LES VERS DORES
DES PYTHAGORICIENS
Traduction de FABRE D'OLIVET
(1813)
LES VERS D'OR
Pythagore
Honore en premier lieu les Dieux
immortels dans l'ordre qui leur fut
assigné par la Loi.
Respecte le Serment. Honore ensuite les Héros glorifiés.
Vénère aussi les Génies
terrestres, en accomplissant tout ce qui est
conforme aux lois.
Honore aussi et ton père et ta mère et tes proches parents.
Entre les autres hommes, fais ton ami de celui qui excelle en vertu.
Cède toujours aux paroles de douceur et aux activités salutaires.
N'en viens jamais, pour une faute légère, à haïr ton ami,
quand tu le peux: car le possible habite près du nécessaire.
Sache que ces choses sont ainsi,
et accoutume-toi à dominer celles-
ci :
la gourmandise d'abord, le sommeil, la luxure et l'emportement.
Ne commets jamais aucune action
dont tu puisses avoir honte, ni avec
un autre,
ni en ton particulier. Et, plus que tout, respecte toi toi-même.
Pratique ensuite la justice en actes et en paroles.
Ne t'accoutume point à te
comporter dans la moindre des choses sans
réfléchir.
Mais souviens-toi que tous les hommes sont destinés à mourir :
et parviens à savoir tant
acquérir que perdre les biens de la
fortune.
A l'égard de tous les maux
qu'ont à subir les hommes de par le fait
des arrêts augustes du Destin,
acceptes-les comme le sort que tu
as mérité; supporte-les avec
douceur et ne t'en fâche
point.
Il te convient de remédier,
dans la mesure que tu peux. Mais pense
bien à ceci :
que la Destinée épargne aux gens de bien la plupart de ces maux
Beaucoup de discours, lâches ou généreux, tombent devant les hommes;
ne les accueille pas avec admiration,
ne te permets pas de t'en
écarter.
Mais si tu vois qu'on dit quelque
chose de faux supporte-le avec
patience et douceur.
Quant à ce que je vais te dire, observe-le en toute circonstance.
Que jamais personne, ni par ses
paroles ni par ses actions, ne puisse
jamais
t'induire à proférer ou à faire ce qui pour toi ne serait pas utile.
Réfléchis avant d'agir, afin de ne point faire des choses insensées,
car c'est le propre d'un être
malheureux de proférer ou de faire les
choses insensées.
Ne fais donc jamais rien dont tu
puisses avoir à t'affliger dans la
suite.
N'entreprends jamais ce que tu ne connais pas; mais apprends
tout ce qu'il faut que tu saches,
et tu passeras la vie la plus
heureuse.
Il ne faut pas négliger la santé de ton corps,
mais avec mesure lui accorder le boire, le manger, l'exercice,
et j'appelle mesure ce qui jamais ne saurait t'incommoder.
Habitue-toi à une existence propre, simple :;
et garde-toi de faire tout ce qui attire l'envie.
Ne fais pas de dépenses inutiles,
comme ceux qui ignorent en quoi
consiste le beau.
Ne sois pas avare non plus: la juste mesure est excellente en tout.
Ne prends jamais à tâche
ce qui pourrait te nuira, et réfléchis avant
d'agir.
Ne permets pas que le doux sommeil se glisse sous tes yeux,
avant d'avoir examiné chacune des actions de ta journée.
En quoi ai-je fauté ? Qu'ai-je
fait ? Qu'ai-je omis de ce qu'il me
fallait faire ?
Commence par la première à toutes les parcourir. Et ensuite,
si lu trouves que tu as commis des
fautes, gourmande-toi; mais, si tu
as bien agi, réjouis-toi.
Travaille à mettre ces préceptes
en pratique, médite-les; il faut que
tu les aimes,
et ils te mettront sur les traces de la vertu divine,
j'en jure par celui qui transmit à notre âme le sacré Quaternaire,
source de la Nature dont le cours
est éternel.Mais ne commence pas à
prendre à tâche une
oeuvre
sans demander aux Dieux de la parachever.
Quand tous ces préceptes te
seront familiers,
tu connaîtras la constitution
des Dieux Immortels et des hommes
mortels, tu sauras
jusqu'à quel point les choses
se séparent, et jusqu'à quel point
elles se rassemblent.
Tu connaîtras aussi, dans
la mesure de la Justice, que la Nature est
en tout semblable à elle-même,
de sorte que tu n'espéreras
point l'inespérable, et que plus rien ne
te sera caché.
Tu sauras encore que les hommes
choisissent eux-mêmes et librement
leurs maux,
misérables qu'ils sont; ils
ne savent ni voir ni entendre les biens
qui sont près d'eux.
Peu nombreux sont ceux qui ont appris à se libérer de leurs maux.
Tel est le sort qui trouble les
esprits des mortels, Comme des
cylindres,
ils roulent çà et là, accablés de maux infinis.
Innée en eux, en en effet,
l'affligeante Discorde les accompagne et
leur nuit sans qu'ils s'en aperçoivent;
il ne faut point la provoquer, mais la fuir en cédant.
O Zeus, notre père, tu délivrerais
tous les hommes des maux nombreux
qui les accablent,
si tu montrais à tous de quel Génie ils se servent !
Mais toi, prends courage, puisque
tu sais que la race des hommes est
divine,
et que la Nature sacrée leur révèle ouvertement toutes choses.
Si elle te les découvre,
tu viendras à bout de tout ce que je l'ai
prescrit;
ayant guéri ton âme, tu la délivreras de ces maux.
Mais abstiens-toi des aliments dont
nous avons parlé, en appliquant
ton jugement
à tout ce qui peut servir
à purifier et à libérer ton âme. Réfléchis
sur chaque e chose,
en prenant pour cocher l'excellente intelligence d'en-haut.
Et si tu parviens, après
avoir abandonné ton corps, dans le libre
éther,
tu seras dieu immortel, incorruptible,
et à jamais affranchi de la
mort.
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DEBUT
LES VERS DORES DES PYTHAGORICIENS
Traduction de FABRE D'OLIVET
(1813)
PREPARATION
Rends aux Dieux Immortels le culte consacré;
Garde ensuite ta foi : révère la mémoire
Des Héros bienfaiteurs, des
Esprits Demi - Dieux
PURIFICATION
Sois bon fils frère juste, époux tendre et bon père
Choisis pour ton ami l'ami de la vertu,
Cède à ses doux conseils, instruis - toi par sa vie
Et pour un tord léger ne le quitte jamais,
Si tu le peux du moins: car une loi sévère
Attache la puissance à la Nécessité.
Il t'est donné pourtant de combattre et de vaincre
Tes folles passions; apprends à les dompter,
Sois sobre, actif et chaste; évite la colère.
En public, en secret, ne te permets jamais
Rien de mal; et surtout respecte - toi toi - même.
Ne parle ni n'agis point sans avoir réfléchi,
Sois juste. Souviens - toi qu'un pouvoir invincible
Ordonne de mourir; que les biens , les honneurs
Facilement acquis sont faciles à perdre.
Et quant aux maux qu'entraîne avec soi le Destin
Juge - les ce qu'ils sont: supporte - les et tâche
Autant que tu pourras d'en adoucir les traits:
Les Dieux aux plus cruels n'ont pas livré les sages.
Comme la Vérité, l'erreur a ses amants:
Le philosophe approuve ou blâme avec prudence
Et si l'erreur triomphe, il s'éloigne, il attend.
Ecoute et grave bien en ton coeur ces paroles:
Ferme l'oeil et l'oreille à la prévention;
Crains l'exemple d'autrui, pense d'après toi - même
Consulte, délibère et choisis librement.
Laisse les fous agir sans but et sans cause.
Tu dois dans le présent contempler l'avenir;
Ce que tu ne sais pas, ne prétends pas le faire;
Instruits - toi: tout s'accorde à la constance, au temps.
Au corps les aliments, à l'esprit le repos.
Trop ou trop peu de soins sont à fuir car l'envie
A l'un et l'autre excès s'attache également.
Le luxe et l'avarice ont des suites semblables
Il faut choisir en tout le milieu
juste et bon.
PERFECTION
Que jamais le sommeil ne ferme ta paupière
Sans t'être demandé: Qu'ai - je omis? Qu'ai-je fait
Si c'est mal abstiens - toi, si c'est bien persévère.
Médite ces conseils, aime - les , suis - les tous:
Aux divines Vertus ils sauront te conduire.
J'en jure par celui qui grava dans nos coeurs
La Tétrade sacrée, immense et pur symbole,
Source de la Nature et modèle des Dieux.
Mais qu'avant tout ton âme , à son devoir fidèle,
Les Dieux dont les secours
Peuvent seuls achever tes oeuvres commencées.
Instruit par Eux, alors rien ne t'abusera:
Des êtres différents tu sondera l'essence,
Tu connaîtras de Tout le Principe et la fin
Tu sauras, si le Ciel le veut, que la Nature,
Semblable en toutes choses est la même en tous lieux.
En sorte qu'éclairé sur les droits véritables,
Ton coeur, de vains désirs ne se repaîtra plus.
Tu verras que les maux qui dévorent les hommes
Sont le fruit de leurs choix et que ces malheureux
Cherchent loin d'eux les maux dont ils portent la source.
Peu savent être heureux: jouets des passions,
Tour à tour ballottés par des vagues contraires.
Sur une mer sans rive, ils roulent aveuglés,
Sans pouvoir résister ni céder à l'orage.
Dieux vous les sauveriez en dessillant leurs yeux...
Mais non, c'est aux humains dont la race est divine
A discerner l'erreur, à voir la Vérité.
La Nature les sert, toi qui l'a pénétrée
Homme sage, homme heureux, respire dans le port.
Mais observe ses Lois , en t'abstenant des choses
Que ton âme doit craindre en les distinguant bien,
En laissant sur ton corps régner l'intelligence,
Afin qu'en t'élevant dans l'Ether radieux
Au sein des Immortels, tu sois un
Dieu toi - même.