Par Gildas Bourdais (octobre 1999).
http://www.finart.be/UfocomHq/gildas991011.htm
L’épisode central de Roswell : Le champ de débris, le communiqué de Roswell et le démenti de Fort Worth.
Les principaux témoins et comment ils sont
traités dans le livre de Pierre Lagrange, " La rumeur de Roswell
".
Le dossier de l’accident supposé d’un ovni
dans la région de Roswell en 1947 est très complexe, avec
plusieurs épisodes, des
centaines de témoins, directs ou indirects,
retrouvés depuis 1978, plusieurs équipes d’enquêteurs,
des polémiques qui se
déroulent encore aujourd’hui.
Seuls sont présentés ici les faits
et témoignages importants relatifs à l’épisode central
: le champ de débris, le communiqué de
presse de Roswell et le démenti de Fort
Worth. Les autres épisodes de l’affaire sont laissés de côté
: second site de crash,
avec engin et cadavres, etc. Ils seraient trop
longs à analyser ici.
Nombreux sont ceux pour qui l’affaire de Roswell,
c’est surtout un canular, le film de l’autopsie d’un " extraterrestre de
Roswell " qui a fait un énorme scandale
à travers le monde en 1995. En France, Pierre Lagrange a repris
ce thème, notamment,
dans son livre " La rumeur de Roswell ", en 1996.
Mais comment Lagrange a-t-il traité le
dossier de Roswell proprement dit ? Nous allons le " tester " sur des témoignages
importants cet l’épisode central : comment
les a-t-ils présentés ?
Si j’ai fait un oubli quelconque dans ce pointage,
ce qui est possible, merci de me le signaler (avec la page du livre).
Les témoins directs sont signalés
entre parenthèses. Les déclarations sous serment, signées
avec témoins, appelées
" affidavits ", les enregistrement sur vidéo
(ou audio) sont également signalés.
Les affidavits sont reproduits pour la plupart
dans le livre de Karl Pflock " Roswell in Perspective " (1994), qui défend
d’ailleurs la thèse du train de ballons
" Mogul ". D’autres figurent dans le troisième livre de Kevin Randle,
" Roswell UFO
Crash Update " (1995). Ceux du professeur Charles
Moore et du colonel Cavitt sont dans le " Roswell Report " de l’US Air
Force (1995).
Les vidéos figurent dans la vidéocassette " Recollections of Roswell ") publiée par le FUFOR.
Les remarques sur le livre de Lagrange sont en
italiques.
Mercredi 2 juillet 1947
Vers 21 h 50, M et Mme Dan Wilmot (témoins)
voient un objet ovale traverser rapidement le ciel de Roswell,
Nouveau-Mexique, se déplaçant vers
le nord-ouest.
Cité par Lagrange dans " La Rumeur de Roswell
".
William Woody (témoin) et son père voient un " météore brillant ", blanc avec une queue rouge, traverser le ciel.
Non cité par Lagrange
Le même soir (selon plusieurs témoignages),
il y a un violent orage dans la région de Corona, petite ville au
nord-ouest de
Roswell. Le fermier William " Mac " Brazel, au
ranch Foster dans la région de Corona, à environ 120 km au
nord-ouest de
Roswell, entend une violente explosion, différente
du tonnerre.
Non cité par Lagrange
Jeudi 3 juillet
Brazel découvre le matin (selon plusieurs
témoignages) sur ses pâturages un large champ de débris
étranges, que son troupeau
de moutons refuse de traverser.
Très intrigué, Brazel en ramasse
quelques-uns et va, le soir même, montrer un petit morceau à
ses voisins, Floyd et Loretta
Proctor (témoins, affidavit et vidéo)
: on ne peut ni le couper ni le brûler. Brazel leur propose de venir
voir le site avec eux, mais
c’est loin, il est tard et ils déclinent
l’invitation.
Ce témoignage n’est pas cité par
Lagrange.
Le même soir, Brazel retire du champ une
pièce assez large, circulaire, et la met à l’abri dans une
remise (le communiqué de
presse de Roswell va y faire allusion).
Non cité par Lagrange
Dimanche 6 juillet
Le fermier Brazel arrive à Roswell, Nouveau
Mexique, avec un échantillon de débris. Il va au bureau du
shérif George Wilcox
pour montrer ces débris étranges.
Le shérif Wilcox, intrigué par les
débris, appelle la base des bombardiers atomiques de Roswell, le
seul groupe de bombardiers
atomiques à l’époque : c’est l’élite
de l’armée de l’air américaine.
Curieusement, plusieurs officiers arrivent très
rapidement pour voir les débris, puis retournent à la base
(plusieurs témoignages :
notamment Phillis McGuire, fille du shérif,
affidavit et vidéo).
Témoignages non cités par Lagrange
Le colonel William Blanchard ordonne au major
(commandant) Jesse Marcel, responsable de la sécurité de
la base, d’aller
inspecter sans délai le champ de débris,
conduit par le fermier Brazel, et de se faire accompagner.
Le major Jesse Marcel (témoin principal, plusieurs entretiens de 1978 à 1981, vidéo) part avec le capitaine Sheridan Cavitt,
responsable du contre-espionnage (CIC : Counter
Intelligence Corps), guidé par le fermier Brazel, chacun dans sa
voiture. Il y
a au moins 20 km de route de terre cahoteuse
pour arriver à sa ferme, le ranch Foster, et ils n’y arrivent que
tard le soir. Ils
vont passer toute la journée du lendemain
sur le site.
Marcel, selon son propre témoignage, inspecte
le large débris courbe entreposé dans la remise, et vérifie
avec un compteur
Geiger qu’il n’est pas radioactif
Détail non cité par Lagrange
Pendant plusieurs années, le colonel à
la retraite Sheridan Cavitt, retrouvé par les enquêteurs au
début des années 90, niera
avoir participé à l’opération
: sa femme confiera aux enquêteurs Randle et Schmitt qu’il est toujours
tenu au secret. Puis il s’en
souviendra subitement en 1994 lorsqu’il sera
interrogé par l’Air Force (entretien et affidavit dans le Roswell
Report).
Ce comportement curieux de Cavitt n’est pas cité
par Lagrange.
Pendant qu’il était au bureau du shérif,
le fermier Brazel s’est entretenu au téléphone avec Frank
Joyce (témoin), journaliste et
animateur de la radio KGFL, qui a justement fait
un appel de routine au shérif. Sur le moment, Joyce n’a pas fait
très attention à
son histoire.
Non cité par Lagrange
Pendant ce temps, le colonel Blanchard expédie
par avion à la base de Fort Worth, Texas, les échantillons
de débris, sur ordre
du général Clements McMullen, chef
adjoint du Strategic Air Command au Pentagone. Les échantillons,
acheminés sous sac en
plastique scellé, sont réceptionnés
par le colonel Thomas DuBose, adjoint du général Roger Ramey,
Commandant de la 8ème
Armée (témoignage sous serment
de DuBose signé en 1991, et vidéo). Le colonel DuBose contrôle
personnellement le
transfert du sac à bord d’un autre avion
(un B-25 ou un B-26), qui part aussitôt pour Washington. DuBose a
attaché le sac au
poignet du colonel Alan Clark, commandant de
la base, chargé du transport.
Ainsi, l’état-major de l’Air Force au Pentagone
a toute la journée du lundi pour examiner ces premiers débris,
avant le
communiqué de presse de la base de Roswell
du mardi matin.
Ce récit très important n’est pas
cité par Lagrange. A noter que le général DuBose est
aussi un grand absent du
Roswell Rreport de l’Air Force.
Lundi 7 juillet
Le major Jesse Marcel et le capitaine Cavitt passent
toute la journée à inspecter le site et à remplir
leurs deux véhicules de
débris. Là, les témoignages
divergent entre Marcel et Cavitt.
Selon Jesse Marcel, le champ de débris
était très grand : 1 km de long et jusqu’à 100 m de
large (en forme de cône), avec de
très nombreux morceaux éparpillés.
Il y a notamment beaucoup de fragments de petite taille, très légers,
minces et très
résistants (entretiens avec plusieurs
enquêteurs, en 1978, 1979, le dernier en 1981). Selon lui, ils ont
compris tout de suite que
ce champ de débris était extraordinaire.
Ces débris ont été décrits,
non seulement par Marcel, mais par plusieurs autres témoins qui
les ont vus ou en ont eu entre les
mains. Ce sont notamment :
Bill Brazel (fils de Marcel, vidéo), Loretta
Proctor, Tommy Tyree, Jesse Marcel Jr (fils de Marcel : nombreux entretiens,
affidavit, vidéo), Lewis Rickett (assistant
de Cavitt, vidéo), Robert Shirkey (affidavit, vidéo), Robert
Smith (affidavit, vidéo), le
capitaine Henderson qui va être pilote
de l’avion transportant des débris. Ce témoin est indirect
: selon sa femme Sapho
(affidavit, vidéo), ses deux filles :
Mary Goode (affidavit) et Katherine Groode (vidéo), et son ami John
Kromschroeder,
métallurgiste qui a eu en main un morceau
(affidavit). Autre témoin militaire : le major Ellis Boldra qui
va tester plus tard des
morceaux restés à Roswell, et vérifier
leur exceptionnelle résistance.
Selon ces témoins, il y avait plusieurs sortes de débris. Ils ne les ont pas tous décrits, mais leurs témoignages se recoupent bien.
Ils décrivent ainsi :
des morceaux minces et
légers mais extrêmement solides, en très grand nombre,
qu’on ne pouvait plier ;
des morceaux de feuilles
très minces et souples, semblables à de l’aluminium mais
également très résistantes, et reprenant
leur forme lisse après
avoir été froissées ;
des morceaux ressemblant
à du parchemin ;
des morceaux ressemblant
à de la bakélite ;
des filaments transparents
comme des fils de pêche en nylon (témoignage de Bill Brazel).
Surtout, il avait aussi de petites poutrelles
(section en I) avec des impressions en relief de caractères ressemblant
à des
hiéroglyphes (selon Marcel Sr et Jr).
Enfin, Bill Brazel, et d’autres témoins, se rappellent d’un sillon dans le sol, mais pas Marcel.
Ces descriptions sont quasiment absentes du livre
de Lagrange. Ces témoignages sont écartés en quelques
mots pages
137 et 138, et p 153 pour les " hiéroglyphes
".
Par contre, aucun des témoins fragiles,
liés d’ailleurs à la partie la plus controversée,
celle de la découverte supposée
d’un appareil avec des cadavres, ne manque à
l’appel dans le livre de Lagrange : Ragsdale, Kaufmann, Dennis,
Anderson (convaincu de faux témoignage).
En revanche, la fille de Brazel, Bessie Brazel-Schreiber,
a fait un témoignage divergent (affidavit préparé
par Karl Pflock) : elle
se rappelle seulement de débris de ballon
et de cible radar, avec des baguettes de balsa et du papier collant décoré
de fleurs
stylisées (le fameux " scotch à
fleurs "). Mais elle ne décrit pas un " train " de nombreux ballons
accroché à un long filin en nylon
(hypothèse " Mogul " formulée par
Karl Pflock en avril 1994 et reprise par l’Air Force dans son Roswell Report).
Selon
Bessie, les débris semblaient venir d’un
" grand ballon qui avait explosé ". Or ces ballons étaient
du type très courant de ballon
météo en néoprène.
Témoin longuement cité par Lagrange
Selon le professeur Charles Moore (affidavit dans
le Roswell Report), qui lançait ces trains de ballons à la
base de
Alamogordo près de White sands, ils étaient
d’un poids de 350 g et d’un diamètre de 1,20 m après gonflage.
Etant gonflés à
l’hélium, gaz neutre ils ne pouvaient
donc exploser. Les cibles radar étaient faites de feuilles d’aluminium
collées sur papier ou
tissu et montées sur baguettes de balsa
de 1,30 m de long, et ressemblaient à ces cerfs volants.
Selon Charles Moore, les cibles radar de ces trains
de ballons, un peu plus grandes qu’à l’ordinaire, étaient
si fragiles qu’on les
avait renforcées avec du scotch orné
de dessins de fleurs stylisées (drôle de soucoupe!). On n’a
jamais retrouvé de modèle de
ces dessins, qui reposent sur la mémoire
de Moore, très hostile à l’hypothèse ovni. On n’a
pas retrouvé non plus le moindre
document mentionnant la récupération
d’un train de ballons Mogul sur le ranch de Brazel.
Ce témoin est longuement cité par
Lagrange, qui consacre un chapitre entier soutenant l’hypothèse
du train de ballons
" Mogul " : chapitre 12 " Le projet Mogul ".
Ironiquement, il souligne p 151 que " …rien ne les distinguait des ballons
dont l’usage tendait alors à se multiplier
: des ballons en néoprène, des cibles radar et des appareillages
de détection ".
Mais il ne pose pas la question : comment les
officiers chargés des bombardiers atomiques ont-ils pu annoncer
la
découverte d’une soucoupe volante ? Quant
aux " hiéroglyphes " sur de petites poutrelles signalés par
Marcel et son
fils, Lagrange considère comme " évident
" (p 154) que c’étaient les dessins de fleurs sur le papier collant.
Le témoignage de Bessie est mis en doute
par son frère Bill et les voisins Proctor, Strickland et Sultemeier,
qui affirment qu’elle
n’était pas à la ferme à
ce moment là !
Non cités par Lagrange
Le capitaine Cavitt, lui, ne se rappelle que d’une
petite quantité de débris de ballon. A noter tout de suite
: il ne se rappelle
aucunement d’un grand train de ballons accrochés
à un filin (hypothèse Mogul), et pas davantage de " scotch
à fleurs " !
(entretien dans le " Roswell Report " diffusé
par l’Air Force en 1995). Il s’en tient donc à peu près à
la première version de
l’Air Force. Interogé par le colonel Weaver
sur Karl Pflock, il dit :
" je l’aime bien, c’est notre meilleur debunker ! ".
Détail non cité par Lagrange, bien
entendu.
Pourquoi Cavitt s’est-il refusé à
admettre qu’il avait trouvé un train de ballons Mogul, malgré
les questions répétées du colonel
Weaver ? Peut-être parce que, dans son
esprit, le respect de son serment du secret n’allait pas jusqu’à
mentir grossièrement.
Lagrange ne s’interroge pas là dessus.
Le lundi soir, les deux hommes rentrent séparément,
chacun dans sa voiture, pleine de débris. Le soir, au départ
de Cavitt,
Marcel est resté plus longtemps pour ramasser
encore d’autres débris, en remplissant complètement sa voiture.
Détail non cité par Lagrange
Marcel est si impressionné par les débris
qu’il s’arrête chez lui et réveille sa femme et son fil à
deux heures du matin. Son fils
Jesse Junior, 11 ans et demi, deviendra un témoin
capital sur les débris. Ils examinent les débris pendant
une heure, étalés sur le
sol de la cuisine, puis Marcel rapporte tout
à la base (témoignages de Marcel, sa femme et son fils).
Selon Jesse Marcel Junior (voir son affidavit),
son père était très excité par sa découverte,
sa Buick était remplie de débris et ils
ont passé longtemps à en examiner,
étalés sur le sol de la cuisine.
Cité par Lagrange, qui minimise cependant
en parlant d’une " caisse " de débris.
Mardi 8 juillet matin
Dès six heures du matin, Marcel et Cavitt
font leur rapport au colonel Blanchard. Ils lui montrent les débris
et lui expliquent qu’il
en reste encore beaucoup sur le terrain (témoignage
de Marcel : Cavitt ne se rappelle pas de cela…).
Non cité par Lagrange
Le colonel Blanchard avance son briefing à
7 h 30. Il ordonne au major Edwin Easley (témoin peu avant sa mort,
après avoir
répété qu’il était
tenu au secret), prévôt de la police militaire, d’aller avec
ses hommes prendre contrôle du champ de débris,
conduits par Brazel.
Non cité par Lagrange
Blanchard a plusieurs entretiens téléphoniques
avec sa hiérarchie. Il reçoit l’instruction de faire venir
Marcel le jour même par
avion à Fort Worth, avec une partie des
débris qu’il a récoltés, pour que le général
Ramey puisse les examiner.
Cité par Lagrange
Dans la matinée, le colonel Blanchard ordonne
au lieutenant Walter Haut, chargé de la presse, d’écrire
et diffuser le fameux
communiqué annonçant la découverte
d’un " disque volant ".
Walter Haut (nombreux entretiens, affidavit, vidéo),
porte le communiqué vers midi aux deux journaux et aux deux radios
de
Roswell. Ce texte est diffusé par câble
rapidement et va faire le tour du monde en peu de temps, provoquant un
déluge
d’appels téléphoniques à
Roswell (les journaux, la base, et même le shérif).
Episode cité par Lagrange
Toujours dans la matinée, le capitaine
Cavitt repart à son tour visiter le champ de débris, cette
fois avec un assistant, le
sergent-chef Lewis Rickett (témoignage
de Rickett validé implicitement par Cavitt dans le Roswell Report
de l’Air Force,
affidavit, vidéo). Selon Rickett, à
l’approche du terrain, ils sont contrôlés par des MP (Police
militaire) déjà en poste. Ils visitent
le site avec le major Easley : des soldats sont
en train de collecter les débris. Rickett essaye de faire plier
une mince pièce
carrée d’environ 60 cm de côté
et légèrement incurvée. Il n’y arrive pas, et le major
se moque de lui : " Le petit malin qui
essaye de faire ce que nous ne pouvons pas faire
". Rickett observe que ces débris semblent être le résultat
d’une violente
explosion (toujours ces ballons qui ne peuvent
exploser !).
Lagrange s’emploie à récuser ce
témoin très important (p 145), sans donner le contenu de
son témoignage. Il cite
Robert Todd, ufologue acharné à
démolir Roswell, avec un argument non probant. Rickett a dit qu’il
avait également
assisté le physicien La Paz à enquêter
sur les traces au sol dans les environs de Roswell en 1947. Or Todd a établi
que
Ricket avait encore travaillé avec La
Paz en 1949, sur l’étude des " boules de feu vertes ". Todd en conclut
qu’il a
confondu les deux dates et que sa mémoire
est défaillante : témoin récusé ! Il n’envisage
pas une seconde que les deux
épisodes pourraient être vrais.
Le major Easley leur dit que le site a été
photographié sous tous les angles avant de commencer le ramassage,
comme pour un
accident d’avion. Selon Vernon Zorn (témoin),
à l’époque responsable du service photo à Roswell,
ces photos n’ont pas été
prises et n’ont pas été développées
par son service. Une équipe spéciale était venue,
sans doute de Washington. Si ce
témoignage est vrai, l’opération
avait dû démarrer au moins la veille.
Non cité par Lagrange
C’est cette équipe spéciale qui
aurait récupéré l’ovni et les cadavres sur un autre
site : cette partie de l’histoire n’est pas
analysée ici. Pour mémoire, un
autre témoin, Frank Kaufmann (affidavit, vidéo), affirme
avoir fait partie de cette équipe, mais sa
crédibilité est mise en question,
certains détails de son témoignage paraissant peu vraisemblables.
Lagrange s’étend longuement sur la fragilité
de ce témoin.
A la fin de la visite, Cavitt dit à son assistant Rickett de tout oublier et de ne jamais parler de cette visite.
En 1994, le colonel Cavitt, interrogé par
le Colonel Weaver (Roswell Report), ne niera pas cet incident. Il expliquera
qu’il avait
peut-être dit cela à Rickett car
il n’était pas fier d’avoir perdu sa journée à inspecter
des débris de ballon.
Episode non cité par Lagrange
Un voisin du Ranch de Brazel, Budd Payne (témoin,
affidavit), ayant eu vent du crash, traverse en voiture les deux miles
et
demi qui le séparent du terrain pour venir
voir, mais il est arrêté par des gardes armés qui lui
font faire demi-tour.
Non cité par Lagrange
Mardi 8 après midi
Dans l’après-midi, le fermier Brazel est
ramené à Roswell par la police militaire. Selon certains
témoignages, il aurait fait
plusieurs déplacements avec les militaires,
dont un survol des lieux en avion le matin.
Non cité par Lagrange
Selon le directeur de la station de radio KGFL,
George " Jud " Roberts (affidavit, vidéo), le propriétaire
de la station Walt
Whitmore emmène Brazel chez lui le soir
et enregistre un entretien qu’il compte diffuser le lendemain. Brazel passe
la nuit chez
Whitmore (témoignage également
de son fils).
L’entretien ne sera jamais diffusé, après
un appel téléphonique de Washington le lendemain le lui déconseillant
fortement : il
risque de perdre sa licence en trois jours !
Brazel sera alors repris en main par les militaires et passera la journée
du 9 à la base,
jusqu’à son fameux entretien avec la presse
le soir.
Cet épisode important est absent du livre
de Lagrange.
En début d’après-midi, le major
Marcel part au quartier général de Fort Worth avec quatre
autres officiers, dont le Lt-Colonel
Payne Jennings, commandant adjoint de la base,
à bord d’un bombardier B-29. Selon l’ingénieur de vol Robert
Porter qui était
à bord (affidavit validé par le
Roswell Report de l’Air Force, vidéo), ils portent avec eux de petits
paquets, de dimension
comparable à des cartons à chaussures
(sauf un paquet plus grand, triangulaire, d’environ 1 m de côté),
soigneusement
emballés. Ces paquets semblent trop petits
pour avoir contenu les débris photographiés à Fort
Worth. Selon Porter, qui a eu
l’un de ces paquet entre les mains, il était
si léger qu’il semblait vide.
Le capitaine Henderson, pilote du B-29, dit à
l’équipage qu’ils transportent des débris de soucoupe volante.
A l’arrivée, ils
doivent attendre l’arrivée de gardes armés
pour pouvoir aller se restaurer. Au retour le soir même, on leur
dit que c’étaient des
débris de ballon.
Ce témoignage important, publié
même par l’Air Force (sauf pour les noms des officiers et l’allusion
à une soucoupe
volante) est absent du livre de Lagrange.
A Roswell, le lieutenant Robert Shirkey (affidavit,
vidéo) assiste en début d’après midi, à côté
du colonel Blanchard, au départ
d’une équipe transportant des pièces
non emballées. Ce témoignage ne cadre pas bien avec celui
de Porter : peut-être s’agit-il
d’un autre vol ? La question reste ouverte encore
aujourd’hui. Shirkey sera muté peu de temps après sur une
autre base, sans
doute, pense-t-il, parce qu’il en a trop vu.
Témoignage non cité par Lagrange
Le colonel Blanchard part en congé subitement
dans l’après midi, après avoir été injoignable
par les journalistes. Selon certains
témoins, il serait parti visiter le site
des débris.
Dès son arrivée à Fort Worth,
Le major Marcel apporte un paquet de débris au bureau du général
Ramey, qui l’ouvre pour
voir les débris. Selon Marcel, ils laissent
le paquet sur la table et Ramey l’emmène dans la salle des cartes
pour qu’il lui montre
le lieu exact du champ de débris. Lorsqu’ils
reviennent, le paquet a été emporté ailleurs. En revanche,
se trouvent étalés au sol
des fameux débris très abîmés
qui vont être photographiés et montrés à la
presse un peu plus tard (témoignage recueilli
notamment par Walter Haut).
Non cité par Lagrange
Le major Marcel est photographié seul devant les débris.
Selon un entretien cité par William Moore
dans son livre de 1980 (" The Roswell Incident ") il aurait dit avoir été
photographié
devant une partie des vrais débris.
Ce récit est mis en question par Kevin
Randle, qui souligne que Moore a donné trois versions différentes
de cet entretien : dans
son livre, puis quand il a envoyé ses
notes à son éditeur, puis dans son magazine Focus (Voir notamment
le message de Randle
sur internet, liste UFO Updates, 19 déc
1998 : archives en accès public sur le site Ufo Mind).
De plus, Marcel, dans d’autres entretiens (notamment
avec Walter Haut, et le journaliste Johnny Mann), a toujours affirmé
qu’on les avait cachés à la presse,
et que les photos prises avec Ramey et DuBose devant les débris
n’étaient qu’une mise en
scène.
Il subsiste cependant une incertitude sur la nature
des photos prises avec Marcel. Selon Kevin Randle, elles ont peut-être
été
prises avant la séance de presse, par
l’officier chargé de la communication, le major Charles Cashon.
Lagrange ne cite que le texte envoyé par
Moore à son éditeur (p 156) et tient pour acquis que les
photographies de
Fort Worth montrent les vrais débris récoltés
sur le ranch de Brazel.
Le général DuBose a révélé,
lors d’un entretien réalisé par Jaime Shandera et publié
par le Mufon UFO Journal de janvier
1991, que c’était lui qui avait mis en
place ces débris de ballon dans le bureau, sur ordre direct du Pentagone.
Il avait
réceptionné les débris,
apportés par un B-29, dans un grand sac de toile. Marcel et les
autres officiers n’étaient pas à bord, et
c’était donc sans doute, un autre vol.
Il avait lui même fait étaler les débris dans le bureau.
Pour lui, ce n’était qu’un " tas
d’ordures ".
Cependant, cet entretien avec Shandera, non enregistré,
est contesté par d’autres enquêteurs, notamment Kevin Randle,
et il
subsiste un doute sur l’origine exacte de ces
débris. Shandera se disait persuadé que c’étaient
les vrais débris de l’ovni, et
aujourd’hui de rares enquêteurs (le photographe
Bond Johnson et l’équipe " RPIT ") le croient encore !
Shandera est un curieux personnage dans l’ufologie
américaine. C’est lui qui avait reçu le premier document
mystérieux sur
" Majestic 12 ", sous forme de film dans un paquet
anonyme et l’avait divulgué avec William Moore en 1987. Moore a
avoué
en 1989 avoir collaboré à la désinformation
militaire et il est complètement discrédité. Tous
deux se sont complètement retirés
de l’ufologie et il semble que l’on n’a même
plus leurs adresses.
Moore subsisterait comme concierge à Los Angeles.
Qu’en est-il de Jaime Shandera ? Son intervention dans l’affaire Roswell a surtout accru les incertitudes sur cet épisode clé.
Lagrange cite longuement, et exclusivement, le
long entretien non enregistré de DuBose avec Shandera (pp 156 et
157), pour arriver à conclure que l’on
voit sur les photos les vrais débris, qui sont des débris
de ballons Mogul.
Le major Marcel croyait devoir accompagner les
vrais débris en avion jusqu’à la base technique de Wright
Field de l’Air Force
(plus tard Wright Patterson), mais le colonel
Ramey lui dit que d’autres allaient s’en charger. Il lui demande cependant
d’assister, sans rien dire, à la conférence
de presse du soir.
Non cité par Lagrange
Mardi 8 au soir : le démenti de Fort Worth
En fin d’après-midi, le reporter photographe
James Bond Johnson (témoin, audio), du journal " Fort Worth Star
Telegram ",
est envoyé à la base pour photographier
des débris de " soucoupe volante ". Il est mené au bureau
du général Ramey, prend
plusieurs photos des débris avec le général
Ramey et son adjoint le colonel DuBose, puis rentre à son journal.
Récemment, Bond Johnson (qui a fait une
longue carrière dans le renseignement militaire) a prétendu
que c’était lui qui avait
déballé les débris dans
le bureau, et que c’étaient les vrais débris de Roswell,
contrairement à ses témoignages précédents
(enregistrés par l’enquêteur Kevin
Randle). On peut considérer cette nouvelle version comme très
douteuse.
Vers 18 h, l’adjudant du service météo
Irving Newton est convoqué à son tour. Dès son arrivée
au bureau de Ramey, il
identifie des débris de ballon et de cible
radar " Rawin ", devant quelques journalistes et officiers, puis il est
congédié.
Irving Newton a affirmé dans tous ses entretiens que c’étaient des débris de ballon très courants.
Cependant, son témoignage a varié
au cours des années, sur un point particulier, l’attitude de Jesse
Marcel dans le bureau de
Ramey. Dans son entretien publié par le
Roswell Report de l’Air Force, il dit que Marcel avait essayé de
le convaincre qu’il y
avait des inscriptions extraterrestres sur ces
débris. Or dans un entretien précédent avec Kevin
Randle en 1990, il dit que
Marcel lui montrait des morceaux en lui demandant
s’ils provenaient bien d’un ballon normal. Newton avait l’impression qu’il
cherchait seulement à " sauver la face
". De plus, selon Kevin Randle, il n’est même pas sûr que c’était
Marcel (à qui Ramey
avait dit de se taire) : c’était peut-être
la major Cashon, chargé de la presse. (Randle, 2eme livre, p 43).
On peut considérer ce témoignage,
surtout la deuxième version dans le rapport de l’Air Force, comme
très douteux ! Il faudrait
d’ailleurs expliquer comment il pouvait y avoir
des dessins inusités, fussent-ils de fleurs stylisées, sur
une cible radar " Rawin "
normale (le scotch à fleur n’existait
que sur les cibles plus larges de Mogul).
Lagrange s’appuie lourdement sur ce témoignage
dans son livre.
DuBose a toujours affirmé, dans plusieurs
entretiens, qu’il n’avait jamais vu les vrais débris. Il a affirmé,
dans son affidavit, que
ces débris de ballon avaient été
présentés à la presse pour "détourner son attention
".
Non cité par Lagrange
Sur les photographies, qui sont devenues célèbres,
on ne voit pas trace de débris étranges, ni même de
" scotch à fleurs ",
malgré d’interminables polémiques
à ce sujet, alimentée par Bond Johnson et l’équipe
" RPIT ".
Lagrange se garde bien de souligner cela.
Le général Ramey informe alors les
médias de la méprise avec des débris de ballons. Il
déclare avoir annulé le vol vers le centre
technique de Wright Field. Cependant, un télétype
du FBI (maintenant déclassifié et publié notamment
dans le rapport du
GAO), révèle à 18 h 17 (heure
d’envoi) que les débris (" disque et ballon") sont bien envoyés
à Wright Field pour examen. Le
moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a eu
quelques erreurs de communication ! D’autres témoins ont confirmé
que les débris
avaient bien été étudiés
à la base de Wright.
Plusieurs témoignages indiquent que l’explication
par un ballon avait commencé à être diffusée
bien avant la séance dans son
bureau. Ainsi, selon Art McQuiddy, éditeur
du Roswell Morning Dispatch (affidavit et vidéo), la base de Roswell
avait appelé
peu après le passage du lieutenant Haut
pour signaler que c’était en fait un ballon " radio-sonde " (c’est
un autre type de ballon,
beaucoup plus grand). A Fort Worth, le Major
Kirton, chargé de la presse, a informé dès 17 h 30
(une demi-heure avant le
diagnostic d’Irving Newton, le Dallas Morning
News qu’il s’agissait d’un " ballon météo à haute
altitude ".
McQuiddy, qui était un ami du colonel Blanchard,
a aussi raconté (voir son affidavit) que Blanchard lui avait confirmé,
quelques
mois plus tard, que les débris de Roswell
étaient extraordinaires et qu’il n’avait jamais rien vu de pareil.
Non cité par Lagrange
Lydia Sleppy (affidavit, et audio), employée
à la radio KOAT d’Albuquerque, est appelée par John McBoyle,
directeur de la
radio KSWS de Roswell. Celui-ci a appris, directement
par Brazel qu’il a rencontré à Roswell dans un café
le matin (le jour
exact n’est pas précisé), la découverte
d’un engin qu’il a décrit comme une grande soucoupe écrasée
(" a big crumpled
dishpan ").
Mais au moment de taper l’information sur télétype,
celle-ci est interrompue par un message du FBI interdisant la transmission
pour raisons de sécurité nationale.
Témoignage cité par Lagrange p 93
sur le thème " la rumeur prend corps ".
Mercredi 9 juillet
Le démenti de Fort Worth fait les gros
titres de tous les journaux américains, même le New York Times
dont c’est le plus gros
titre sur toute la vague de soucoupes volantes,
en haut de première page. A partir de ce moment, les journaux américains
vont
tourner les témoignages de soucoupes en
ridicule. La vague d’ovnis va beaucoup diminuer, et s’arrêter dans
les jours suivants.
La presse écrit, sur information de Washington,
que le lieutenant Haut a été sévèrement réprimandé,
ou même les officiers de la
base collectivement, pour leur lamentable méprise.
Walter Haut a toujours nié cela (y compris à moi même
lorsque je l’ai
rencontré à Roswell en 1995).
Lagrange cite la presse (pp 18 et 19) mais pas
le démenti de Haut.
A la base de Roswell, selon Robert Smith, de la
1ère Unité de Transport Aérien (affidavit et vidéo),
plusieurs avions C-54
(quadrimoteurs) sont chargés de caisses
dès 8 h du matin. Elles sont grandes mais très légères.
Les avions partent vers la base
de Kirtland (près d’Albuquerque), et pour
acheminement à Los Alamos (plus au nord du Nouveau-Mexique).
Les militaires retrouvent Brazel (qui avait passé la nuit chez Whitmore), l’emmènent à la base et l’interrogent toute la journée.
Ils l’amènent le soir au bureau du Roswell Daily Record, où il donne une interview à plusieurs journalistes.
Il leur dit avoir trouvé les débris le 14 juin, contrairement au communiqué de Roswell qui parlait de la semaine précédente.
Il décrit des débris insignifiants,
ne pesant pas plus de cinq livres au total. Mais il ajoute qu’il a déjà
trouvé des ballons et que
ces débris n’y ressemblent pas du tout.
Non cité par Lagrange
Un détail, cependant, attirera l’attention plus tard : Brazel mentionne des papiers collants avec des dessins de fleurs stylisés.
Le détail du " scotch à fleurs "
est relevé par Lagrange dès la page 19 de son livre. Il cite
longuement ce témoignage
de Brazel sous escorte militaire, publié
dans la presse le lendemain.
Brazel est également conduit à la
radio KGFL où il retrouve Frank Joyce. Celui-ci le trouve très
tendu, et lui dit qu’il a changé
son histoire complètement. Brazel lui
avoue qu’il est obligé de le faire, " sinon cela ira mal pour lui
", et ajoute au moment de
partir que les " petits hommes verts " ne sont
pas verts ! Avait-il vu des cadavres ou plaisantait-il seulement ? On ne
le sait
toujours pas aujourd’hui.
Non cité par Lagrange
Selon plusieurs témoins (ses voisins et
son propre fils), Brazel va être retenu pendant plusieurs jours à
la base. Son fils Bill, qui
habite à Albuquerque, découvre
l’affaire dans les journaux et accourt au ranch pour s’occuper des moutons.
A son retour
Brazel ne dira rien. Il se plaindra seulement,
plus tard, d’avoir été humilié.
Témoignages non cités par Lagrange
A son retour à la base, le major Marcel
demande à son collègue le capitaine Cavitt de lui montrer
son rapport, mais celui-ci
refuse : il dépend de sa propre hiérarchie
du contre-espionnage (CIC) et son rapport doit aller directement à
Washington.
Non cité par Lagrange
Selon Elizabeth Tulk (affidavit, vidéo),
fille du shérif Wilcox, et et Barbara Dugger (affidavit, vidéo),
petite fille du shérif, Wilcox
et sa femme avaient été menacés
de mort par les militaires s’ils parlaient.
Devinez ! Non cité par Lagrange
En juillet 1995, est publié dans la plus
grande discrétion le rapport du General Accounting Office (GAO),
qui est alors occulté
par le scandale du film supposé de l’autopsie
d’un extraterrestre de Roswell, divulgué fin juin. Le GAO se borne
à constater la
destruction sans motif d’archives de la base
de Roswell, et fait ce seul commentaire : " Le débat sur la nature
de ce qui s’est
écrasé à Roswell continue
".
Lagrange affirme, dès le 8 août 1995
dans " Libération", que le GAO a accepté l’explication des
ballons, et développe
longuement cette affirmation dans son livre "
La rumeur de Roswell " en 1996.
Un mot de conclusion
Le traitement de cet épisode central par
Lagrange (si important par la force et la convergence des témoignages)
relève
pratiquement de l’escamotage. Il y a plus de
pages, par exemple, sur les tendances d’extrême droite de certains
ufologues, que
sur ces témoignages.
En fait, il faudrait faire le même genre
d’analyse sur les autres matières abordées dans ce livre,
mais elles sont nombreuses et il
faudrait écrire des volumes pour cela.
J’espère que ces quelques pages sont suffisantes pour faire apparaître
la démarche très
particulière de Pierre Lagrange.
Gildas Bourdais