonius
de Tyane, auxquels on peut ajouter celui de sage. P.-P.
R. ________________________________________ 1 Flavius Philostrate : De Vita Apollonii Tyanei. Elle fut rééditée en 1501 àVenise, suivie du texte d'Eusèbe : "l'antidote accompagne le poison", puis traduite en français par Blaise de Vignières et publiée à Paris en 1596, 1599 et 1611. 2 Le scytale était une baguette ou bâton dont on se servait pour écrire les lettres chiffrées. "Autour de ce bâton on enroulait en spirale une bande de parchemin sur laquelle on écrivait le message dans le sens de la longueur. Lorsque la bande était déroulée, le message était inintelligible. Celui qui recevait le message, pour le lire, enroulait la bande sur un bâton exactement de la même grosseur que celui dont on s'était servi pour écrire." (Lexique de Liddel et Scott) De là vient que le nom de scytale fut donné aux messages spartiates, d'un laconisme proverbial. 3 Lettre adressée aux Éphores (magistrats de Sparte). 4
Lettre adressée àCriton. 5
Lettre adressée aux prêtres de Delphes. 6 Lettre adressée àCriton.
APOLLONIUS RENCONTRA LES HOMMES QUI SAVAIENT TOUT
Au premier siècle de notre ère, àla frontière de Babylone, un garde questionna un voyageur grec de belle apparence -« Quels présents apportes-tu ànotre souverain? demanda-t-il. - Toutes
les vertus, répliqua le Grec. -Penses-tu
que notre roi ne les a pas? s'enquit l'officier. -
Il peut les avoir, mais il ne sait pas s'en servir
», répondit hardiment le voyageur
qui s'appelait Apollonius de Tyane. Malgré
1'insolence de ses propos, le voyageur fut autorisé àpasser
la frontière babylonienne,
le garde estimant que le roi pourrait trouver quelque intérêt
àrencontrer
1'excentrique visiteur. Apollonius
était né en Cappadoce vers l’an 4 av. J.-C.Ses
maîtres cessèrent de l'instruire
lorsqu'il eut quatorze ans, àcause
de son intelligence innée. Le jeune garçon,
àseize
ans, prononça les vœux qui le liaient à1'école
de Pythagore et s'attacha
au temple d'Aegae. Sa sagesse et ses réussites médicales
étendirent si vite
sa réputation que l’on disait en Cappadoce aux gens pressés:
« Pourquoitant de hâte?
Courez-vous voir le jeune Apollonius? » Un
prêtre d'Apollon lui apporta un jour une carte gravée sur
cuivre, lui disant qu'elle
indiquait le chemin de la Cité des Dieux. Apollonius fut bientôt
en route vers l’est. A
Mespila (Ninive), un certain Damis lui offrit ses services comme
guide. La biographie du philosophe grec fut écrite, plus tard, par Philostrate
àla
demande de l'impératrice byzantine Domna. Après
de dures étapes qui les menèrent en Inde, les deux voyageurs,
panant des bords du Gange, tournèrent au nord en direction de 1'Himalaya.
Il est àprésumer
qu'ils allèrent au Tibet, car le voyage prit dix-huit jours. Comme
le sage grec et son dévoué compagnon approchaient de 1'Olympe
asiatique, d'étranges
phénomènes commencèrent àse
produire. Le chemin qu'ils empruntaient
s'effaçait derrière eux. Le paysage était mouvant
et il semblait aux voyageurs qu'ils avançaient
dans un site enchanté. Aux
limites de cette région merveilleuse, un jeune garçon vint
àleur
rencontreet s'adressa, en grec,
au philosophe, comme si la venue de celui-ci était attendue.
Apollonius de Tyane fut alors présenté au maître du
pays que Philostrate appelle Iarchas. La
fabuleuse contrée regorgeait de merveilles scientifiques. Il y avait
des puits d'où
sortaient des colonnes de lumière qui s'élevaient dans l’air
comme celles des projecteurs.
Des pierres phosphorescentes illuminaient la ville d'une clarté comparable
àcelle
du jour. Apollonius
et Damis assistèrent àdes
démonstrations de lévitation où leshommes,
sans poids, flottaient en Pair. Quatre automates, tripodes, circulaient dans
la salle à manger, distribuant
nourritures et boissons tandis que les visiteurs
étaient assis àla
table de leur hôte. Le biographe d'Apollonius emprunte àHomère
la description de ces robots qui « mus par l'esprit, roulaient de
place en place autour du lieu béni, se déplaçant d'eux-mêmes,
obéissant au moindre signe
des dieux. » Les
réussites techniques et la supériorité intellectuelle
de cette communauté impressionnèrent
si fort Apollonius qu'il se contenta d'un signe muet d'assentiment
quand le roi Iarchas lui fit remarquer ce fait évident: «
Tu es venu vers les hommes
qui savent tout. » Selon
le philosophe de Tyane, ces savants « vivaient àla
fois sur la terre et en dehors
d'elle. » La remarque a-t-elle un sens littéral ou allégorique?
Si nous l'acceptons àla
lettre il faudrait comprendre que ces peuples étaient en communication
avec d'autres mondes d'autant plus aisément qu'ils avaient maîtrisé la
force de gravité. Cette interprétation permettrait de comprendre
une autre affirmation
de Iarchas: «que l'univers est chose vivante. » Apollonius reçut des adeptes d'Asie une double mission. Il fut chargé, tout d'abord, d'enterrer certains talismans ou aimants dans des lieux qui, àune époque future, prendraient une signification historique. Il devait, de surcroît, rentrer en Occident pour secouer la tyrannie romaine. Le sage grec parvenu àRome sous le règne de Néron, au temps ou les écoles philosophiques étaient en butte aux persécutions, fut promptement traduit devant un tribunal. Lorsque le procureur déroula le manuscrit où étaient consignées les charges contre Apollonius, le juge, stupéfait, constata que le document était vierge! Aucune preuve écrite ne pouvait être retenue contre lui: 1'accusation tombait d'elle-même. Apollonius fut relâché, mais, de ce jour, les autorités romaines furent envahies, àson égard, d'une crainte superstitieuse. Sous
l'empereur Vespasien les choses aillèrent mieux et le philosophe
fut choisi comme conseiller
impérial. Son influence augmenta encore avec Titus qui lui dit:
"En vérité, si j'ai pris Jérusalem, toi, Apollonius,
tu m'as conquis! " Sous
le règne de Domitien, le sage fut accusé d'activités
anti-romaines. Au procès,
Apollonius regarda dédaigneusement 1'empereur qu'il avait connu
tout enfant. Les patriciens,
anxieux, se souvenaient des faits étranges survenus au tribunal
de Néron. Domitien et les juges, pour éviter un échec
public, tentèrent de
se blanchir en retirant quelques-unes des charges imputées à1'accusé
àcondition qu'il fût
cependant condamné. Face
à1'empereur
romain, Apollonius, se drapant dans son manteau, 1'interpella: "Tu
peux détenir mon corps, mais non mon âme, dit-il, et j'ajoute
que mon corps même tu ne le tiens pas! " Sur ces mots,
il disparut dans un éclair que purent voir
des centaines de témoins rassemblés au tribunal. L'histoire
ne mentionne pas la date à laquelle
mourut le philosophe. La
présenced'Apollonius,
alors centenaire, est attestée àÉphèse,
puis les chroniqueurs perdent la trace de ce personnage hors série. Le
séjour du sage de Tyane en Asie où il s'instruisit aux pieds
de ceux « quisavaient
tout» est d'un grand intérêt historique. Apparemment,
nos robots ne sont pas
nouveaux si des automates servirent Apollonius et Damis dans le palais
de Iarchas. L'antigravitation était utilisée par ceux qui
pouvaient àleur gré
s'élever et planer dans les airs. D'après le récit,
le paysage était mouvant quand
les voyageurs arrivèrent dans les parages de la secrète demeure
tibétaine. Les vagues
lumineuses ondulatoires relèvent plus de la science-fiction que de
la science proprement dite, mais le phénomène pourrait expliquer
les scènes qui
se passèrent aux abords du Tibet et la disparition du philosophe
grec au tribunal de Domitien.
La brillante clarté qui provenait des puits et des pierres était
peut-être produite par 1'électricité ou quelque autre
source d'énergie. Personne
n'a le droit de rejeter sans examen le témoignage de Philostrate
qui recourut, àByzance,
àde nombreux documents
pour rédiger la biographie d'Apollonius.
Pas plus que ne sont contestables les écrits des auteurs de 1'Antiquité
comme Hérodote, Virgile, Plutarque et tant d'autres. Apollonius
de Tyane fut si vénéré
que Septime Sévère, maître de 1'empire romain de 193
à211 de notre ère,
conservait une statue du philosophe grec dans une chasse qui abritait
également Jésus et Orphée. "Nous
ne sommes pas les Premiers"
APOLLONIUS A GENEVE
Le chemin nous est inconnu qu'Apollonius parcourt pour arriver à Genève après son séjour en Espagne. Sa présence, en cette ville, figure dans la relation de ses voyages et, un commentaire indique une promenade qu'il effectue au bord du lac. Distrait, ou entièrement absorbé par sa méditation, il ne voit pas la masse d'eau qui s'étend à ses pieds et s'enquiert, par la suite, de l'endroit où se trouve le lac. Genève, ville consacrée au culte celtique, honorait alors le Soleil dans un temple à lui dédié, situé à l'emplacement où s'élève, aujourd'hui, la cathédrale. A cet endroit, dit-on, Apollonius inspira une dédicace gravée sur une dalle proche du temple solaire. Il
est passionnant d'imaginer que sa découverte serait un jour possible
et qu'elle livrerait son secret à d'heureux chercheurs. La marque
perdue relève bien du symbolisme maçonnique.
LE NYCTHEMERON D'APOLLONIUS DE TYANE
Le
Nycthéméron, d'Apollonius de Tyane, dont titre peut être
traduit ainsi : " Le Jour
de Dieu qui luit dans les ténèbres», le Dieu qui gît
prisonnier dans notre microcosme.
Ce « Jour »
est divisé en douze « Heures», douze échelons,
douze étapes.
Chaque « heure » contient des indications concrètes
qui font bien comprendre la
manière dont le Jour de Dieu peut être réalisé
par chaque candidat. En
bref, c'est une méthode, un chemin de parfaite délivrance.
LES DOUZE HEURES DU NYCTHEMERON
LE NYCTHEMERON d'APOLLONIUS DE TYANE EXPLIQUE
PAR J. VAN RIJCKENBORGH 1982 - HAARLEM - ROZEKRUIS PERS - PAYS-BAS Traduit du néerlandais: "Het Nuctemeron van Apollonius van Tyana" Première
édition néerlandaise 1968 COMMENTAIRE MAÇONNIQUE A PROPOS D'APOLLONIUS
Les lettres d'Apollonius reflètent le souci de perfection qu'il poursuit durant son existence entière. Leur étude permet d'y retrouver l'illustration de notre devise "LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ". Notre code maçonnique actuel apparaît en filigrane dans les enseignements et les actes d'Apollonius. Pythagore est présent dans tous nos temples. La chaîne d'union, le silence de nos apprentis, le respect d'autrui, la tolérance, pour ne citer que quelques-unes de nos plus nobles aspirations, s'inspirant directement de l'esprit du Philosophe. La Tétrade lui est familière et, à l'enseignement qu'il reçoit des Brahmanes, il ajoute celui de l'Ether. Il enseigne qu'il est essentiel d'être fidèle à son idéal et, il recommande souvent à ses semblables de ne point juger autrui... Son mode de vie est celui d'un Initié, d'un être supérieur, qui sait, cependant, vivre dans le monde et au milieu des hommes. Il démontre ainsi la faculté d'appliquer la théorie philosophique à la pratique. Apollonius est un modèle, mais de dimensions humaines, et rien de ce qu'il enseigna ne peut nous paraître étranger. De ce fait, tout Maçon doit être ce que fut Apollonius, ou, à défaut, tout Maçon doit essayer de devenir ce que fut Apollonius. Désormais, Apollonius de Tyane nous est plus familier. Ce qui précède nous permet de l'apprécier et de comprendre la valeur de son exemple. Souhaitons,
qu'un jour, de nouvelles recherches soient entreprises afin de mieux connaître
encore le Philosophe. Ce travail permettrait alors de poursuivre plus avant
l'étude des commentaires et d'apporter certains éclaircissements
qui intéressent les Frères de notre Atelier.
RÉFÉRENCES ET LISTES DES SOURCES CONNUESCONCERNANT APOLLONIUS DE TYANE
Les recherches que nous avons entreprises seront, nous l'espérons, reprises et approfondies par un autre Maçon. Dans cette
perspective, nous donnons, ci-dessous, la liste des références
qui nous sont connues et qui traitent du Philosophe, de son histoire, de
son enseignement et de ses contemporains.
BIOGRAPHIE D'APOLLONIUS SELON PHILOSTRATE
Ce qui retient surtout notre attention dans la vie d'Apollonius, ce sont ses doctrines, l'évolution religieuse à laquelle il est mêlé et l'esprit de son temps. De ce dernier point de vue, les miracles dont il est si libéralement gratifié dans Philostrate, ne doivent pas être négligés. Les païens n'y croyaient pas seuls, tout nous l'atteste, mais les chrétiens aussi, quand il leur fut opposé (ce qui n'eut lieu qu'au temps de Dioclétien, lorsque Hiérocles écrivit contre eux son livre). Ce livre est intitulé: l'Ami de la vérité, adressé aux chrétiens par Hiérocles, gouverneur de Bithynie. Jésus-Christ y est représenté comme un voleur de grands chemins qui infestait la Judée avec neuf cents brigands. Les miracles d'Apollonius de Tyane sont déclarés bien supérieurs à ceux que les chrétiens attribuent au fondateur de leur secte. Les chrétiens ne refusent pas d'admettre qu'il en eût fait; ils se contentent d'attribuer ceux qu'ils ne nient pas à l'art de la magie ou à l'influence des mauvais esprits. Parmi les plus remarquables de ses miracles, nous citerons: La Fontaine du secret - le criminel découvert - le don de connaissance de toutes les langues - sa lutte contre une empuse - les onagres - ses dons de divination - de double vue - sa prédiction au sujet de Néron - sa victoire sur le démon de la peste - sa chasse aux démons - ses dons de magie. Il rend la vie, miraculeusement, à une jeune fille décédée, sauve par sa clairvoyance un condamné à mort, devine l'emplacement d'un trésor fabuleux. Il possède le don de disparaître et de réapparaître, ainsi que la faculté de bilocation. Entouré de ses disciples, il annonce la mort de Domitien, survenue très loin de là. Enfin, après sa mort, son ombre apparaît à plusieurs de ses disciples. Sa présence et la force de son enseignement en font, ce qu'il n'est pas exagéré de dénommer, la dernière idole du paganisme. La tolérance et la modération d'Apollonius apparaissent à chaque instant dans sa vie et il les porte dans des choses diverses. Il laisse son Maître, Euxène vivre en véritable épicurien avec la fortune qu'il lui donne. Il n'impose pas à ses disciples le régime qu'il observe lui-même et, s'il cherche la perfection à sa manière, il laisse les autres la chercher par des voies différentes. Il ne pense pas non plus qu'il convienne à un roi de poursuivre la voie de la sagesse à l'instar d'un simple particulier; il fait la part des diverses conditions et évalue le devoir à la possibilité de le remplir et aux impératifs des convenances sociales. Il considère la terre entière comme une seule Patrie et tous les hommes comme des frères. Il recherche la longue chaîne de la tradition qui relie les hommes à travers tous les temps. Après avoir étudié la grammaire et la rhétorique avec Euthydème, il pénètre le système pythagoricien grâce à l'enseignement d'Euxène. La richesse de cette doctrine lui laisse entrevoir la Voie Royale. Afin de s'y mieux consacrer, il décide de se mettre à l'épreuve et de se donner cinq ans de réflexion. Durant ces cinq années, il garde le silence le plus absolu, tout occupé à s'enrichir spirituellement. Cette période de sa vie va de l'an 17 à l'an 22. Alors, enfin, Apollonius considère son éducation philosophique comme terminée. Sa vie continue, il est vrai, de n'être qu'un long voyage et toutes les parties du vaste empire romain sont tour à tour gratifiées de sa présence. En 43, il se rend à Babylone et en 46 il se trouve aux Indes afin d'y apprendre les secrets des Initiés. En 47, il est de retour à Babylone et, en 61, sa présence est célébrée à Olympie, pendant la durée des jeux. A Rome, sous le règne de Néron en 63, il visite ensuite l'Espagne en 66. Ses derniers longs voyages le conduisent en Égypte, puis en Éthiopie, à partir de 69. Il est jeté en prison sous Domitien, en 92 à Rome. Ses dernières années, il les passe, dès 93 à parcourir la Grèce où il trouve la mort en 96. Mais, s'il parcourt ainsi le monde, c'est désormais moins pour s'instruire que pour instruire les autres. Il a la conscience de posséder la sagesse dans toute sa plénitude et il se conduit en conséquence. S'il visite le tombeau d'Achille, le héros sort de son sépulcre pour lui communiquer ses désirs et ses volontés. Se rend-il plus tard en Éthiopie pour connaître les Gymnosophistes qui se proclament les plus sages des hommes, il rabaisse d'abord leur orgueil et, l'un d'eux, le plus sincère, le plus ardent dans la recherche de la vérité, les abandonne pour devenir son élève. A Éleusis, l'hiérophante refuse de l'initier aux mystères. "J'y serai initié, lui dit Apollonius, mais un autre que toi aura l'honneur de cette initiation." Les gardiens de l'antre de Trophonios lui en interdisent l'entrée. Il ne tient aucun compte de cette défense et, pendant la nuit, il force l'entrée du gouffre pour conférer avec le dieu. Celui-ci en éprouve une telle joie qu'il apparaît à ses prêtres et leur reproche vivement leur conduite à l'égard d'un tel homme. En même temps, il leur ordonne de se rendre à Aulis avant le septième jour, pour voir alors Apollonius sortir de terre. Apollonius reparaît, en effet, dans ce lieu, au grand étonnement et, sans doute, à la grande confusion de ceux qui lui avaient témoigné si peu de respect. Il rapporte un écrit du dieu attestant que la meilleure philosophie est celle de Pythagore. Il accuse souvent les prêtres d'égarer les hommes et de desservir leur religion. Apollonius est plus habile qu'eux dans l'exercice de leur art principal, la médecine. Il guérit davantage de malades et ne demande rien pour salaire, ayant fait vœu de pauvreté. Il jouit aussi d'une plus grande popularité et l'imagination se plaît à broder, autour de faits qui ont peut-être un fond de vérité, des détails propres à renforcer son prestige. Ces récits merveilleux, que la crédulité publique accueille sans doute avidement, confèrent à Apollonius une influence que n'ont plus les oracles. Aussi, les prêtres de ceux-ci ne sont-ils pas tous bien disposés à son égard. S'il s'était intitulé prophète, ils lui auraient plus facilement pardonné. Mais il disait: "Je ne suis qu'un homme," et "tout homme parla contemplation et par la philosophie peut s'élever jusqu'aux dieux. Le sang des victimes ne peut leur plaire; le plus bel hommage qu'on puisse leur rendre, c'est celui d'un cœur pur". "Si la bonté est un des attributs de la divinité, les hommes qui sont bons ont quelque chose de divin." Pendant ce temps, l'incrédulité semble gagner du terrain parmi les nations attachées à la religion hellénique et parmi les Romains, dont le culte tend à se confondre avec cette religion, dans la période qui précède immédiatement l'ère chrétienne. Mais, l'incrédulité n'est pas pour les peuples un état durable. Une forte réaction suivit. Elle est signalée à la fois en Occident et en Orient, par un essor particulier du goût du merveilleux. En Orient, elle donne lieu, de plus, à un nouvel et long effort pour resserrer les liens de la morale et de la foi, en même temps, qu'on cherche à celle-ci des stimulants, en associant plus étroitement, les fables homériques avec les dogmes de théocratie auxquelles leur éloignement même assure un certain prestige. C'est à cet effort que se rattache le nom d'Apollonius de Tyane. A Rome, où domine le principe d'une religion d'État, au contraire, ceux des Empereurs, les plus fidèles à la politique romaine, sont convaincus de rendre à la religion son influence et son autorité, en appliquant des mesures de police. Toute innovation qui intervient dans le culte et les objets auxquels il s'adresse, trouve d'ailleurs en eux des adversaires déclarés. Suivant Dion Cassius, Mécène donne à Auguste le conseil suivant qui sert de leçon à ces princes: "Honore partout et toujours les dieux de la manière usitée dans l'Empire, et contrains les autres à les honorer de même. Punis du supplice les auteurs de religions étrangères, non seulement par respect pour les dieux, mais parce que ceux qui introduisent de nouvelles divinités engagent d'autres personnes à suivre des lois étrangères, d'où naissent les conjurations, les sociétés secrètes, qui sont très désavantageuses au gouvernement d'un seul. Ainsi tu ne souffriras personne qui méprise les dieux, personne qui s'adonne à la magie." Apollonius cherche à réformer le paganisme en préparant l'avènement d'une nouvelle religion basée sur l'intuition intérieure et la révélation individuelle. Il est un prêtre réformateur et, davantage encore, un moraliste. Par son enseignement, il tente d'élargir la sphère de la spéculation philosophique, mais la société, au milieu de laquelle il évolue, est en pleine décadence. La personnalité d'Apollonius et son rayonnement sont tels, que les responsables du pouvoir s'en inquiètent. C'est ainsi que Néron, avant de se rendre en Grèce, promulgue un décret qui oblige les philosophes de quitter Rome. Apollonius se retire en Espagne. Durant le trajet, il annonce à ses compagnons la chute prochaine de Néron, et son biographe ajoute qu'arrivé à Cadix, il a plusieurs entrevues secrètes avec un gouverneur de Bétique, ami de la philosophie. Mais, il ne se borne pas, suivant toute apparence, à de simples paroles; il conspire contre Domitien comme il avait conspiré contre Néron et, c'est pour élever Nerva à l'empire. Dénoncé par Euphrate, il apprend que l'empereur veut s'emparer de sa personne et, par une hardiesse dont sa vie offre plus d'un exemple, il prend la résolution de se présenter devant lui. Démétrius le Cynique, qu'il visite alors à Dicéarchie (Pouzzoles), ne peut, malgré tous ses efforts, le détourner de ce projet téméraire. Accompagné du seul Damis, auquel il fait quitter le costume de Pythagoricien, peu indiqué en ces temps de persécution, le philosophe gagne Rome. A peine arrivé, il est saisi par ordre du préfet du prétoire Aelianus. Aelianus était un ami secret de la philosophie. Tout en exécutant les ordres de son ma1tre au sujet d'Apollonius, il cherche à le sauver. Il lui fait connaître les accusations formulées contre lui et les réponses qu'il y doit faire. Ce qui suit représente avec assez de fidélité les ruses familières du tyran. Apollonius reçoit tout d'abord dans sa prison la visite d'un délateur chargé de pénétrer ses pensées secrètes. Mais à trompeur, trompeur et demi. C'est Apollonius qui pénètre l'espion. Il ne l'entretient que des merveilles de l'Inde, des arbres et des bêtes sauvages, d'une nature toute particulière, qu'il a vus dans ses longs voyages. Le délateur se retire, honteux et confus. Apollonius est ensuite conduit devant l'empereur. Vains efforts de celui-ci pour tirer de lui quelque aveu contre Nerva. Domitien, irrité, lui fait arracher la barbe et les cheveux et ordonne qu'on le charge de chaînes. Jeté dans une prison plus dure, notre philosophe y conserve tout son calme et son sang-froid, les ruses de Domitien échouent toujours devant sa fermeté mêlée de finesse. Il sait que les dieux ne le laisseront pas captif et, grâce au don des miracles qui lui est dévolu, il suffit qu'il veuille rompre ses fers pour que ses fers se rompent. Avant de comparaître devant le tribunal de l'empereur, il congédie Damis, lui recommande d'aller trouver Démétrius et l'avertit qu'il viendra bientôt les rejoindre. Damis part sans beaucoup d'espoirs de revoir son Maître bien-aimé. Enfin, vient le jour du jugement. L'agitation de l'empereur est telle, selon le rapport de ses familiers, qu'il en oublie de prendre aucune nourriture. Apollonius conserve toute sa tranquillité d'âme. Le débat judiciaire s'engage. L'empereur accuse Apollonius de porter un vêtement particulier, d'avoir sacrifié un enfant, lors d'une conjuration magique destinée à donner à l'Empire un nouveau chef (lui qui ne sacrifiait pas même d'animaux). Il convient de noter la similitude de cette accusation avec celle dont les chrétiens furent si souvent l'objet, d'accepter qu'on lui donne le nom de dieu et, d'avoir prédit aux Éphésiens le fléau qui les menaçait. Apollonius répond victorieusement sur ces chefs d'accusation. Il est habile et éloquent pour se défendre du sacrifice de l'enfant. Ses adversaires prétendent qu'on gagne les dieux par de tels sacrifices. Quelle supposition impie! N'est-ce pas calomnier et insulter ceux dont la bonté est le plus bel apanage ? L'auditoire témoigne d'une manière non équivoque de ses sympathies pour le philosophe. L'empereur intimidé (on sait qu'il était aussi timide que méchant), n'ose poursuivre son interrogatoire. "Je t'absous lui dit-il, mais tu demeureras dans ta prison jusqu'à ce que j'aie eu avec toi un nouvel entretien particulier." Mais Apollonius: "Je te remercie o prince, lui dit-il fièrement. Grâce aux scélérats qui t'entourent, des villes entières ont péri, les îles sont remplies d'exilés, les provinces de gémissements. La crainte règne parmi les armées, et la défiance dans le sénat. Donne-moi la liberté, si tu veux; si tu me la refuses, tâche de t'emparer de mon corps ? Quant à mon âme, elle est à l'abri de tes atteintes. Que dis-je ? Mon corps lui-même va t'échapper. Tu ne pourras pas me tuer; car les destins n'ont pas décrété ma mort." Sur ces paroles, ses chaînes se brisent et il disparaît, tandis que Domitien demeure interdit. Ce qui paraît probable, c'est que la légende d'Apollonius de Tyane est née d'une oeuvre collective. Apollonius, lui-même, peut y avoir contribué. Non qu'il ait été, comme il en a été maintes fois accusé, un charlatan et un imposteur habile à faire des dupes. Bien des mots que lui prête Philostrate témoignent de sa bonne foi. Il déclare, par exemple, qu'il n'est qu'un homme et il décline, pour sa part, toute descendance divine. Mais l'amour propre rend crédule. Apollonius, en voyant la foule s'empresser autour de lui et le consulter comme un oracle, ne fut-il jamais tenté de se considérer comme un être supérieur ? On ne peut l'affirmer. Parmi les fables de cette légende, nous avons cru déceler l'existence de deux tentatives simultanées destinées à restaurer la religion païenne. L'une, a pour auteurs les empereurs, grands pontifes de Rome. Leurs moyens d'action résident dans le culte de la tradition, l'observation des anciens rites et cérémonies, ainsi que dans l'emploi de la persécution, comme contre des criminels d'État, contre ceux qui répudient la religion officielle. L'autre, incarnée par Apollonius, s'appuie sur la philosophie, sur l'introduction d'une morale épurée et, sur un système de fusion d'où le christianisme lui-même n'est pas toujours exclu. Cette dernière tendance affiche le dédain de la politique tout en ne se faisant pas scrupule d'y intervenir dans la mesure de ses intérêts. Témoin, les conspirations présumées d'Apollonius contre Néron et contre Domitien; témoin aussi, l'appui qu'il prête selon son biographe, successivement à Vespasien et à Nerva. Quelques années après, Apollonius annonce à Éphèse la mort du tyran et Domitien périt, en effet, assassiné par un affranchi. Tous ses actes sont abolis et Nerva devient empereur. La vie d'Apollonius prend fin à l'âge de cent ans révolus. Diverses légendes circulent sur les circonstances de sa mort et, tandis que la mémoire du prince qui avait opprimé l'empire est accablée d'outrages, on élève jusqu'aux nues la gloire de l'homme courageux dont la force d'âme l'avait fait pâlir. C'est sous les auspices de l'Impératrice Julie, mère de Caracalla, "l'Impératrice philosophe", que Philostrate publie sa vie. Caracalla lui élève un temple à Tyane, sa patrie, comme à un héros. Alexandre Sévère place son image dans le sanctuaire de ses études, à côté et, peut-être, avant celles d'Abraham, d'Orphée et de Jésus-Christ. La vie d'Apollonius est, certes, embellie et ornée de faits édifiants, d'actions, de prodiges qui confinent à la légende. Pour conclure, il nous est possible d'affirmer qu'Apollonius de Tyane, en plus de sa personnalité pythagoricienne, est l'un des derniers législateurs du culte romain et l'un des précurseurs de la magnifique École d'Alexandrie.
TEXTES DES LETTRES D'APOLLONIUS
Par Philostrate, nous connaissons 95 lettres dont l'auteur serait Apollonius. Par souci d'honnêteté, il convient de mentionner que certains historiens mettent leur authenticité en doute. Ainsi qu'il était coutume dans l'Antiquité, certains témoignages oraux caractéristiques auraient pu être recueillis, sous forme de lettres, afin d'assurer la pérennité d'une pensée. Ces lettres sont sélectionnées ici en raison de leur rapport avec Pythagore. Elles expriment l'immense sagesse de son enseignement à travers celui qui sut l'enseigner à ses concitoyens. Après
plus de deux mille ans, nous pouvons tirer profit des textes qui suivent
...
A EUPHRATE Je suis l'ami
des philosophes: Mais quant aux sophistes, aux grammairiens, et à
tout le reste de cette misérable engeance, je ne me sens, et j'espère
ne jamais me sentir pour eux aucune amitié. Cela ne s'adresse pas
à vous, à moins que vous ne soyez de ces gens-là.
Mais voici qui s'adresse à vous: modérez vos passions, efforcez-vous
d'être philosophe et, de n'être pas envieux des philosophes
véritables, car déjà vous approchez de la vieillesse
et de la mort.
A EUPHRATE La vertu vient de ta nature, de l'éducation, de l'exercice: trois choses qui, en vue de la vertu, méritent toute espèce de considération. Il faut voir si vous possédez l'une des trois. Ou bien, vous
devez abandonner vos nobles études, ou bien, vous devez en dispenser
l'enseignement gratuitement à qui voudra en profiter. Ne vous ont-elles
pas déjà valu les richesses d'un Mégabyse?
A EUPHRATE Vous avez
parcouru tous les pays. Depuis la Syrie jusqu'en Italie. Couvert de manteaux
magnifiques et comme on dit de manteaux de roi. Autrefois. Vous aviez un
manteau de philosophe, une barbe blanche et longue et, c'était tout.
Comment se fait-il donc que maintenant vous nous reveniez avec un vaisseau
chargé d'or, d'argent, de vases de toute espèce, de riches
étoffes, de tous les attributs du luxe, du faste, de la vanité,
de la folie ? Quelle est cette cargaison, quel est ce nouveau genre de
marchandises? Zénon, lui, était un simple marchand de fruits.
A EUPHRATE Il faudrait
peu de choses à vos enfants s'ils étaient les enfants d'un
philosophe. Vous devriez, en conséquence, ne songer à acquérir
que le nécessaire et surtout ne pas chercher ce que l'on n'acquiert
qu'au prix de la considération. Mais puisqu'il n'est plus temps
de revenir sur ce qui est fait, au moins devriez-vous être tout disposé
à répandre autour de vous un peu de vos richesses: n'avez-vous
pas des concitoyens, des amis ?
A EUPHRATE La doctrine
du plaisir n'a plus besoin de défenseur issu des jardins d'Épicure.
ni de son école: ne la voyons-nous pas tout à fait accepter
par le Portique? Peut-être allez-vous me contredire et m'opposer
tes discours et les sentences de Chrysippe, mais je lis sur les registres
de l'empereur: Euphrate a reçu tant et, plus loin: Euphrate a reçu
tant. Épicure ne recevait pas ainsi.
A EUPHRATE J'ai demandé à des riches s'ils n'avaient pas de soucis. " Comment n'en aurions-nous point", me dirent-ils. Et "d'où viennent donc vos soucis ?" "De nos richesses." Euphrate,
je vous plains, car vous venez de vous enrichir.
A EUPHRATE Quand vous
vous serez hâté de venir décharger votre vaisseau à
Egées, il vous faudra bien vite repartir pour l'Italie et recommencer
de faire la cour aux malades, aux vieillards, aux vieilles femmes, aux
orphelins. aux riches. aux voluptueux aux Midas, aux Geta. Il faut tout
remuer quand on a de si bonnes marchandises à débiter. Ah
! que ne puis-je percer votre vaisseau dans la demeure de Thémis
!
A EUPHRATE Peut-être allez-vous me mettre en accusation. A la bonne heure ! Enhardissez-vous donc; vous n'avez pas à être embarrassé, vous n'avez qu'à répéter ce qui se dit tous les jours: "Apollonius ne se rend jamais aux bains."C'est qu'il ne sort jamais de sa demeure et garde les pieds purs de toute souillure. "On ne voit jamais bouger une partie de son corps." Mais son âme est toujours en mouvement. "Il porte les cheveux longs. "Il agit en Grec, parce qu'il est Grec et non en Barbare. "Il porte une robe de lin. " Oui et c'est ce qu'il y a de plus pur parmi les substances sacrées. "Il fait de la divination". C'est que les choses inconnues sont plus nombreuses que les autres et, qu'il n'y a pas moyen de connaître autrement l'avenir. "Mais cela ne convient pas à un philosophe. Cela convient bien à un Dieu. "Il guérit les maladies et apaise les passions. "C'est une accusation qui lui est commune avec Esculape. "Il dit être le seul qui se nourrisse véritablement. "Oui; les autres dévorent. "Ses discours sont brefs et sont tout de suite terminés." C'est qu'il est capable de garder le silence. "Il s'abstient de viandes." C'est par là qu'il est homme. Si vous dites
que tels sont vos chefs d'accusation, Euphrate, peut-être, ajouterez-vous
celui-ci: "Si Apollonius avait quelque mérite, il aurait reçu,
comme moi, de l'argent, des biens, un rang dans la cité. "Mais,
c'est précisément s'il avait du mérite qu'il ne devait
pas recevoir". "Ne devait-il pas recevoir tout cela par égard pour
sa patrie? "Elle n'est pas sa patrie, la ville qui ne sait pas ce qu'elle
possède.
A DION Si vous voulez
charmer les oreilles, mieux vaut jouer de la flûte ou de la lyre
que de faire des discours. Voilà quels sont les instruments du plaisir
et l'art de donner du plaisir s'appelle la musique. Le discours a pour
but de découvrir la vérité. Voilà ce qui doit
être l'objet de vos actions, de vos écrits, de vos paroles,
si du moins, c'est pour cela que vous êtes philosophe.
A DION Certaines
personnes désirent savoir pour quelles raisons j'ai cessé
de parler, de philosopher en public. Que ceux qui s'intéressent
à cela apprennent une chose: c'est que tout discours qui ne s'adresse
pas à un homme, en particulier, est sans action. Parler dans d'autres
conditions, c'est parler par amour de la gloire.
A EUPHRATE Platon a dit:
La vertu ne connaît pas de maître. Quiconque n'honore pas ce
précepte et, au lieu d'être heureux d'y conformer sa vie,
se laisse corrompre par les richesses, se donne par cela même une
foule de maîtres.
A EUPHRATE Il convient,
selon vous, d'appeler mages les philosophes qui procèdent de Pythagore
et, aussi ceux qui procèdent d'Orphée. Eh bien! moi, je dis
qu'il convient d'appeler mages ceux qui procèdent de Jupiter, s'ils
veulent être justes et divins.
A EUPHRATE Héraclite,
le physicien, a dit que l'homme est naturellement déraisonnable.
Si cela est vrai, selon moi, cela est vrai, tout homme qui se repaît
d'une vaine gloire doit, de honte se voiler la face.
AU SOPHISTE SCOPELIANUS Il existe
en tout cinq genres littéraires en prose: le genre philosophique,
le genre historique, le genre judiciaire, le genre épistolaire et
le genre des mémoires. Tel est l'ordre dans lequel ils se présentent
selon les caractères de chaque genre. Mais, pour chacun, le premier
est celui qui est le plus conforme à ses facultés ou à
sa nature; le second, pour celui qui en est dépourvu, consiste dans
l'imitation des facultés supérieures que donne la nature.
Mais, ces facultés sont bien difficiles à atteindre par l'imitation;
de sorte que le caractère qui convient le mieux à chacun
est son propre caractère, car il est le plus durable.
A LESBONAX Il faut dans
la pauvreté être un homme de cœur et dans la richesse être
un homme.
A CRITON Pythagore
a dit que la médecine est le plus divin des arts. Si la médecine
est l'art le plus divin, il faut que le médecin s'occupe de l'âme
en même temps que du corps. Comment un être serait-il sain,
si la partie de lui-même qui est la plus importante était
malade ?
AUX HELLANOCIDES ET AUX ELEENS Vous voulez
que j'assiste aux jeux Olympiques et, vous m'avez dépêché
à ce sujet des députés. Pour ma part, je n'assisterais
pas au spectacle de luttes corporelles si, en négligeant de venir,
je ne négligeais la lutte bien plus belle de la vertu.
AUX PELOPONESIENS Avant l'installation
des jeux Olympiques, vous étiez ennemis; depuis, vous n'êtes
pas amis.
AUX SACRIFICATEURS D'OLYMPIE Les Dieux
n'ont pas besoin de sacrifices. Que faut-il donc faire pour leur être
agréable ? Il faut, si je ne m'abuse, chercher à acquérir
la sagesse divine et rendre, autant que faire se peut, des services à
ceux qui le méritent. Voilà ce qu'aiment les Dieux. Les impies
eux-mêmes peuvent faire des sacrifices.
AUX PRÊTRES DE DELPHES Les prêtres
souillent de sang les autels et, l'on s'étonne parfois de ce que
les villes soient malheureuses, lorsqu'elles font tout pour être
frappées de grandes calamités, o folie! Héraclite
était un sage; mais lui-même ne conseillait pas aux Éphésiens
d'effacer avec de la boue les tâches de boue.
AU ROI DES SCYTHES Zamolxis était
un homme vertueux et un philosophe; Pythagore avait été son
maître. Si à son époque, les Romains avaient été
aussi puissants qu'aujourd'hui, il eût recherché leur amitié.
Si vous voulez combattre et lutter pour la liberté, faites-vous
philosophe, ce qui signifie homme libre.
A UN LÉGISLATEUR Les fêtes
amènent les maladies. C'est un repos pour les corps fatigués,
mais une occasion de se charger le ventre.
A DES PROCONSULS ROMAINS Vous jouissiez
d'un pouvoir souverain. Si vous savez commander, pourquoi, sous votre autorité,
les villes déclinent-elles ? Si vous ne savez pas, il eût
fallu apprendre avant de commander.
A DES PROCONSULS D'ASIE Quand des
arbres sauvages poussent pour le mal des hommes, à quoi sert de
couper les branches, si on laisse subsister les racines ?
AUX SECRÉTAIRES DE LA VILLE D'ÉPHÈSE Des statues,
des peintures, des promenades, des théâtres, tout cela ne
sert à rien dans une ville si l'esprit n'y domine et si la loi n'y
règne. Toutes ces choses peuvent inspirer l'esprit et la loi, mais
elles ne sont ni l'esprit ni la loi.
A HESTIEE Chez nous,
rien n'est plus opposé que la vertu à la richesse et, la
richesse à la vertu. Chacune d'elles grandit quand l'autre diminue,
et diminue quand l'autre grandit. Comment donc pourraient-elles coexister
chez le même homme ? Il n'y a que les insensés pour croire
cette union possible, les insensés pour qui, richesse est synonyme
de vertu. Faites qu'on ne se trompe pas ainsi autour de vous sur mon compte
et, ne me laissez pas donner le titre de riche plutôt que celui de
philosophe. Je me sentirais déshonoré si l'on croyait que
je voyage pour m'enrichir lorsque certains négligent les richesses
pour laisser un nom après eux, et sans même s'attacher à
la vertu.
AUX HABITANTS DE SARDES Les noms mêmes
de vos classes sont affreux: les Goddares, les Xyrisituares ! Voilà
les titres que, dès leurs naissances, vous donnez à vos enfants,
et vous vous estimez heureux d'en être dignes.
AUX HABITANTS DE SARDES Ne croyez
pas que vos serviteurs vous soient dévoués. Comment le seraient-ils
? D'abord ce sont des serviteurs; ensuite, la plupart d'entre eux appartiennent
aux classes opposées. Car eux aussi ont leur généalogie.
AUX PLATONICIENS Si l'on offre
de l'argent à Apollonius, et qu'on lui paraisse estimable, il ne
fera pas difficulté de l'accepter, pour peu qu'il en ait besoin.
Mais un salaire pour ce qu'il enseigne, jamais, même dans le besoin,
il ne l'acceptera.
A CEUX QUI SE CROIENT SAGES Vous dites
que vous êtes de mes disciples? Eh bien ! ajoutez que vous vous tenez
chez vous, que vous n'allez jamais aux Thermes, que vous ne tuez pas d'animaux,
que vous ne mangez pas de viande, que vous êtes libre de toute passion,
de l'envie, de la malignité, de la haine, de la calomnie, du ressentiment,
qu'enfin, vous êtes du nombre des hommes libres. N'allez pas faire
comme ceux qui par des discours mensongers, font croire qu'ils vivent d'une
manière, alors qu'ils vivent d'une manière opposée.
A EUPHRATE Le savant
Pythagore était de la race des Dieux, mais vous, vous me semblez
bien loin de la philosophie, de la véritable science. Sans cela
vous ne diriez pas de mal de Pythagore, et vous ne haïriez pas ceux
qui s'efforcent de marcher sur ses traces. Croyez-moi, vous devriez faire
autre chose. Car, la philosophie, vous l'avez manquée, et vous ne
l'avez pas plus atteinte que Pandore n'atteignît Ménélas
lors de la rupture de la trêve.
A EUPHRATE Qu'on aille trouver un pythagoricien, quels avantages et combien d'avantages en retirera-t-on ? Je vais vous les indiquer: la science du législateur, la géométrie, l'astronomie, l'arithmétique, la science de l'harmonie, la musique, la médecine et tous les divins secrets de la divination. Ce n'est pas
tout, en voici d'autres encore, plus considérables: un grand esprit,
un grand cœur, de la majesté, de la constance, une bonne renommée,
la connaissance des Dieux, et non des opinions sur les Dieux, la croyance
raisonnée et non superstitieuse dans les démons. L'amour
des uns comme des autres, le contentement de soi-même, la persévérance,
la frugalité, l'art d'avoir peu de besoins, la vigueur des sens,
l'agilité, la respiration facile, un bon teint, une bonne santé,
un esprit tranquille, enfin l'immortalité! Veuillez maintenant me
dire, que reçoivent de vous ceux qui vous ont vu. Serait-ce la vertu
que vous possédez ?
Consolations à Valérius Personne ne meurt, si ce n'est en apparence, de même que personne ne naît si ce n'est en apparence. En effet, le passage de l'essence à la substance, voilà ce que l'on a appelé naître; et ce que l'on a appelé mourir, c'est au contraire, le passage de la substance à l'essence. Rien ne naît, rien ne meurt en réalité: mais tout paraît d'abord pour devenir ensuite invisible; ce premier effet est produit par la densité de la matière, le second par la subtilité de l'essence qui reste toujours la même, mais qui est tantôt en mouvement, tantôt au repos. Elle a cela de propre dans son changement d'état, que ce changement ne vient pas de l'extérieur: le tout se subdivise en ses parties, ou les parties se réunissent en un tout, l'ensemble est toujours un. Quelqu'un dira peut-être: Qu'est-ce qu'une chose qui est tantôt visible, tantôt invisible, qui se compose des mêmes éléments ou d'éléments différents? On peut répondre: telle est la nature des choses ici-bas que, lorsqu'elles sont massées, elles paraissent en raison de résistance de leur masse; au contraire, lorsqu'elles sont espacées, leur subtilité les rend invisibles; la matière est nécessairement renfermée ou répandue hors du vase éternel qui la contient, mais elle ne naît, ni ne meurt. Comment donc une erreur aussi grossière que celle-ci a-t-elle subsisté si longtemps? C'est que certaines personnes s'imaginent avoir été actives alors qu'elles ont été passives: elles ne savent pas que les parents sont les moyens et non les causes de ce qu'on appelle la naissance des enfants, comme la terre fait sortir de son sein les plantes, mais ne les produit pas. Ce ne sont pas les individus visibles qui se modifient, mais la substance universelle qui se modifie en chacun d'eux. Et cette substance, quel autre nom lui donner que celui de substance première? C'est elle seule qui est et devient, dont les modifications sont infinies, c'est le Dieu éternel dont on oublie à tort le nom et le visage pour ne voir que les noms et les visages de chaque individu. Mais ce n'est rien encore. On pleure lorsqu'un individu devient dieu, non par un changement de nature, mais par un changement d'état. Eu égard à la vérité, il ne faut pas déplorer la mort, mais au contraire, l'honorer et la vénérer. Or quelle est la marque d'honneur la plus convenable et la plus digne? C'est de laisser à Dieu ceux qui sont entrés dans son sein et, de commander aux hommes qui vous sont confiés, ainsi que vous le faisiez auparavant. Ce serait une honte pour vous si, le temps et, non le raisonnement, vous rendait plus ferme: car le temps efface les chagrins, même ceux des moins philosophes. Ce qu'il y a de plus illustre sur la terre, c'est un grand pouvoir; et, parmi ceux qui jouissent d'un grand pouvoir, le plus recommandable est celui qui se commande à lui-même, en premier est-il conforme au respect qu'on doit à Dieu de se plaindre de la volonté de Dieu ? S'il y a un ordre dans l'univers (or, sans conteste, il y en a un) et si, cet ordre est réglé par Dieu, le juste ne désirera pas les bonheurs qu'il n'a pas: un tel désir découle d'une préoccupation égoïste et contraire à l'ordre; mais il estimera comme un bonheur tout ce qui lui arrivera. Avancez dans la sagesse et, songez à guérir votre âme: rendez la justice et corrigez les coupables; tout cela vous fera oublier vos larmes. Vous ne devez pas penser à vous avant de penser au public: c'est le contraire que vous devez faire. Quels sujets de consolation n'avez-vous pas! Tout le peuple a pleuré avec vous votre fils. Ne ferez-vous pas, à votre tour, quelque chose pour le peuple? Ce que vous devez faire pour lui, c'est de ne pas aller plue loin dans votre douleur et, d'y mettre fin avant lui. Vous dites n'avoir pas d'amis; mais. il vous reste un fils. Et, celui que vous croyez avoir perdu, ne vous reste-t-il pas? Il vous reste dira tout homme sensé. En effet, ce qui est ne saurait périr; car ce qui est doit être toujours; ou bien il faut croire que le non-être puisse passer à l'être. Comment cela se pourrait-il, alors que l'être ne passe point au non-être. Ce n'est pas tout. Un autre vous dira que vous manquez au respect de Dieu et, que vous êtes injuste. Oui, vous manquez au respect de Dieu et, vous êtes injuste envers votre fils ou, plutôt vous manquez de respect envers lui. Voulez-vous savoir ce qu'est la mort? Faites-moi périr aussitôt après le dernier mot que je prononce: à t'instant même privé de mon enveloppe matérielle, je suis plus puissant que vous. Vous avez pour vous consoler le temps, et une femme sérieuse qui vous aime, vous avez également tous les biens de la vie. C'est à vous de demander le reste à vous-même. Un ancien Romain afin de sauver la loi et le respect du commandement, mit son fils à mort. Il le fit, ayant une couronne sur la tête Cinq cents
villes sont soumises à votre empire, vous êtes le plus illustre
des Romains; et pourtant, vous vous mettez dans un état à
ne pouvoir bien administrer votre maison, bien loin de pouvoir gouverner
des villes et des peuples. Si Apollonius était auprès de
vous, il persuaderait Phabulla même de cesser de pleurer.
AUX ÉPHÉSIENS DU TEMPLE DE DIANE Vous avez
conservé tous les rites des sacrifices, tout le faste de la royauté.
Comme banqueteurs et joyeux convives, vous êtes irréprochables:
mais que de reproches n'a-t-on pas à formuler à votre égard,
en tant que voisins de la déesse, nuit et jour ? N'est-ce pas de
votre milieu que sortent tous les filous, les brigands, les marchands d'esclaves,
tous les hommes injustes et impies? Le temple est un repaire de voleurs.
AUX ÉPHÉSIENS DU TEMPLE DE DIANE Le temple
est ouvert à ceux qui sacrifient, qui prient, qui chantent des hymnes,
aux suppliants, aux Grecs, aux Barbares, aux hommes libres, aux esclaves.
Voilà une loi merveilleusement divine. J'y reconnais les attributs
de Jupiter et de Latone. Plût aux Dieux qu'il n'y en eût pas
d'autres !
A HESTIE Mon père
Apollonius avait trois Ménodotes parmi ses ancêtres: vous
voulez d'emblée vous nommer Lucretius ou Lupercus, sans que ces
noms figurent chez vos ancêtres. Si vous tenez pour honteux le nom
de quelqu'un, du moins ne portez pas sur vos traits sa ressemblance.
A IARCHAS ET AUX SAGES INDIENS J'en jure
par l'eau de Tantale, à laquelle vous avez bien voulu m'initier.
A EUPHRATE Les hommes
les plus sages sont les plus brefs dans leurs discours. Si les bavards
souffraient ce qu'ils font souffrir aux autres, ils ne parleraient pas
tant.
A SES DISCIPLES Simonide a
dit qu'il ne s'était jamais repenti de s'être tu, mais souvent
d'avoir parlé.
A SES DISCIPLES La loquacité
fait commettre bien des imprudences, le silence ne compromet jamais.
A ARISTOCLES La colère
est une affection de l'âme qui, si elle n'est pas soignée,
dégénère en une maladie du corps.
A SATYRUS La plupart
des hommes sont disposés à s'excuser de leurs fautes et,
à se porter accusateurs de celles des autres.
A DENYS Il est inappréciable,
avant les épreuves de l'adversité, de connaître toutes
les ressources de la tranquillité d'esprit.
A NUMENIUS Quand nous
perdons des amis, il ne faut pas les pleurer bruyamment, mais nous souvenir
que nous avons passé avec eux la plus agréable partie de
notre existence.
A UN INCONNU La vie est
courte pour l'homme heureux; pour celui qui vit dans le malheur, elle est
bien longue.
Apollonius de Tyane un "Christ" concurrent de Jésus?
A l'époque où vécut le Christ des Évangiles, il y eut de nombreux autres "Christ" en Asie mineure et dans le Proche-Orient, c'est du moins ce que proclame un livre passionnant, publié chez Robert Laffont par l'écrivain parisien, égyptologue, JeanLouis Bernard. Ce livre, intitulé: "Apollonius de Tyane et Jésus", s'appuie sur une bibliographie très fournie se composant de thèses critiques sur Jésus, d'ouvrages modernes, de témoignages antiques, et surtout sur un ouvrage de base, sorte d'évangile à sa manière: "Vie d'Apollonius de Tyane" par l'écrivain grec Philostrate, né à Lemnos vers l'an 175 de notre ère. Apollonius, né à Tyane, eut lui aussi ses disciples, ses apôtres et fut lui-même disciple de Pythagore et héritier des mystères de l'Égypte. Il faut relever qu'à cette époque, le mot "Christ" était couramment usité: en grec, "Çhrestos" et "Christos" signifiaient: "le bon, l'oint". Mais ce terme dérivait aussi phonétiquement de l'égyptien hiéroglyphique "khery-cheta". "Celui qui domine le mystère", "l'initié" Or, Apollonius fut l'un de ces initiés, une sorte de concurrent direct du Jésus araméen que notre civilisation chrétienne s'est "annexé". Le Petit Larousse le cite comme "philosophe et thaumaturge pythagoricien, auquel Philostrate attribue de prétendus miracles que les païens mirent en parallèle avec ceux de Jésus-Christ". Une mystérieuse cabale En fait, Apollonius devint si célèbre qu'on l'appela, à l'époque, "le thaumaturge de l'empire". Cependant, dès la propagation des Évangiles, il fut rejeté dans l'ombre, alors que le Christ araméen fut porté au premier plan. L'Église, d'ailleurs y mit toutes ses forces en s'appuyant d'une manière irrévocable sur les quatre évangiles que nous connaissons (rédigés pourtant tardivement); ce faisant, elle oublia volontairement un grand nombre d'évangiles apocryphes (non authentifiés!), non conformes à la vie de Jésus "telle qu'on la souhaitait", idéale, homogène et convaincante. Apollonius, au ler siècle de notre ère, est signalé dans les annales gréco-romaines. Pourquoi une mystérieuse cabale le fait glisser dans l'oubli, c'est ce qu'on se demande aujourd'hui. Le christianisme eut-il deux fondateurs? Leurs deux histoires sont-elles mêlées sous le nom d'un seul? En tout cas, le problème de la parenté entre les deux personnages prend une importance capitale. Annonciation Apollonius poursuivit une existence extraordinaire, traversant les métropoles de son temps, Rome, Alexandrie, Antioche, et poussant sa quête de la sagesse en Égypte et en Inde. Sa vie commence aussi par une Annonciation : l'apparition à sa mère d'un dieu égyptien qui lui prédit la naissance d'un fils d'essence divine. A sept ans, il est confié à un précepteur; à quatorze ans, il part pour Tarse (où il a pu connaître Paul), puis à Égée où il étudie au Temple d'Asclépios et où se découvre son don de guérison et de diagnostic. Philosophe, il adopte l'ascèse pythagoricienne. Il est aussi clairvoyant, mage, démonologue. Partout où il passe, il accomplit des prodiges qui relèvent de sa science secrète, et que l'on qualifie de miracles. Il vit une existence austère et il est strictement végétarien. Il va nu-pieds, vêtu de lin, et porte les cheveux longs. A la mort de son père, il partage sa fortune, renonce à la femme. Pendant cinq ans, il passe de ville en ville, voué au silence. Puis il reprend une vie publique, raisonnant sur les dieux avec les prêtres, avec sept disciples à ses côtés. Dans ses déplacements, il prend deux serviteurs et un sténographe. A Ninive, il rencontre Damis, un Assyrien qui lui sera fidèle jusqu'à sa mort. Passant à Babylone, il dénonce le gigantisme dont cette cité s'asphyxiera (de quoi nous faire réfléchir sur nos villes géantes actuelles!). A l'entrée de ce royaume, on lui demande ce qu'il a à déclarer. "Valeur, justice, maîtrise de soi», répond-il. "Des esclaves?" lui demande-t-on. "Non, de grandes dames!". Au Roi qui le reçoit, il déclare: "Le superflu chagrine le Sage plus que le manque ne vous étonne, vous le Souverain". L'empereur Domitien, qui hait Apollonius, l'emprisonne et lui intente un procès truqué. Il s'évade, on perd sa trace. On le retrouve près d'Éphèse où il meurt à un âge avancé. Comme le Christ araméen, il apparaît "post mortem" à plusieurs reprises et en plusieurs endroits, ce qui achève de le rendre fameux parmi les masses. Trop fameux, trop révéré, au point que saint Jean Chrysostome, s'acharne contre lui encore au 4e siècle, le poursuivant de ses calomnies et le traitant, entre autres, d'imposteur et de suppôt de Satan? Il fallait, en effet, abattre ce "Christ" grec, pour les besoins de la cause, afin de fortifier et unifier par tous les moyens un christianisme aux origines plutôt complexes. Journal "La Suisse" 1980 |
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