http://cosmos.oldiblog.com/?page=lastarticle&id=151540

Bizarre, non ?

Vous connaissez le billet d'un dollar. Il porte plusieurs symboles qui ont toujours semblé assez étranges.

La pyramide, par exemple, est un symbole maçonique classique. On la voit, à gauche, sur l'image ci-après :

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Billet d'un dollar

Et maintenant cette pyramide, grossie :

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L'icône qui se trouve sur le dos du billet d'un dollar américain. Elle porte deux inscriptions en latin. Les voici, avec leur signification :

En bas :

NOVUS ORDO SECLORUM    qui signifie :    " Nouvel ordre pour des siècles "

En haut :

ANNUIT COEPTIS   qui signifie :    " Notre projet sera couronné de succès ".
 

Simple information, en passant.

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Les symboles maçonniques : oeuvre de Baylac

1) les origines

Au XIIIè et au XIVè siècles, les corporations d'ouvriers étaient réparties à travers toute l'Europe chrétienne.

Le premier atelier de tailleurs de pierre avait été fondé en l'an 1015, à Strasbourg.

A cette époque, les corporations d'ouvriers étaient sous l'influence des ordres ecclésiastiques; elles commencèrent à se libérer vers le XIVè siècle.

Les ouvriers maçons bâtirent les cathédrales de Cologne, de Strasbourg, de Saint-Denis et bien d'autres. Ils laissaient leurs marques sur la pierre.

Ainsi dans le dôme de Wurtzbourg, devant la porte de la Chambre des Morts, on peut encore lire les mots "Jakin" et "Booz" sur les chapiteaux des deux colonnes. Il s'agit d'un hommage au temple de Salomon, oeuvre légendaire décrite dans la Bible au sein du "livre des Rois" .

Le Manuscrit Regius (1390) est le plus ancien document maçonnique connu, il témoigne de l'art du métier et de l'attachement des ouvriers maçons à la religion et à la géométrie :

Ici commencent les statuts de l'art de géométrie selon Euclide
Quiconque voudra bien lire et regarder

Pourra trouver dans un vieux livre

L'histoire de grands seigneurs et de grandes dames

Qui, certes, avaient beaucoup d'enfants,

Et n'avaient pas de revenus pour les entretenir

Ni en ville, ni aux champs, ni dans les bois.

Ils tinrent donc conseil ensemble

Pour l'amour de ces enfants, afin de décider

Comment ils pourraient au mieux mener leur vie

Sans grand inconfort, sans souci et sans lutte.

Ce qui les préoccupait le plus, c'était le sort des descendants

De ces enfants, après leur mort.

Ils envoyèrent alors chercher de grands clercs

Pour leur enseigner de bons métiers.

"Et nous les prions, pour l'amour de Notre Seigneur,

De donner à nos enfants un travail

Qui leur permette de gagner leur vie

De façon décente et honnête, en toute sécurité."

C'est alors que, grâce à la bonne géométrie,

Cet honnête métier qu'est la bonne maçonnerie

Fut ainsi constitué et créé,

Et mis au point en commun avec ces clercs.

Sur la prière de ces seigneurs, ils firent sur le modèle de la géométrie

Un art qu'ils nommèrent maçonnerie,

Entendant en faire le plus honnête des métiers.

Il amusant de noter que le même Regius mentionnait l'admission des femmes dans les premières loges opératives (celles des bâtisseurs) :

L'article dix vous fait connaître,

A tous, petits et grands dans le métier,

Qu'un maître n'en doit jamais évincer un autre,

Mais que doivent vivre ensemble comme frères et soeurs,

Dans notre métier exigeant, tous ceux, tant qu'ils sont,

Qui travaillent sous l'autorité d'un maître maçon.

(La franc-maçonnerie : documents fondateurs. Paris : l'Herne)


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Les francs-maçons conservateurs qui croient pouvoir se réfugier derrière les Constitutions d'Anderson (1723) pour refuser la présence des femmes en loges sont donc dans l'erreur.

Et de renforcer ce constat en mentionnant les corporations de Chester (1327), d'York (1350) la Guilde des Charpentiers de Norwich (1375) et les statuts de la loge d'York (1693) qui comprennent le mot "soeurs" ou "celle" dans leurs textes ; CQFD.

Le Regius, d'origine anglaise est également appelé Manuscrit royal. Il renseigne sur l'organisation du métier de maçon sans que le mot "free-mason" soit mentionné.

Le terme franc-maçon, apparaît pour la première fois lors d'une rencontre à Ratisbonne en 1459 de toutes les loges compagnonniques du Saint-Empire germanique qui s'unissaient dans une Fédération chargée d'unifier les grades et les rites.

L'empereur germain ayant accordé à cette fédération des privilèges spéciaux, des « franchises », ses membres prirent le nom de Frei-Maurer, c'est-à-dire francs-maçons.

De tels faits s'étaient produits bien antérieurement en Angleterre où on parlait, au XIIIè siècle, des free stone masons pour désigner les maçons initiés qui savaient tailler et travailler la pierre.

a) La franc-maçonnerie : fille du compagnonnage ?

L'origine compagnonnique de la franc-maçonnerie est une des thèses répandues par les historiens.

De fait, on retrouve dans la franc-maçonnerie la plupart des symboles utilisés pendant plus de mille ans par les compagnons du Devoir.

Les grades sont restés longtemps les mêmes : apprentis, compagnons et maîtres.

La légende des origines est identique : les francs-maçons se disent « Enfants de la Veuve », car ils s'identifient à Hiram, maître architecte du Temple de Salomon et fils d'une veuve de Tyr.

Le meurtre d'Hiram par des mauvais compagnons deviendra d'ailleurs le mythe fondateur de la philosophie maçonnique comme on le verra plus loin.

Quant aux symboles, l'équerre et le compas sont les insignes des deux Fraternités.

b) De la franc-maçonnerie « opérative » à la franc-maçonnerie "spéculative" ?

Cependant, l'origine compagnonnique de la franc-maçonnerie est controversée et de récentes études penchent pour d'autres hypothèses.

André Combes, historien et franc-maçon, pense que la maçonnerie de métier a disparu sur le continent européen à la fin du Moyen-Age. Il n'aurait plus subsisté que quelques loges allemandes de tailleurs de pierre à l'aube du XVIIIè siècle.

Selon cet historien, la maçonnerie professionnelle aurait survécu en Angleterre et en Ecosse.

Elle se serait adaptée à son époque après la construction des dernières cathédrales. Pour survivre, les loges auraient admises en leur sein des bourgeois et des nobles.

Ces notables étaient désireux de percer les « secrets » du métier. Ils vont transformer la franc-maçonnerie opérative , celle de la pierre, en franc-maçonnerie spéculative celle de la philosophie. Les ouvriers appellent les nouveaux membres issus de la bourgeoisie les maçons acceptés.

Ces francs-maçons d'un nouveau genre vont s'efforcer de construire une société meilleure selon les plans du Grand Architecte de l'Univers, leur guide spirituel.

Les secrets de la franc-maçonnerie qui étaient liés aux métiers de tailleur de pierre ou d'architecte vont être remplacés par les mystères en vogue.

Les « maçons acceptés » vont introduire l'alchimie, la kabbale, les principes réformateurs de la Rose-Croix (ordre ésotérique allemand inventé par un homme de lettres mystérieux dénommé Christian Rosencreutz) et d'autres doctrines hermétistes.

La philosophie maçonnique s'enrichit et la loge devient un lieu de rencontre en vogue.

Les catholiques y côtoient les protestants et les déistes qui croient en un dieu non révélé : le Grand Architecte de l'Univers.

A la suite de ces réformes, quatre loges londoniennes se réunissent en 1717 pour former la Grande Loge de Londres.

Les francs-maçons élisent un Grand-Maître : Anthony Sayer en 1717. En 1719, Jean-Théophile Désaguliers, physicien et fils de huguenot français est le nouveau Grand-Maître.

Désaguliers et le pasteur James Anderson rédigent ensemble les Constitutions d'Anderson (1723).

Ces constitutions forment le manifeste de la franc-maçonnerie spéculative.

En ce qui concerne la religion, les constitutions sont révolutionnaires car elles tolèrent toutes les opinions particulières et inventent une nouvelle « croyance » : l'amitié qui s'exprime par la sincérité et la bonté :

Un Maçon est obligé, en vertu de son Titre, d'obéir à la Loi morale ; et s'il entend bien l'Art, il ne sera jamais un Athée stupide, ni un Libertin sans Religion. Dans les anciens Temps les Maçons étaient obligés dans chaque Pays de professer la Religion de leur Patrie ou Nation quelle qu'elle ; Mais aujourd'hui, laissant à eux mêmes leurs opinions particulières, on trouve plus à propos de les obliger seulement à suivre la Religion, sur laquelle tous les Hommes sont d'accord. Elle consiste à être bons, sincères, modestes et gens d'honneur, par quelque Dénomination ou Croyance particulière qu'on puisse être distingué : d'où il s'ensuit que la Maçonnerie est le Centre de l'Union et le Moyen de concilier une sincère Amitié parmi des Personnes, qui n'auraient jamais pu sans cela se rendre familières entre elles.

Les Constitutions ne sont donc pas les lois d'une Eglise quelconque puisqu'elles transcendent toutes les religions.

On oblige nullement le maçon à être positivement un croyant. Il est indiqué que s'il entend bien l'art , le maçon ne sera pas un incroyant mais un déiste.

Cette réforme est tellement révolutionnaire qu'elle sera éliminée en 1738.

Les maçons anglais institueront la croyance en un Dieu unique révélé et refuseront de reconnaître pour leurs « frères » tous les maçons athées ou agnostiques d'où qu'ils viennent.

De ce principe traditionnaliste (on dit également landmark) les francs-maçons anglais se proclameront les garants et distribueront les patentes de régularité ou d'irrégularité aux loges du monde entier selon la position qu'elles adopteront.

Ainsi, toute obédience qui reconnait la liberté absolue de conscience est "mise à l'index" par la Grande Loge Unie d'Angleterre, véritable "Vatican maçonnique".

Les réformes noachites des Constitutions de 1738 sont jugés par les francs-maçons modernistes comme une régression dogmatique.

Les maçons conservateurs tentent d'expliquer les prescriptions des Constitutions de 1738 par le souci d'intégrer à la franc-maçonnerie des profanes qui seraient israélites ou musulmans ce qui est sans aucun doute une belle idée. Il est regretable qu'en l'an 2000, la branche traditionaliste (majoritaire) de la franc-maçonnerie exclue les athées et les femmes tout en déclarant vouloir rassembler ce qui est épars.

N'est-ce pas contradictoire ?

c) La franc-maçonnerie : création des rosicruciens et des hermétistes ?

La thèse la plus récente quant à l'origine de la franc-maçonnerie a été lancée par Jean-Michel Mathonière, spécialiste du Compagnonnage.

Selon lui la franc-maçonnerie aurait été créée de toutes pièces au XVIIIè siècle par des hermétistes, des rosicruciens et des kabbalistes, passionnés d'architecture.

Exit la théorie de la transition des maçons de métiers aux francs-maçons de pensée.

La thèse de Mathonière s'appuie sur les textes rosicruciens. La Rose-Croix, philosophie germanique issue de la Réforme, décrivait dès le XVIIè siècle, une société harmonieuse, dirigée par un cercle d'initiés.

On trouve des traces de cette philosophie dans le manifeste rose-croix Fama fraternitatis (1614) rédigé par Christian Rosencreutz et également dans la Nova Atlantis (1627) de Francis Bacon.

La Nova Atlantis est un roman utopique qui évoque le rêve d'une société idéale. La trame est assez simple mais révèle la philosophie humaniste qui imprégna Bacon : Des naufragés guidés par une croix céleste parviennent à l'île de Bensalem. Ils y trouvent une société initiatique idéale.

A la suite d'une série d'entretiens avec les bensalemiens, puis avec le juif Joabin, cabaliste, les naufragés tombent amoureux de cette île paradisiaque.

Au sein de Bensalem se trouve une société secrète dont les membres recherchent les causes et les vertus cachées de la nature, afin de développer l'esprit humain.

Les dirigeants de cette société secrète s'appellent les Marchands de Lumière, ils se réunissent régulièrement afin de mieux connaître la nature humaine. Indubitablement, la société bensalémienne ressemble à la franc-maçonnerie.

Les Marchands de Lumière peuvent être aisément comparés aux Fils de la Lumière (une des nombreuses dénominations qui caractérisent les francs-maçons).

Il existe donc trois hypothèses quant à l'origine de la franc-maçonnerie, la seconde semble la plus plausible.

En effet, on imagine mal la franc-maçonnerie, société complexe par excellence, créée de toutes pièces par un groupe d'hermétistes. Il a vraisemblablement fallu plusieurs siècles pour que les maçons de métiers abandonnent leurs outils au profit de spéculations philosophiques.

Quant à la thèse établissant une filiation entre la franc-maçonnerie et le compagnonnage, elle ne respecte pas le sens logique.

En effet, si le compagnonnage avait donné naissance à la franc-maçonnerie, il aurait été appelé à disparaître. Il s'agit d'une principe très simple : prenons l'exemple du papillon.

Quand la chenille forme sa chrysalide, elle évolue et se transforme en magnifique papillon, c'est alors qu'elle cesse d'exister sous sa forme primaire. Si la franc-maçonnerie descendait du compagnonnage, comment peut-on expliquer la pérennité de l'institution compagnonnique ?

Les compagnons auraient logiquement dû disparaître et tel n'est pas le cas.

2 - Origines de la Franc-Maçonnerie

Les origines de la Franc-Maçonnerie font remonter la première loge au jardin d'Eden ou travaillaient Adam et Ève dans la plus parfaite égalité, initiés par Dieu en personne...

Dans cette perspective la mixité se trouve dès l'origine de l'Ordre.

Adam : Le premier homme d'après la Bible.

 Nous le rencontrons en Maçonnerie sur quatre plans différents.

   1. D'après l'Histoire de la Maçonnerie de Ch. Bernardin, membre du Conseil de l'Ordre du Grand Orient de France (1909), quinze auteurs maçonniques remontent à la création du monde et signalent l'existence d'une loge au paradis terrestre dont notre père Adam aura été Vénérable, Ève en étant rigoureusement exclue. Preston écrit très sérieusement que « nous pouvons trouver trace des fondations de la Maçonnerie dès l'origine même du monde ». Évidemment, cette affirmation ne peut avoir qu'un sens symbolique : la Maçonnerie a toujours existé en puissance.
   2. Au 28ème degré du Rite Écossais Ancien et Accepté, Chevalier du Soleil ou Prince Adepte, le Vénérable est appelé Adam. « Il porte un sceptre au bout duquel est un globe en mémoire de ce qu'Adam fut créé et constitué souverain Roy du Monde » (rituel de 1765). Le thème a hermétique du Grade est la régénération.
   3. Adam et le thème de la Chute jouent un rôle capital dans la pensée des Maçons mystiques et ésotéristes du XVIIIème siècle. Cf. Willermoz, Saint-Martin (Claude de), Martinès de Pasqually.
   4. Adam Kadmon. Adam céleste (androgyne) opposé par la Kabbale à l'Adam terrestre qui représente l' «homme idéal ». Ce terme figure dans certains rituels de Rose-Croix.

D'autres font remonter la maçonnerie à Salomon, à Jésus, aux Esséniens, aux Chinois...

Des auteurs audacieux affirment que la maçonnerie existait avant la création du monde, une origine extra-terrestre à  même été envisagée.

Tout cela démontre bien le problème que posent les origines de l'Ordre maçonnique aux esprits et aux historiens.

Les Constitutions d'Anderson de 1723 parlent d'une transmission initiatique ininterrompue depuis Adam à Caïn, des Chaldéens à l'Egypte, de Salomon à Nabuchodonosor, de Thalès de Milet à Pythagore ; il qu' il  en fut ainsi jusqu'au XVIIème siècle.

La maçonnerie, par ces origines mythiques, couvre toute l'humanité connue des auteurs des Constitutions.

C'est une volonté d'Universalisme qui se dégage à travers ces mythes fondateurs, la Maçonnerie est de toutes les époques et concerne tous les hommes.

Depuis qu'il existe, l'homme s'interroge sur lui-même comme sur ce qui l'entoure : les individus qu'il côtoie, la communauté dans laquelle il vit, les activités qui sont les siennes.

Mais il a également un autre besoin vital : celui de l'échange.

Depuis les lointaines peurs primitives, l'homme est sociable ; il n'envisage son existence qu'avec les autres, dans une relation de partage des idées comme des actes.

Si bien que très tôt il a pris des habitudes communautaires, dont celles de travailler ou de réfléchir en groupe.

Les premières traces de ces « associations » remontent à la plus haute antiquité.

Chez les Égyptiens, Perses, Syriens, Grecs, et les Romains, on mentionne à maintes reprises l'existence de groupements professionnels, spécialement chez les constructeurs d'édifices.

En ces temps reculés, la vie quotidienne est fortement imprégnée par toutes sortes de croyances, et plus généralement par la religion.

Chaque instant, chaque pensée, chaque acte d'importance s'inscrit dans une logique et un univers où les dieux sont présents.

Dans la plupart des cas, exercer un métier est une fonction éminemment sacrée.

L'homme ne peut rien entreprendre sans l'aide de cette force qui a créé tous les êtres et toutes les choses.

L'architecture apparaît très vite hautement symbolique de ce point de vue , à la fois parce qu'elle requiert un important savoir « scientifique » et un réel talent artistique, mais aussi car elle préfigure le mythe de la construction.

Il met en lumière la pleine et entière affirmation de l'homme : construire le temple, c'est construire l'homme.

Chaque profession a ses gestes, signes, et rituels, son intronisation secrète, qui sont autant de marques de reconnaissance et garantissent l'appartenance à une corporation bien précise.

C'est l'unique chemin par lequel un homme peut accéder au domaine divin de la connaissance, qui lui permettra un jour de maîtriser science et pouvoir.

Dans le respect du sacré,  des devoirs et des secrets,  l'homme entre dans le métier comme en sacerdoce, acceptant que sa vie future soit une ascèse dédiée au divin.

Les Collegia Romaines, qui regroupe des artisans par corporations, sont de ce point de vue des exemples typiques.

Bien qu'il s'agisse de groupements laïques, la religion y est très présente et leur organisation prend souvent la forme d'un culte, allant jusqu'à se référer à des dieux tutélaires censés protéger la profession.

En faisant vœu de rassembler des individus ayant des sensibilités similaires et d'identiques préoccupations professionnelles, les Collegia dissimulent jalousement leur savoir et interdisent au profane l'accès à une certaine connaissance.

Ces associations sont instaurées de fait par les premiers intéressés eux-mêmes, au plus bas de l'échelle sociale, ou encore sous l'impulsion d'un dignitaire, voire au plus haut rang de l'État, qui rassembleront désormais charpentiers et constructeurs de maisons.

Les Collegia répondent si bien à un réel besoin corporatif qu'ils vont jouer un rôle culturel déterminant.

En effet, parfaitement intégrés à la société romaine, ils accompagnent celle-ci partout où ses conquêtes la mènent, tant et si bien qu'au fil des décennies on en retrouve bientôt des traces aux quatre coins de l'Europe, à mesure que s'étend le vaste Empire Romain.

L'avènement du christianisme ne parvient pas à ralentir cet élan novateur ; tout juste réussit il à remplacer les dieux tutélaires par les saints patrons et à introduire un symbolisme aux consonances chrétiennes.

L'objectif majeur des collegia la divinisation de l'homme par le travail reste inchangée, voire même renforcé : Non seulement la participation de Dieu était indispensable au chrétien pour parvenir à la bonne exécution de sa tâche, mais l'homme de son côté, par son travail, participait à l'œuvre créatrice de Dieu.

Le Seigneur opérait par ses mains et le métier, poussé à la perfection, menait à Dieu.

Il faut attendre l'affaiblissement des institutions romaines et les diverses invasions qui vont secouer l'Europe  pour voir l'influence des Collegia s'estomper peu à peu.

Toutefois, elle ne disparaîtra réellement qu'au début du VIIIème siècle, avec l'avènement de l'époque féodale.

La relation Suzerain-Vassal détermine l'ensemble des rapports au sein de la société.

Il n'y a plus de place, juridiquement, pour des groupements ou associations professionnels autonomes donc incontrôlés tels que l'étaient les Collegia.

On assiste à une reprise en main de la liberté individuelle par le pouvoir féodal : le fait d'appartenir à une corporation ne garantit plus le travail de l'artisan, qui n'a désormais pour tout horizon que le statut de Serf.

Les principaux penseurs des associations corporatives n'ont d'autre solution que de se replier vers le seul lieu de la société féodale où subsiste un embryon de liberté : les couvents.

C'est là que se réfugient pour un temps les arts, les sciences... et bien sûr les traditions chères aux anciens membres des Collegia.

Entre le VIIIème et le Xème siècle, à mesure qu'elle étend son influence sur le monde occidental, la chrétienté, par le biais de son Église, affirme ses privilèges et ses libertés.

La multiplication des lieux de culte et des couvents tisse un réseau serré de relations étroites.

De nouveaux groupements de constructeurs apparaissent, sous la forme d'associations monastiques qui rassemblent les seuls architectes dignes de ce nom.

Ce sont eux qui érigent les nombreuses églises et couvents qui voient le jour, en cette époque gagnée par une foi fervente, un peu partout en Europe.

Il faut attendre le début du XIème  siècle pour qu'apparaisse, toujours sous l'impulsion d'une Église de plus en plus forte, une nouvelle forme de société.

Les préceptes du christianisme favorisent peu à peu l'instauration d'une paix grandissante.

Une organisation sociale plus ouverte voit le jour : le renoncement aux affrontements guerriers génère la sécurité, qui elle-même favorise les échanges commerciaux et permet aux artisans de venir s'installer dans les lieux fortifiés.

Les expéditions commerciales et les croisades insufflent une dynamique nouvelle dans l'économie et stimulent de nouvelles réalisations.

C'est le temps des franchises communales, et surtout de la construction des beffrois et des cathédrales.

Dans un véritable bouillonnement d'idées et de pulsions créatrices, des associations de laïques dont la plupart ont été formées par des ecclésiastiques s'affirment au grand jour, hors des couvents, dans de nouvelles organisations que l'on appelle les confréries.

En leur sein, le travail conserve son caractère sacré, la religion reste la dominante de la vie professionnelle et la fraternité une coutume plus affirmée que jamais.

Çà et là, les travailleurs manuels se regroupent en organisations autonomes.

Dans les pays Anglo-Saxons et Outre-Rhin apparaissent les guildes, ces autres formes de groupements professionnels à vocation fraternelle et spirituelle.

Un pas décisif est franchi lorsque s'officialise la reconnaissance de ces diverses entités par le pouvoir royal.

Bien plus que de simples associations, on peut alors parler de véritables corps professionnels, qui désormais sont respectés par les autorités municipales ou seigneuriales.

Il faut cependant attendre le XIIIème siècle pour voir réellement les métiers s'organiser.

A très peu d'exceptions près, ils sont alors dépendants et étroitement reliés à un fief ou à une cité, par des règles draconiennes quant à l'exercice du métier et de lourdes obligations qui ne sont pas sans rappeler la servitude passée : nécessité  d'acheter sa place dans le métier, impôts divers, surveillance des déplacements, interdiction de changer de lieu de travail sans autorisation, etc.

Ce régime serré est celui des métiers « jurés ».

Il en existe d'autres qui bénéficient quant à eux d'une relative liberté, sont moins assujettis à d'importantes charges financières et à un strict contrôle.

La raison de ce qu'il faut bien appeler un régime de faveur réside dans le fait que ces autres métiers, organisés en confréries d'artisans, dépendent de l'Église et jouissent de ses privilèges sous la forme de « franchises ».

Ces professions reçoivent l'appellation de Francs-Mestiers.

Dans la langue de l'époque, est franc ce qui n'est pas soumis aux servitudes classiques et aux droits seigneuriaux.

Il s'agit en l'occurrence de la plus concrète des manières d'un avantage considérable ;  il est vécu comme une juste prérogative reconnaissant leur état par ceux qui en disposent, mais perçu comme un passe-droit difficilement acceptable par ceux qui ne l'ont pas.

De fait, les Francs-Mestiers résulte de la transformation des associations monastiques comme celles ayant peuplé les abbayes de Bénédictins ou les commanderies du Temple en confréries laïques et va garder longtemps les attributs distinctifs de son ancien statut.

Dès la fin du XIIIème siècle, le monde féodal est en pleine effervescence.  Partout on bâtit des forteresses, des églises, des routes, des ponts.

Les Templiers et leurs Francs-Mestiers principalement les maçons et autres métiers de la construction sont les artisans infatigables de ce renouveau.

On les retrouve dans la plupart des guildes et des métiers d'alors.  Leur influence est telle que malgré la dissolution de l'Ordre en 1312, les persécutions contre ses membres et l'exécution sur le bûcher du grand maître de l'ordre du Temple Jacques de Molay en 1314, les Confréries Templières des Francs-Mestiers ne cesseront d'exister et de se développer, avec l'accord royal, tant en France qu'en Grande-Bretagne.

C'est d'ailleurs dans ce dernier pays que la dénomination Franc?Maçon apparaît dans la seconde partie du XIVème siècle.

Désormais, dans une époque de renouveau intense et de forte mouvance des idées, tous les éléments sont réunis pour que naisse véritablement ce qui va devenir la Franc-Maçonnerie Universelle.

En une étonnante alchimie, qui au fil des siècles déroutera les observateurs extérieurs, avec le Francs-Mestiers le spirituel rejoint puis imprègne le temporel jusque dans les activités a priori les plus éloignées de l'esprit.

C'est pourquoi il est difficile d'évoquer les sources de la Franc-Maçonnerie sans s'arrêter un instant, en premier lieu, à cette dimension spirituelle qui se veut une donnée essentielle de toute approche maçonnique.

Nous avons vu comment la pratique du métier est teintée de sentiment religieux.

Dans la majorité des cas, une foi fervente s'exprime dans la plupart des actes professionnels.

La principale raison à cela tient au fait que dans l'Europe du Moyen- Age et de la Renaissance le christianisme est omniprésent. En donnant à sa profession les aspects d'un culte, l'artisan ferme celle-ci à toute personne n'exerçant pas le métier.

Il introduit ainsi nombre de rituels, dont celui de l'initiation qui revêt une importance majeure : Cette initiation à la connaissance du métier, était en même temps celle à la loi divine révélée par le Christ, qui seule permettait d'atteindre à la perfection sur tous les plans, dont la valeur professionnelle n'était qu'une forme à la gloire de Dieu et une grâce conférée par Lui.

La première demeure de Dieu, le premier Temple à lui construire, à défaut duquel il ne faut pas espérer cette grâce, c'est l'homme lui-même fait à l'image de Dieu.

Aussi le devoir primordial du Franc-Maçon, répété avec insistance par les anciens statuts et devoirs, était'il d'être fidèle à Dieu et à la sainte Église et de fuir l'hérésie et l'erreur.

Franc-Maçonnerie Opérative et Spéculative

La Franc-Maçonnerie Moderne est une Institution qui a près de 300 ans d'existence.

Elle descend, d'une façon symbolique, des Maçons Constructeurs du Moyen âge qui se sont déplacés durant plusieurs siècles à travers toute l'Europe pour y bâtir des édifices religieux ou profanes dont la plus grande partie existe encore aujourd'hui.

Si le phénomène de transition de la Maçonnerie Opérative vers la Franc Maçonnerie Spéculative au cours de laquelle un nombre croissant de non Opératifs devenaient « Maçons-Acceptés ».

Dès le XVème  siècle, et surtout au XVème siècle, de nombreuses loges, à commencer par Warrington, sont à majorité Spéculative.

Même Carausius ou Athelstan ne paraissent pas avoir été des Opératifs.

Mais on se heurte toujours sur ce point à la légende de la Maçonnerie Spéculative commençant lors de l'initiative des loges de Londres en 1717, les Constitutions de Desaguliers, dites d'Anderson de 1723.

Mais, à l'origine de la Maçonnerie (multiple), on peut distinguer ces deux grands courants, complémentaires et généralement Unis.

Tout d'abord, les vieux mystères, des sumériens aux égyptiens et aux mystères gréco-romains, aux pythagoriciens et aux divers hermétistes.

Puis les opératifs que l'on devine en Egypte, et même avant l'Egypte que l'on trouve certainement dans les corporations étrusques, notamment les pontifes.

Les pontifes portaient la mitre et la crosse.

Ils étaient les constructeurs de ponts, mais également des routes et des édifices et leur importance fut telle qu'ils devinrent la classe sacerdotale la plus importante et que le Pontifex Maximus, le Souverain Pontife, devint le véritable Grand Prêtre du paganisme romain et que le chef de l'organisation religieuse exotérique, dite Eglise Catholique, porte encore ce titre.

Puis c'est l'édit de Numa Pompilius organisant les Confréries Opératives ( VIIIème table de la Loi des XII Tables), l'édit de Carausius, l'édit de Clovis en 486, la charte d'Athelstan, etc.

La Maçonnerie Spéculative remonte aux Acceptés, et non pas à l'initiative des loges de Londres de 1717.

On peut affirmer que les Maçons-Acceptés descendent des alchimistes, des kabbalistes, des hermétistes, des Rose-Croix et peut-être, sous toutes réserves, des Templiers.

Ils sont nombreux dès le Moyen Age et les loges entièrement ou à majorité d'acceptation existent au XVème siècle.

Elias Ashmole relate dans ses Mémoires qu'il a été reçu Maçon le 26 octobre 1646, à 4 h 10 de relevée, à la loge de Warrington, dans le Lancashire, avec le colonel Mainwaring et indique que le 11 mars 1682 il a participé à une tenue à Londres et à un noble banquet préparé aux frais des nouveaux Maçons-Acceptés.

Gould écrit : « Il nous est permis d'affirmer que la date de la suprématie de la Maçonnerie Spéculative sur la Maçonnerie Opérative peut être fixée avec certitude pour Londres à 1619-1620 et pour Warrington à 1646 et de constater en conséquence que, dans les deux cas, les périodes de transition doivent remonter à des périodes plus reculées. »

S'il est vrai que la loge La Bonne Foi, à l'Orient de Saint-Germain-en-Laye, remonte au 25 mars 1688, cette loge composée d'exilés Stuardistes ne comprenait pratiquement que des Spéculatifs et non des Opératifs.

Ce ne sont donc pas les événements de 1717?1723 qui ont marqué le début de la Maçonnerie Spéculative.

C'est la Maçonnerie « de métier » qui a précédé la Maçonnerie  Spéculative » (ou Moderne), la liaison entre l'une et l'autre étant effectuée par l'intermédiaire de l' Acceptation.

Dans ce domaine, une étude logique devrait se borner aux Guildes Anglo-Saxonnes qui sont à l'origine directe de la Franc-Maçonnerie moderne, toute autre tradition ayant nécessairement un caractère légendaire ou, tout au plus, étant un apport tardif à une légende en voie de constitution.

L'homme ayant construit depuis le Néolithique, il ne saurait être question de faire ici une étude exhaustive de la construction immobilière à travers les âges.

Pas plus que d'errer à travers les légendes qui ornent les Old Charges et que la partie historique des  Constitutions d'Anderson a, plus ou moins laborieusement, synthétisée.

Il n'y a donc rien à tirer des Collegia romaines car, en Angleterre comme ailleurs, les a barbares » ont détruit toutes les structures anciennes.

On peut toutefois concéder l'existence aux XVIIème et XVIIIème siècles d'architectes, Maçons et autres artisans capables de construite more romano, mais aucun texte, même pas ceux qui se rapportent aux Comacini  ( lombards ) , ne permet de croire au maintien de formes corporatives héritières de l'Antiquité Romaine.

De même, la croyance en un rôle quelconque joué par les Culdéens  dans le maintien d'anciennes traditions n'est guère sérieuse.

En fait, le système corporatif Romain ne s'est maintenu que dans les territoires restés Byzantins ou soumis à l'influence de Constantinople.

C'est ainsi que l'on a pu soutenir, non sans quelque raison, qu'à Rome même les Scholae avaient succédé aux Collegia, et que leur influence a été importante sur le reste de l'Occident et notamment en Angleterre.

Un texte de dom Mabillon paraît prouver qu'à l'époque de saint Boniface au début du XVIIIème siècle, ce sont des Maçons anglais, eux-mêmes formés par des Romains, importés par saint Augustin et ses successeurs, qui ont construit les premières églises frisonnes, saxonnes et bavaroises.

Il n'est pas exclu de penser que le rôle attribué à Charles Martel, roi des Francs, dans la légende Opérative Anglaise ait ses origines dans cet échange de techniciens.

Mais la véritable histoire originelle de la Franc-Maçonnerie n'est pas là, elle réside dans les associations qui se sont créées, à partir du XIème siècle tout d'abord, autour des grandes constructions monastiques et, ensuite et à partir du XIIIème siècle  du mouvement communal.

On ne voit d'ailleurs apparaître en pleine lumière ces corporations de constructeurs qu'à la seconde de ces dates, ce qui paraît bien prouver que la Franc-Maçonnerie autonome est un fait qui tient au clergé séculier et non aux ordres monastiques et à l'urbanisation.

Voyons tout cela avec quelques détails.

Avec la seconde série d'invasions barbares qui clôt l'époque carolingienne, l'Europe connaît une nouvelle catastrophe.

Ce qui peut rester de culture se réfugie à nouveau dans les couvents.

Il est à peu prés certain que l'art roman est essentiellement l'oeuvre de religieux bénédictins, ou du moins animé par eux, à partir du Xème siècle.

Mais, très rapidement, avec le développement des villes, les Chapitres prennent le relais des couvents et les corporations opératives, formées à peu près exclusivement de laïcs, commencent à apparaître dans leur réalité historique.

Le Moyen Age classique porte de multiples témoignages de leur existence dans toute l'Europe de l'Ouest, en Scandinavie, en Ecosse, en Irlande, en Angleterre, aux Pays-Bas, en France, Espagne, Italie, dans les différentes parties du monde germanique, au moins jusqu'à Prague et Budapest.

C'est de ces groupements, mais exclusivement des groupements anglais et écossais, qu'est sortie, après une assez longue période de transition, la Franc-Maçonnerie Spéculative moderne.

L'ensemble de ces problèmes a été sérieusement étudié par les médiévistes.

Aussi, débarrassons-nous de quelques légendes.

Personne ne croit plus guère aujourd'hui à l'imagier anticlérical si amplement développé par Viollet-le-Duc au siècle dernier.

Il est également très difficile d'admettre que les groupements de constructeurs aient été les agents passifs ou actifs de la transmission d'un ésotérisme quelconque, qu'il fût oriental ou non.

L'ésotérisme des Tarouq Musulmans transmis à travers les Templiers, la présence, chez ces Maçons ou Sculpteurs, d'une tradition Gnostique ou Manichéenne sont parfaitement légendaires.

Peut-on penser qu'il y a eu un « ésotérisme chrétien » à côté de l'exotérisme?

Parlons plutôt d'un symbolisme « typologique » qui est la transcription dans la pierre des croyances jugées parfaitement orthodoxes par les théologiens médiévaux et inspirées essentiellement de la Glose ordinaire de Walafried Strabo.

D'ailleurs, il est bien connu que les clercs qui avaient commandé les constructions entendaient s'en réserver, conformément aux canons du second concile de Nicée (787), « l'ordonnance et la disposition ».

Avec le réveil de l'Occident, au XIème siècle, apparaissent donc un peu partout des organisations diverses de gens du bâtiment : la « confrérie » à caractère strictement religieux, la « corporation » (le mot est du XVIIIème siècle) basée sur la tripartition des fonctions et sur la progression par qualification professionnelle entre Apprentis, Compagnons et Maîtres, enfin, au déclin du Moyen Age, les Compagnonnages qui ne groupent que les ouvriers et deviennent l'organisation à la fois de progrès technique et de défense syndicale qu'ils seront aux Temps modernes.

Il importe de ne pas les confondre et de considérer aussi que de telles associations ne sont nullement la spécialité des métiers de la pierre.

En France surtout, aux Temps modernes, elles ne cessent de se multiplier au point d'interdire, en se transformant en monopoles de droit ou de fait, toute évolution sociale et toute transformation technique.

Chacun des pays occidentaux a donc, au Moyen Age et au début des Temps modernes, connu des types d'organisation, initialement assez analogues, surtout dans les métiers du bâtiment où l'on se déplaçait beaucoup, et qui, par la suite, ont évolué de façon différente.

Ce n'est qu'en Ecosse et en Angleterre que, par le phénomène de l'Acceptation, s'est produit une évolution particulière qui a créé la Maçonnerie spéculative.

L'Acceptation, en effet, n'a existé ni en France ni, semble-t-il, dans les pays latins, sauf peut-être occasionnellement en Italie.

On en trouve seulement quelques traces relativement tardives en Allemagne.

C'est donc essentiellement sur l'Angleterre qu'il convient de s'appesantir.

Mais il convient toutefois de dire quelque chose des autres pays.

En Espagne où, après la reconquista, on construit beaucoup d'églises, les mentions ne manquent pas le P. Benimeli a noté des signes lapidaires sur 122 édifices religieux mais disparaissent dès le XVIème siècle.

En Italie, on n'a jamais cessé de construire, et dès que se développe le mouvement communal, il existe des « corporations » de Maçons avec des Maîtres, très actives notamment à Florence, à Brescia, Milan, Parme, Plaisance, Venise, Lucques.

Elles disparaissent également au XVIème siècle. Se sont?elles transformées, comme le pense P. Naudon, en académies, telle l'Academia del Disegno de Florence (1563) où l'on rencontrait professionnels du bâtiment et « amateurs »?

Ces académies italiennes ont-elles, par la suite, influencé, au moment de la période de transition, la Maçonnerie anglaise? Ce n'est pour nous qu'une hypothèse.

En pays germanique, les « Bauhütte » de constructeurs ont eu la vie plus dure puisque leur existence nous est encore mentionnée au début du XVIIIème siècle.

Encore que personne ne croit plus de nos jours que les Steinmetzen  germaniques aient été à l'origine de la Maçonnerie spéculative.

Elles sont cependant plus récentes que celles d'Italie puisque Findel pense que la plus ancienne confrérie allemande date de 1211, c'est-à-dire des débuts de l'édification de la cathédrale de Magdebourg.

Mais surtout les Maçons Operatifs de langue germanique ont, dès 1275, connu l'existence de cinq Grandes Loges (Haupthütten) à Strasbourg, Cologne, Vienne, Zurich et Magdebourg, les deux premières se disputant la primauté.

Ce sont ces cinq Grandes Loges qui se donnèrent, le 25 avril 1459, les Statuts et règlements de la confraternité des Tailleurs de pierre extrêmement complets, et qui furent, à partir du milieu du XVème siècle, unanimement acceptés et pratiqués dans toutes les loges.

On connaît des assemblées générales en 1275 (Strasbourg), Ratisbonne (1459, puis 1464), Spire (1469), Cologne (1535), Bâle (1563), à nouveau Strasbourg (1564).

Les Statuts de Ratisbonne ont été maintes fois publiés : il est facile d'y rencontrer un certain nombre d'éléments qui ont subsisté dans la Maçonnerie contemporaine et notamment les trois grades, l'exclusion des profanes, l'égalité fraternelle et les secours mutuels, la juridiction spéciale, les « signes » , le rite de l'initiation, l'ouverture et la clôture des assemblées.

Enfin le texte parle, mais d'une façon malheureusement assez imprécise, des « hommes pieux » qui voudraient assister au service divin, mais qui n'ont pas droit de vote, ce qui peut être interprété comme une esquisse de l'acceptation.

Il n'est peut-être pas sans intérêt aussi de noter que si les Statuts s'ouvrent sur l'invocation à la Trinité, à la Vierge et aux quatre saints couronnés, les serments sont prêtés sur le Livre de la Confrérie et non sur la Bible.

Les « Hütte » se heurtèrent souvent aux pouvoirs civils, empereurs, seigneurs et villes.

Elles ne disparurent cependant que lentement et, comme en France, certaines de leurs traditions ont subsisté dans le compagnonnage.

Les Mestiers en France n'apparaissent guère avant la fin du XIème siècle, à la fois dans le Nord, en Normandie, et en Languedoc.

A Paris, la situation est plus confuse, car les métiers du bâtiment dépendant étroitement, comme en témoigne « Le livre des Mestiers » d'Etienne Boileau (1268), du Maître des Oeuvres de Maçonnerie du roi.

A cette époque existent, un peu dans tous les corps, la distinction tripartite, des règlements stricts sur l'accès au compagnonnage et à la maîtrise, un serment (sur la Bible ou des reliques), des taxes assez lourdes.

Quatre corporations dépendaient du « Maître des Oeuvres de Maçonnerie », les « Mortelliers » (fabricants de mortiers, appareilleurs? ), les maçons, les tailleurs de pierre et les plâtriers.

Les charpentiers avaient un statut différent, dépendant du Charpentier du Roy.

Il est assez difficile de savoir la (lace que pouvaient en réalité tenir, dans ce système, ceux des « Maîtres Maçons » qui étaient en fait des architectes et des Maîtres d'Oeuvre, tel Villard de Honnecourt.

Ce système fort autoritaire n'existait pas partout au Moyen Age.

Bien souvent, comme en Provence, le métier était libre.

Ou simplement «  réglé » et non « juré ». Ce n'est qu'a partir du XVIème siècle que la royauté s'efforça d'établir dans tout le royaume ce second système, et il n'y réussit que trop bien.

Les choses devaient ainsi durer jusqu'à la loi d'Allarde du 11 juillet 1791.

Les confréries professionnelles (qu'il faut bien distinguer des confréries liturgiques et des confréries associations du Midi de la France) ont existé dès le Moyen Age et se sont rénovées sous l'effet de la contre Réforme, au XVIIème siècle.

Elles étaient et sont restées jusqu'à la Révolution essentiellement des sociétés de secours mutuels à caractère religieux.

Il n'est pas exceptionnel que « communauté de métier » et « confrérie » soient une seule et même organisation.

A l'inverse, il arriva parfois que des confréries eussent maille à partir avec le pouvoir royal.

Quant au compagnonnage, toujours persécuté par l'Etat et condamné à maintes reprises par l'Eglise, il garda, comme en Allemagne, une partie de l'héritage symbolique, sinon initiatique, des groupements primitifs, mais adaptés à de tout autres finalités.

En fin de compte, rien dans la tradition opérative française n'a joué de rôle dans la création de la Maçonnerie moderne.

C'est donc vers les île, Britanniques qu'il nous faut nous tourner.

Et ici, grâce au labeur étonnant des Maçons de la loge londonienne Quatuor Coronati qui ont colligé avec science, amour et patience tous les vieux documents, dont l'ensemble forme les « Old Charges » , nous sommes relativement bien informés.

L'influence des « Collegia » romains ou des Culdéens nous paraît purement légendaire, celle des rois bretons ou Anglo-Saxons, qui figurent dans la tradition, pour le moins sujette à caution.

En fait, le système des « Corporations Confréries » (anglais craft) est venu de France avec les rois normands et nous n'avons pas de documents authentiques témoignant de leur existence avant le XIVème siècle, c'est-à-dire nettement plus tard qu'en France ou dans le monde germanique.

Nous savons, certes qu'antérieurement, il existait des « sculptores lapiduna liberorum » (1212), des ateliers de Maçons intitulés « loges » (1292).

La corporation des Maçons existe à Chester en 1327 et à York en 1350, le terme de freemasons apparaît en 1376 pour désigner les Maçons de la confrérie londonienne et se retrouve en 1377, 1 381 et 1396.

Les premiers textes statutaires connus suivent de très près: « Ordonnance » et « Statut des Ouvriers » (1349?1350), « Ordonnance des Maçons d'York » (1332, puis 1370), « Articles de Londres » (1356), «Ordonnance de la Guilde des Charpentiers de Norwich » (1375).

A peine postérieurs sont les célèbres manuscrits « Regius » (1370?1400) et Cooke (14301440).

La plus ancienne Charte connue est le document Landsdown (1550 env.), le reste étant postérieur à la Réforme. cf. Charges (Old).

En laissant de côté l'histoire légendaire de l'Ordre, nous constatons que l'ensemble des documents nous fournit un tableau à peu près cohérent de la Maçonnerie anglaise à la fin du Moyen Age.

La corporation est aussi confrérie et se place sous l'invocation de Dieu ou de la Trinité, de la fidélité à l'Eglise, elle exige que l'on célèbre les fêtes traditionnelles.

L'Apprenti doit prêter serment (probablement sur la Bible) et notamment doit jurer de conserver le secret, il existe des grades, les membres portent parfois une livrée spéciale et s'appellent « frères » et « sueurs » car il semble bien que des femmes fussent admises dans la confrérie encore que la chose ait pu être discutée, le principal officier est le « Maître », il existe des wardens (gardiens, surveillants).

Nous n'avons rien de tel pour l'Ecosse médiévale : le premier document, dit «Statuts Schaw » datant de 1598, mais étant le rappel de règles antérieures.

La Maçonnerie britannique n'était donc pas organisée d'une façon tellement différente de ce qui se passait, à la même époque, sur le continent.

De plus, elle ne connut jamais de grosses difficultés, ni avec le clergé, ni avec le pouvoir royal.

La meilleure preuve en est dans le fait qu'en 1417 la Corporation reçut des armoiries du roi d'armes de Sa Majesté.

Peut?on aller plus avant? Ici, la vérité historique est bien difficile à dégager de la légende.

Rébold raconte qu'en 1442, le roi Henri VI se serait fait initier ainsi que les seigneurs de sa cour, que le 24 juin 1502, Henri VII Tudor aurait présidé la tenue d'une Grande Loge à Londres à l'occasion de la pose de la première pierre de l'abbaye de Westminster.

Il est plus vraisemblable d'admettre que l'archevêque d'York, en 1427, et son collègue de Canterbury, en 1429, encouragèrent ou même présidèrent des tenues de loge ou de Grande Loge.

Vint la Réforme : à notre sens, l'affirmation maintes fois reproduite, notamment par P. Naudon, d'une Maçonnerie restée catholique dans un pays qui était en train de passer allégrement au protestantisme ne paraît pas se justifier.

Ou, en tout cas, les textes ne paraissent pas l'imposer, surtout dans la première partie du XVIIème siècle où, jusqu'en 1640, l'anglicanisme paraît triomphant.

Quoi qu'il en soit, une tradition dont il est difficile de démêler le fond historique et qui nous est contée par Preston veut qu'Elisabeth ait, en 1561, confirmé le choix de sir Thomas Sackvill comme « Maître » et qu'il le resta jusqu'en 1567 avec siège à York.

A sa mort, la Maçonnerie se divisa en deux branches, la loge d'York, dirigée par le comte de Bedford, la loge de Londres dirigée par le célèbre économiste sir Thomas Gresham.

A la suite d'une assemblée maçonnique tenue à York en 1663, la Fraternité fut dirigée par un « Grand Maître » et le premier titulaire de la charge fut Henri Jermyn, comte de Saint-Alban, nommé dans une séance présidée par Jacques II lui-même.

Lui succédèrent : Thomas Savage, comte Rivers (1666); le duc de Buckingham (1674); Arlington (1679); sir Christopher Wren (1685); le duc de Richmond (1695) puis, à nouveau, sir Christopher Wren (1698) qui se démit de ses fonctions et ne fut pas remplacé.

La trame de cette tradition correspond sensiblement à la période de transition au cours de laquelle la Maçonnerie devient « spéculative ».

L'Ecosse parait avoir connu une évolution analogue, mais qui, plus tardive, a peut?être permis aux Maçons écossais et subsidiairement irlandais de garder un caractère plus archaïque.

Les Statuts de la fin du XVIème siècle témoignent de l'existence de trois loges à juridiction relativement étendue : celles d'Edimbourg, de Kilwinning et de Stirling.

Il semble que les Maçons écossais se soient surtout distingués de leurs confrères anglais par deux points : l'existence de trois degrés hiérarchiques et non deux, la présence du « Mason's Word » (mot de Maçon) qui permet l'accès à toutes les Loges de la région.

Les légendes maçonniques sont évidemment quelque peu différentes et font une large part aux premiers Stuarts, et notamment à Jacques II d'Ecosse.

C'est lui qui aurait nommé (1439) comme « Maître des loges d'Écosse » Guillaume de Saint?Clair, baron de Rosslyn, comte d'Orknet et de Caithness.

Ces droits héréditaires qui furent confirmés en 1628 par l'ensemble des loges écossaises nous sont connus par des chartes de 1601 et 1628. Ils devaient durer jusqu'en 1735.

Dans la seconde moitié du XVIème siècle, à l'aube de l' Acceptation, la Maçonnerie Anglo-Ecossaise est donc très vivante.

Il existe, dans à peu près chaque ville importante, sur chaque chantier, une loge et une « compagnie de Maçons » qui vivent assez librement sous la triple protection de sa Charte, du pouvoir royal et de l'Eglise.

 Ces groupements sont fédérés d'une manière assez lâche, mais les liens sont assez étroits pour que les « itinérants », nécessairement nombreux qu'il s'agisse de loges entières ou de simples Compagnons puissent être reçus sur leur nouveau lieu de travail.

Si nous ne sommes sûrs de l'existence des « mots» que pour l'Ecosse, nous savons que les Maçons anglais possédaient à la fois des signes de reconnaissance (peut-être la fameuse « griffe » que l'on retrouve chez les Compagnons français) et des secrets techniques.

Ces déplacements rendaient nécessaire une autorité suprême qui commençait à s'esquisser avec la tenue d'assemblées périodiques, la reconnaissance, encore diffuse, de « Loges Mères » telles York en Angleterre et Edimbourg ou Kilwinning en Ecosse et, peut?être, l'existence d'un protecteur, étranger au métier, choisi donc aussi près que possible du pouvoir royal et qui deviendra le Grand Maître.

La Renaissance puis la Réforme devaient modifier les choses.

Il faut attribuer une certaine influence à ne pas exagérer toutefois aux Italiens architectes, peintres, sculpteurs ou simples humanistes qui vinrent assez nombreux à la cour de Jacques V d'Ecosse, le père de Marie Stuart, aussi bien qu'en Angleterre à la cour d'Henri VIII, puis à celle d'Elisabeth.

Leur influence ne fut pas immédiate, car le XVIème siècle insulaire reste encore profondément gothique et il faut attendre le règne de Jacques 1er  et surtout, en 1607, le retour d'Inigo Jones de Rome pour assister au triomphe du style Palladique, inspiré de l'Italie, et qui, sauf quelques brefs retours en arrière, dominera l'architecture anglaise jusqu'après 1715.

La tradition maçonnique affirme que les souverains écossais et anglais associèrent les Maçons italiens aux Maçons anglais et que la loge devint alors quelque chose d'assez semblable aux « académies» italiennes, ce qui, à Londres comme à Florence, devait favoriser la venue de personnes cultivées et férues d'art.

Pour ce qui est de la Réforme, il ne faut jamais oublier l'originalité de la Réforme anglaise, tant celle, purement disciplinaire, d'Henri VIII, que celle d'Elisabeth.

En Angleterre, comme en Suède, c'est toute l'Eglise qui est passée, avec armes et bagages, à la Réforme et la plupart des Anglais n'ont pas eu le sentiment d'une rupture.

Il n'y a pas eu de guerres de religion et l'attitude hostile de l'Espagne d'abord, de Louis XIV ensuite, ont consolidé l'unité nationale autour du roi, du Parlement et de la « Church ».

La conséquence de cette situation est l'absence de solution de continuité dans la construction : on a continué à bâtir selon le style ancien auquel s'est substitué au début du XVIIème siècle, le style palladien.

Tels sont, envisagés évidemment dans leurs grandes lignes, les faits historiques essentiels qui nous mènent jusqu'à l’acceptation.

Que pouvons-nous en déduire concernant les problèmes du rituel?

Il n'existe malheureusement pas de rituels antérieurs au XVIIIème siècle.

Le plus archaïque semble bien être le Manuscrit Dumfries n°4 des années 1710 et l'ensemble des documents publiés par Knopp, Jones et Hemer s'échelonnent entre 1696 et 1730.

Mais il est probable et la langue en témoigne d'ailleurs qu'ils sont des copies de documents plus anciens.

Les éléments rituels et symboliques les plus importants sont l'existence et le rôle capital du Temple de Salomon, car sa loge se tient « dans les parvis du Temple de Salomon », l'assimilation de la loge au « cosmos », l'existence de trois « piliers », l'Équerre, le Compas et la Bible, l'utilisation de l'Échelle de Jacob et de l'Arche d'alliance, des deux colonnes « J » et « B » que nous rencontrons également en Allemagne et qui auraient été les « mots ».

On a déjà maintes fois noté l'absence du mythe d'Hiram dont l'introduction en Maçonnerie fait problème.

S'ajoutent l'évocation de la géométrie, principe de toutes les autres sciences, l'orientation du Temple est-ouest, les trois « Lumières » que sont le Soleil, la Lune et le Maître Maçon, les deux Saint-Jean, enfin les exigences de fraternité exprimées de façon variée et souvent fort riche.

Malheureusement, si nous connaissons les principaux éléments symboliques, nous ignorons tout des rites cérémoniels.

Il est en tout cas facile de constater que la Maçonnerie contemporaine n'a, dans le domaine du symbolisme, rien ajouté d'essentiel.

On peut également noter l'absence totale de tout élément hermétiste ou alchimiste.

Les Anciennes Obligations
Des Maçons Francs Et Acceptés

Constitutions d'Anderson



Le pasteur .James Anderson (1684?1739), né à Aberdeen, fut nommé des 1710 pasteur de l'Eglise presbytérienne écossaise à Picadilly.

Il fut appelé à rédiger les Constitutions de la nouvelle Grande Loge,  sur les conseils et avec l'aide de Desaguliers.

La première édition est sortie des presses anglaises en janvier 1723.

Il semble bien que ce soit une oeuvre collective. C'est aujourd'hui l'ouvrage de référence philosophique de tout Franc?Maçon.

Il n'en fut pas toujours ainsi, mais la traduction de quelques passages circulait au XVIIIème siècle notamment les Statuts et Règlements de Loge.

Le frontispice gravé par John Pine est fort intéressant et mérite d'être regardé avec la plus haute attention.

Il s'agit du la rencontre de deux groupes de personnages. L'un remettant a l'autre les constitutions de la maçonnerie. Le principal personnage du groupe qui reçoit ce présent porte une couronne ducale, perruque largement déployée sur le camail, et un manteau long.

Les historiens admettent qu'il s'agit probablement du duc de Montagu, dédicataire des Constitutions qui fut Grand?Maître de la Grande Loge d'Angleterre de 1721 à 1722. Il est accompagné de quelques personnages dans lesquels certains ont reconnu le pasteur Desaguliers.

Le principal personnage dit groupe qui présente les Constitutions est également richement vêtu, et, s'il n'a pas le chef ceint d'une couronne de duc, il porte le collier et la jarretière du l'ordre royal : il s'agit, là aussi, d'un important personnage. Derrière lui, tin groupe d'hommes dont l'un porte un lot de gants et de tabliers, symboles premiers de tout Franc?Maçon. Entre eux, sur le pavement, le tracé du problème du carré de l'hypoténuse rappelle la géométrie, et probablement la preuve de l'exploitation de la lettre G.

En même temps que les Constitutions, le titulaire de la chargé remet un compas, car avant même que le maître de loge eût pour emblème l'équerre ou la truelle, il avait tin compas, parfois seulement stylisé par son axe sous forme d'un soleil rayonnant.

Il y a manifestement dans ce frontispice une très forte volonté de transmettre tin pouvoir régulé par un document officiel nouveau, un rituel et des éléments vestimentaires très précis.

Le fond du décor est orné d'une architecture contemporaine ouverte sur l'infini (et lion pas gothique) pour exprimer toute la modernité de la nouvelle institution.

La renommée sur son char laisse présager la pérennité de la Franc?Maçonnerie spéculative.

L'ouvrage a été de nombreuses fois réédité avec différentes interprétations suivant les besoins politiques du moment.

Mais jamais la Franc?Maçonnerie française ne l'a utilisé en référence comme livre sacré avant la seconde moitié du XXème siècle. Le Grand Orient de France en 1779, diffusa les Règlements de la traduction Van Laak (La Haye, 1773) mais la première traduction française, entrée à la Bibliothèque Nationale au titre élu dépôt légal, est celle donnée par Mgr. Jouin dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes en 1936!

Les "Constitutions d'Anderson", dont vous trouverez ci-dessous la traduction en français, sont l'un des textes fondamentaux de la Franc-Maçonnerie moderne.

Elles doivent cependant être replacées dans leur contexte et ne constituent en aucun cas une loi immuable de la Franc-Maçonnerie, puisqu'elles furent modifiées, en Angleterre même, dès 1738.

Recueillies par l'auteur dans leurs Anciennes Archives, sur l'ordre du Grand Maître, l'actuel Duc de Montaigu.

Approuvées par la Grande Loge et imprimées par ordre dans la première Édition du Livre des Constitutions, le 25 mars 1722.

SOMMAIRE

I.   Concernant Dieu et la religion.

II.  Du Magistrat civil Suprême et Subordonné.

III. Des Loges.

IV. Des Maîtres, Surveillants, Compagnons et Apprentis.

V.  De la Direction du Métier pendant le Travail.

VI. De la Conduite.

   1. Dans la Loge quand elle est Constituée.
   2. Conduite après fermeture de la Loge et avant le départ des Frères.
   3.

      Conduite quand les Frères se rencontrent sans présence étrangère mais hors d'une Loge Constituée.
   4. Conduite en présence d'Étrangers non Maçons.
   5. Conduite chez vous et dans votre entourage.
   6. Conduite envers un Frère étranger.

I. Concernant Dieu et la religion:

Un Maçon est obligé par sa tenure d'obéir à la Loi morale et s'il comprend bien l'Art, il ne sera jamais un athée stupide, ni un libertin irréligieux.

Mais, quoique dans les temps anciens les Maçons fussent astreints dans chaque pays d'appartenir à la religion de ce pays ou de cette nation, quelle qu'elle fût, il est cependant considéré maintenant comme plus expédient de les soumettre seulement à cette religion que tous les hommes acceptent, laissant à chacun son opinion particulière, et qui consiste à être des hommes bons et loyaux ou hommes d'honneur et de probité, quelles que soient les dénominations ou croyances qui puissent les distinguer; ainsi, la Maçonnerie devient le centre d'union et le moyen de nouer une véritable amitié parmi des personnes qui eussent dû demeurer perpétuellement éloignées.

II. Du Magistrat civil Suprême et Subordonné.

Un Maçon est un paisible sujet à l'égard des pouvoirs civils, en quelque lieu qu'il réside ou travaille, et ne doit jamais être mêlé aux complots et conspirations contre la paix et le bien-être de la nation, ni manquer à ses devoirs envers les magistrats inférieurs; car la Maçonnerie a toujours pâti de la guerre, de l'effusion de sang et du désordre; aussi les anciens rois et princes ont toujours été fort disposés à encourager les Frères, en raison de leur caractère pacifique et de leur loyauté par lesquelles ils répondaient en fait aux chicanes de leurs adversaires et défendaient l'honneur de la Fraternité qui fut toujours florissante dans les périodes de paix.

Aussi, si un Frère devenait rebelle envers l'État, il ne devrait pas être soutenu dans sa rébellion, quelle que soit la pitié que puisse inspirer son infortune; et s'il n'est convaincu d'aucun autre crime, bien que la loyale confrérie ait le devoir et l'obligation de désavouer sa rébellion, pour ne provoquer aucune inquiétude ni suspicion politique de la part du gouvernement au pouvoir, il ne peut pas être chassé de la Loge et ses relations avec elle demeurent indissolubles.

III. Des Loges.

Une Loge est un lieu où des Maçons s'assemblent pour travailler : d'où le nom de Loge qui est donné à l'Assemblée ou à la Société de Maçons régulièrement organisée, et l'obligation pour chaque Frère d'appartenir à l'une d'elles et de se soumettre à ses règlements particuliers ainsi qu'aux Règlements Généraux. La Loge est soit particulière, soit générale et plus on la fréquente, mieux on la comprend, de même que les Règlements de la Loge générale ou Grande Loge annexés ci- après.

Dans les temps anciens, aucun Maître ou Compagnon ne pouvait s'en absenter, spécialement lorsqu'il y avait été convoqué, sans encourir une sévère censure à moins que le Maître ou les Surveillants n'aient constaté qu'il en avait été empêché par une impérieuse nécessité.

Les personnes admises comme membres d'une Loge doivent être des hommes bons et loyaux, nés libres, ayant l'Age de la maturité d'esprit et de la prudence, ni serfs ni femmes ni hommes immoraux ou scandaleux, mais de bonne réputation.

IV. Des Maîtres, Surveillants, Compagnons et Apprentis.

Toute promotion parmi les Maîtres Maçons est fondée uniquement sur la valeur réelle et sur le mérite personnel; afin que les Seigneurs puissent être bien servis, que les Frères ne soient pas exposés à l'humiliation et que l'Art Royal ne soit point décrié : pour cela aucun Maître ou Surveillant n'est choisi à l'ancienneté, mais bien pour son mérite.

Il est impossible de dépeindre ces choses par écrit, chaque Frère doit rester à sa propre place et les étudier selon les méthodes particulières de cette Confrérie.

Tout ce que les candidats peuvent savoir c'est qu'aucun Maître n'a le droit de prendre un Apprenti s'il n'a pas un travail suffisant à lui fournir et s'il n'est pas un jeune homme parfait ne souffrant d'aucune mutilation ou tare physique qui puisse l'empêcher d'apprendre l'Art et de servir le Seigneur de son Maître et de devenir un Frère, puis un Compagnon en temps voulu après avoir durant le nombre d'années fixé par la coutume du pays; et s'il n'est issu de parents honnêtes; ceci afin qu'après avoir acquis les qualités requises il puisse parvenir à l'honneur d'être le Surveillant, puis le Maître de la Loge, le Grand Surveillant et enfin, selon son mérite, le Grand Maître de toutes les Loges.

Nul Frère ne peut être Surveillant avant d'avoir passé le degré de Compagnon; ni Maître avant d'avoir occupé les fonctions de Surveillant; ni Grand Surveillant avant d'avoir été Maître d'une Loge, ni Grand Maître s'il n'a pas été Compagnon avant son élection. celui-ci doit être, en outre, de noble naissance ou Gentilhomme de bonnes manières ou quelque Savant éminent ou quelque Architecte distingué ou quelque autre Homme de l'Art d'une honnête ascendance et jouissant d'une grande Estime personnelle dans l'Opinion des Loges.

Et afin de pouvoir s'acquitter le plus utilement, le plus aisément et le plus honorablement de son Office, le Grand Maître détient le pouvoir de choisir son propre Député Grand Maître qui doit être alors ou avoir été précédemment le Maître d'une Loge particulière et qui a le Privilège d'agir comme le ferait le Grand Maître lui-même, son Commettant, sauf quand le dit Commettant est présent ou qu'il manifeste son Autorité par une Lettre.

Ces Administrateurs et Gouverneurs, supérieurs et subalternes de la Loge ancienne, doivent être obéis dans leurs Fonctions respectives par tous les Frères, conformément aux Anciennes Obligations et règlements, en toute humilité, révérence, amour et diligence.

V. De la Direction du Métier pendant le Travail.

Tous les Maçons travailleront honnêtement pendant les jours ouvrables afin de profiter honorablement des jours de fête; et l'horaire prescrit par la Loi du Pays ou fixé par la coutume sera respecté.

Le Compagnon Maçon le plus expert sera choisi ou délégué en qualité de Maître ou Surintendant des travaux du Seigneur; ceux qui travaillent sous ses ordre l'appelleront Maître.

Les Ouvriers doivent éviter tout langage déplacé, et ne point se donner entre eux de sobriquets désobligeants, mais s'appeler Frère ou Compagnon; et se conduire avec courtoisie à l'intérieur de la Loge.

Le Maître, confiant en son habileté, entreprendra les travaux du Seigneur aussi raisonnablement que possible et tirera parti des matériaux comme s'ils étaient à lui, ne donnant à aucun Frère ou Apprenti plus que le salaire qu'il mérite vraiment.

Le Maître et les Maçons recevant chacun leur juste salaire seront fidèles au Seigneur et achèveront leur Travail consciencieusement, qu'il soit à la tâche ou à la journée; et ils n'effectueront pas à la tâche l'ouvrage qu'on a l'habitude de faire à temps.

Nul ne se montrera envieux de la prospérité d'un Frère ni ne le supplantera, ni ne l'écartera de son travail s'il est capable de le mener à bien; car personne ne peut achever le travail d'autrui, à l'avantage du Seigneur, sans être parfaitement au courant des projets et conceptions de celui qui l'a commencé.

Quand un Compagnon Maçon est désigné comme Surveillant des Travaux sous la conduite du Maître, il sera équitable tant à l'égard du Maître que des Compagnons, surveillera avec soin le travail en l'absence du Maître dans l'intérêt du Seigneur; et ses Frères lui obéiront.

Tous les Maçons employés recevront leur salaire uniment, sans Murmure ni Révolte, et ne quitteront pas le Maître avant l'achèvement du travail.

On instruira un Frère plus jeune dans le travail pour que les matériaux ne soient point gâchés par manque d'expérience et pour accroître et consolider l'amour Fraternel.

On n'utilisera dans le travail que les outils approuvés par la Grande Loge.

Aucun Manoeuvre ne sera employé aux travaux propres à la Maçonnerie; et les Francs-Maçons ne travailleront pas avec ceux qui ne sont pas francs, sauf nécessité impérieuse; et ils n'instruiront ni les Manoeuvres ni les Maçons non acceptés, comme ils instruiraient un Frère ou un Compagnon.

VI. De la Conduite.

1. Dans la Loge quand elle est Constituée.

Vous ne devez pas tenir de Réunions privées, ni de conversations à part sans autorisation du Maître, ni parler de choses inopportunes ou inconvenantes; ni interrompre le Maître, ou les Surveillants ni aucun Frère parlant au Maître: ne vous conduisez pas non plus de manière ridicule ou bouffonne quand la Loge traite de choses sérieuses et solennelles; et sous aucun prétexte n'usez d'un langage malséant; mais manifestez à votre Maître, à vos Surveillants et à vos Compagnons la déférence qui leur est due et entourez-les de respect.

Si quelque plainte est déposée, le Frère reconnu s'inclinera devant le jugement et la décision de la Loge, qui est le seul Juge compétent pour tous ces différents (sous réserve d'Appel devant la Grande Loge), et c'est à elle qu'il doit être déféré, à moins que le travail d'un Seigneur ne risque d'en souffrir, dans lequel cas il serait possible de recourir à une procédure particulière; mais les affaires Maçonniques ne doivent jamais être portées en justice, à moins d'absolue nécessité dûment constatée par la Loge.

2. Conduite après fermeture de la Loge et avant le départ des Frères.

Vous pouvez jouir d'innocents plaisirs, vous traitant réciproquement suivant vos moyens, mais en évitant tout excès et en n'incitant pas un Frère à manger ou à boire plus qu'il n'en a envie, en ne le retenant pas lorsque ses affaires l'appellent, en ne disant et en ne faisant rien d'offensant ou qui puisse interdire une conversation aisée et libre; car cela détruirait notre harmonie, et ruinerait nos louables desseins.

C'est pourquoi aucune brouille ni querelle privée ne doit passer le seuil de la Loge, et moins encore quelque querelle à propos de la religion, des nations ou de la politique car comme Maçons nous sommes seulement de la religion Catholique mentionnée ci-dessus; nous sommes aussi de toutes nations, idiomes, races et langages et nous sommes résolument contre toute politique comme n'ayant jamais contribué et ne pouvant jamais contribuer au bien-être de la Loge.

Cette obligation a toujours été strictement prescrite et respectée; surtout depuis la réforme en Grande-Bretagne, ou la séparation et la sécession de ces nations de la communion de Rome.

3. Conduite quand les Frères se rencontrent sans présence étrangère mais hors d'une Loge Constituée.

Vous devez vous saluer réciproquement de manière courtoise, comme on vous l'enseignera, vous appelant mutuellement Frère, échangeant librement les instructions que vous jugerez utiles, sans être vus ni entendus, sans prendre le pas l'un sur l'autre, ni manquer aux marque de respect qui seraient dues à un Frère, s'il n'était pas Maçon: car quoique les Maçons en tant que Frères soient tous sur un pied d'égalité, la Maçonnerie ne prive pas un homme des honneurs auxquels il avait droit auparavant; bien au contraire, elle ajoute à ces honneurs, spécialement lorsqu'il a bien mérité de la fraternité qui se plaît à honorer ceux qui le méritent et à proscrire les mauvaises manières.

4. Conduite en présence d'Étrangers non Maçons.

Vous serez circonspects dans vos propos et dans votre comportement, pour que l'étranger le plus perspicace ne puisse découvrir ni deviner ce qu'il ne doit pas connaître, et vous aurez parfois à détourner la conversation et à la conduire prudemment pour l'honneur de la vénérable fraternité.

5. Conduite chez vous et dans votre entourage.

Vous devez agir comme il convient à un homme sage et de bonnes moeurs; en particulier n'entretenez pas votre famille, vos amis et voisins des affaires de la Loge, etc., mais soyez particulièrement soucieux de votre propre honneur, et de celui de l'ancienne fraternité, ceci pour des raisons qui n'ont pas à être énoncées ici.

Ménagez aussi votre santé en ne restant pas trop tard ensemble ou trop longtemps dehors, après les heures de réunion de la Loge; et en évitant les excès de chair ou de boisson, afin que vos familles ne souffrent ni désaffection ni dommage, et que vous-même ne perdiez pas votre capacité de travail.

6. Conduite envers un Frère étranger.

Vous devez l'éprouver consciencieusement de la manière que la prudence vous inspirera, afin de ne pas vous en laisser imposer par un Imposteur ignorant, que vous devez repousser avec mépris et dérision, en vous gardant de lui dévoiler la moindre connaissance.

Mais si vous le reconnaissez comme un Frère authentique et sincère, vous devez lui prodiguer le respect qu'il mérite; et s'il est dans le besoin, vous devez le secourir si vous le pouvez, ou lui indiquer comment il peut être secouru: vous devez l'employer pendant quelques jours ou le recommander pour qu'on l'emploie.

Vous n'êtes pas obligé de faire plus que vos moyens ne vous le permettent mais seulement dans des circonstances identiques, de donner la préférence à un Frère pauvre, qui est un homme bon et honnête, avant toute autre Personne dans le besoin.

Enfin, toutes ces Obligations doivent être observées par vous, de même que celles qui vous seront communiquées d'autre manière; cultivez l'amour fraternel, fondement et clé de voûte, ciment et gloire de cette ancienne fraternité, repoussez toute dispute et querelle, toute calomnie et médisance, ne permettez pas qu'un Frère honnête soit calomnié, mais défendez sa réputation, et fournissez-lui tous les services que vous pourrez, pour autant que cela soit compatible avec votre honneur et votre sûreté, et pas au-delà.

Et si l'un d'eux vous fait tort, vous devez recourir à votre propre Loge ou à la sienne, ensuite vous pouvez en appeler à la Grande Loge en assemblée trimestrielle, et ensuite à la Grande Loge annuelle, selon l'ancienne et louable coutume de nos ancêtres dans chaque nation; n'ayez jamais recours à un procès en justice sinon quand l'affaire ne peut pas être tranchée autrement, et écoutez patiemment les Conseils du Maître et des Compagnons lorsqu'ils veulent vous éviter de comparaître en justice avec des profanes ou vous inciter à mettre un terme rapide à toutes procédures, ceci afin que vous puissiez vous occuper des affaires de la Maçonnerie avec plus d'alacrité et de succès; mais en ce qui concerne les Frères ou Compagnons en procès, le Maître et les Frères doivent offrir bénévolement leur médiation, à laquelle les Frères en opposition doivent se soumettre avec gratitude; et si cet arbitrage s'avère impraticable, ils doivent alors poursuivre leur Procès ou Procédure Légale, sans aigreur ni rancune (contrairement à l'ordinaire) en ne disant et en ne faisant rien qui puisse altérer l'amour fraternel, et les bonnes relations doivent être renouées et poursuivies; afin que tous puissent constater l'influence bienfaisante de la Maçonnerie, ainsi que tous les vrais Maçons l'ont fait depuis le commencement du Monde et le feront jusqu'à la fin des temps.

AMEN. AINSI SOIT-IL.

Les modifications anglaises de 1738 et de 1813.

L'article premier des "Constitutions d'Anderson" fut modifié à deux reprises en Angleterre. Du point de vue des Anglais, il s'agissait de préciser la première rédaction et d'éviter des dérives dans son interprétation.

Du point de vue de la majorité des Obédiences françaises, ces modifications sont au contraire perçues comme une restriction de l'Universalisme Maçonnique qu'elles refusent.

Ce débat n'est pas simple.

Il est vraisemblable que la rédaction d'Anderson soit allée au-delà des traditions maçonniques opératives.

Elle a d'ailleurs suscité de sérieuses controverses en Angleterre dès sa parution.

Que doit-on faire primer ?

L'ancienne Tradition, qui, compte-tenu du contexte de l'époque, pouvait difficilement ne pas être théiste, ou au contraire ce que d'autres appellent le "projet andersonnien", qui autorise une très large liberté de conscience ?

Peut-on par exemple conférer l'initiation maçonnique à des gens qui se retrouvent dans la pensée de Spinoza ou dans celle de Confucius ?

 Peut-on même accepter ceux qui croient en Dieu, sans pour autant avoir la certitude que Dieu est personnel et révélé ?

Peut-on enfin initier en Franc-Maçonnerie des agnostiques ?, des athées ?

Les réponses sont différentes ... comme le sont les Obédiences.

Notons cependant qu'on trouve quelques agnostiques et même peut-être quelques athées jusque dans les rangs de certaines obédiences reconnues par l'UGLE, mais ceci est une autre histoire...

A vous de vous faire votre opinion. Voici les documents:


L'article 1 des Constitutions d'Anderson (1723):

Un MAÇON est obligé par sa Tenure d'obéir à la Loi morale et s'il comprend bien l'Art, il ne sera jamais un Athée stupide, ni un Libertin irréligieux.

Mais, quoique dans les Temps anciens les Maçons fussent astreints dans chaque pays d'appartenir à la Religion de ce Pays ou de cette Nation, quelle qu'elle fût, il est cependant considéré maintenant comme plus expédient de les soumettre seulement à cette Religion que tous les hommes acceptent, laissant à chacun son opinion particulière, et qui consiste à être des Hommes bons et loyaux ou Hommes d’honneur et de Probité, quelles que soient les Dénominations ou Croyances qui puissent les distinguer; ainsi, la Maçonnerie devient le Centre d'Union et le Moyen de nouer une véritable Amitié parmi des Personnes qui eussent-dû-demeurer-perpétuellement-Eloignées.

Le texte de 1738:

(Ce texte est modifié à l'occasion de la transformation de la Grande Loge de Londres en Grande Loge d'Angleterre).

Un maçon est obligé par sa tenure d'obéir à la loi morale en tant que véritable noachite et s'il comprend bien le métier, il ne sera jamais un athée stupide, ni un libertin irréligieux, ni n'agira à l'encontre de sa conscience.

Dans les temps anciens, les maçons chrétiens étaient tenus de se conformer aux coutumes chrétiennes de chaque pays où ils voyageaient.

Mais la maçonnerie existant dans toutes les nations, même de religions diverses, ils sont maintenant tenus d'adhérer à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d'accord (laissant à chaque frère ses propres opinions) c'est à dire être hommes de bien et loyaux, hommes d'honneur et de probité, quels que soient les noms, religions ou confession qui aident à les distinguer: car tous s'accordent sur les trois articles de Noé assez pour préserver le ciment de la Loge.

Ainsi la maçonnerie est leur centre de l'union et l'heureux moyen de concilier des personnes qui, autrement, n'auraient pu que rester perpétuellement étrangères.

Le texte de 1813:

(A la fin de la très longue scission entre les "Anciens" et les "Moderns", les deux courants se réunifient en formant l'actuelle Grande Loge Unie d'Angleterre qui inclut le texte suivant dans ses nouvelles constitutions:)

Concernant Dieu et la religion: un maçon est obligé, de par sa tenure, d'obéir à la loi morale et s'il comprend bien l'Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux.

De tous les hommes, il doit le mieux comprendre que Dieu voit autrement que l'homme car l'homme voit l'apparence extérieure alors que Dieu voit le cœur.

Un maçon est par conséquent particulièrement astreint à ne jamais agir à l'encontre des commandements de sa conscience.

Quelle que soit la religion de l'homme ou sa manière d'adorer, il n'est pas exclu de l'Ordre, pourvu qu'il croie au glorieux Architecte du ciel et de la terre et qu'il pratique les devoirs sacrés de la morale.

Les maçons s'unissent aux hommes vertueux de toutes les croyances dans le lien solide et agréable de l'amour fraternel, on leur apprend à voir les erreurs de l'humanité avec compassion et à s'efforcer, par la pureté de leur propre conduite, de démontrer la haute supériorité de la foi particulière qu'ils professent...

http://www.jacquesfortier.com/Zweb/JF/Lectures/0000330000015.jpg

Les archives secrètes du Vatican et de la Franc-Maçonnerie
José A. Ferrer, Benimelli

Les règlements et les rituels de la Franc-maçonnerie médiévale - qui s'enracine dans la tradition des corporations de tailleurs de pierre, bâtisseurs de cathédrales - en attestent l'esprit chrétien et la volonté de n'admettre dans ses rangs que des artisans respectueux de la morale et des dogmes de l'lEglise catholique et romaine.
 

Comment une telle institution a-t-elle pu mériter l'excommunication fulminée par le pape Clément XII ?
 

Dans ce gigantesque travail de recherche à travers les Archives secrètes du Vatican et de toute l'Europe, J. A. Ferrer-Benimeli, professeur à l'Université de Saragosse, montre l'extrême complexité des relations de l'Église avec la Franc-maçonnerie, et comment des thèses abusivement simplificatrices ont entretenu la méfiance et l'opposition des catholiques à l'égard d'une société fraternelle dont les adhérents, pour la plupart, n'ont jamais songé à comploter la ruine du trône et de l'autel.

A ce jour le travail le plus documenté sur ce sujet, désormais un document indispensable et incontournable.

ÉSOTÉRISME - ÉSOTÉRIQUE. Vient du grec esoterikos : de l'intérieur, de eso : au-dedans (Robert).

Selon l'usage courant, est dite ésotérique toute connaissance transmise par tradition orale uniquement à des adeptes qualifiés, ce qui entraîne le « secret » à l'égard de toute autre personne. Par extension s'applique à tout mode d'expression qui ne peut être compris que par de tels adeptes - ce qui est souvent utilisé avec une nuance péjorative quand il s'agit du langage.

Le substantif peut être employé absolument. Dans ce cas, il s'applique au contenu du message et non à son code de transmission; mais il implique alors que tout ce qui est transmis constitue un unique a corps de doctrine n identique dans tous les temps et dans tous les pays, puisqu'on observe une transmission secrète aussi bien en Occident qu'en Orient ou en Afrique. Cela supposerait alors justifiée la thèse de Guénon sur la « tradition primordiale ».

Discuter cette thèse, cela va de soi, ne saurait se faire ici. Cependant, on peut se poser la question de savoir pourquoi cette universalité du phénomène (et même sa réapparition permanente) d'autant plus qu'il est aussi employé avec un adjectif spécifiant une tradition particulière.

Le secret impliqué par la tradition orale (ou, par l'emploi d'un langage à clef) n'est en l'occurrence qu'une conséquence logique du but qui est de fournir une information uniquement à des « adeptes qualifiés ».

Est donc centrale l'idée que certaines choses ne peuvent être confiées à tout le monde, idée qu'on trouve déjà dans l'Évangile (cf. « Ne jetez pas les perles aux pourceaux », et quelques autres passages), ce qui fonde l'hypothèse d'un ésotérisme chrétien, et plus précisément johannique. La base de cette idée c'est que toute connaissance confère un pouvoir soit sur les choses, soit sur les êtres et notamment les humains.

Il faut naturellement écarter ici le cas particulier du projet qui ne peut réussir que s'il reste secret : ce qui explique aussi bien l'argot des truands que la cryptographie des diplomates et des militaires, bien que cela ait pu concerner aussi certaines sociétés initiatiques (pythagoriciens, Templiers par exemple); la transgression du secret par un adepte non a qualifié » confère alors à son interlocuteur le pouvoir de faire échouer le projet en le dénonçant. Là encore, nous rencontrons le symbole évangélique de Judas qui illustre le fait que tout pouvoir civil est ennemi par principe de tout « ésotérisme n - ce que confirme aussi bien l'histoire des pythagoriciens que celle des Francs-Maçons.

On peut d'ailleurs le comprendre dans la mesure où le principe de tout ésotérisme pourrait être synthétisé dans le mot célèbre : « Tout pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument n, qui est sur le plan profane la meilleure justification de la démocratie - et qui n'est finalement que le corollaire du mot de Rabelais : c< Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »

Ainsi, à ce stade de l'analyse, l'ésotérisme concernerait un corps de connaissance dont l'efficacité pratique serait telle que seule la haute valeur morale de ses détenteurs pourrait en garantir un emploi utile pour l'humanité (ou sa non-utilisation provisoire). C'est la thèse de ceux qui pensent qu'il y eut une alchimie matérielle conjointe à l'alchimie spirituelle.

On peut d'ailleurs effectivement se demander si, par exemple, l'humanité n'aurait pas gagné à ce que la connaissance de l'atome n’eût été transmise qu'à des «adeptes qualifiés».

Mais, de la même préoccupation procède tout l'occultisme.

Si donc l'ésotérisme est autre chose que l'occultisme, il faut pousser l'analyse plus loin que le seul stade du pouvoir conféré à l'adepte sur ou dans le monde profane par la possession d'une «technique», pouvoir qui implique que l'on soit sûr qu'au niveau de la finalité de ses actes, l'adepte présente la qualification, c'est-à-dire une éthique.

Cela pose alors le problème de l'accession à cette qualification et aussi de sa vérification.

C'est ici que l'on atteint, semble-t-il, à l'essence même de l'ésotérisme et à sa nécessité.

En effet, l'éthique ne s'enseigne pas, elle se pratique. On ne la récite pas, on en témoigne. Elle se situe donc entièrement au niveau du vécu, tant dans l' « apprentissage» que dans sa «manifestation».

Il faut en effet distinguer cette éthique supérieure de l'homme qui se situe au niveau des finalités et des valeurs et la morale qui est conformité des actes à une norme de comportement.

Or, l'adepte doit, au contraire, être capable de se passer de normes faites pour résoudre les problèmes concrets de la vie sociale : celles-ci ne servent à rien face à des situations par hypothèse exceptionnelles puisque l'adepte détiendra des pouvoirs hors du commun.

Bien au contraire, le «conditionnement moral» risquerait d'être dangereux. La psychologie moderne l'a confirmé du fait de comportements réactionnels d'origine inconsciente qu'il engendre.

Il ne s'agit donc pas de changer l'homme mais de le a restituer » dans son authenticité... qui le qualifiera ou non.

C'est donc une «psychagogie» - et non une simple pédagogie qui doit en quelque sorte «organiser le vécu» de l'adepte : celui-ci doit vivre authentiquement des situations propres à lui permettre de se «qualifier » et de prouver sa « qualification ».

Or, ces situations doivent être « fabriquées » et ordonnancées dans le «temps » pour permettre la progression, le cheminement, après cette « mise en route » qu'est l'initiation.

Selon le mot de Camus « il faut faire comme si... » pour que la personne se dépouille du personnage.

Et la première condition pour qu'elles soient vécues, c'est que l'initié les affronte comme la vie, c'est-àdire sans savoir d'avance ce qui va se passer. Tout ésotérisme est donc une série d'épreuves nécessairement secrètes suivies d'une méditation de l'adepte sur son propre vécu. Méditation appuyée sur un dialogue qui ne doit fournir qu'ut « miroir » et non pas une « instruction » .

Est-ce à dire alors qu'il n'y a pas de « connaissance »? Ici sans doute ~,e situe le point clef : si nous ne voyons pas quelque chose qui existe, est-ce parce qu'elle est invisible ou parce que nous ne sommes pas capables de la voir? Si un homme endormi ne voit pas les choses, c'est parce qu'il dort et non pas parce qu'elles ne sont pas présentes à ses côtés.

Restitué à lui-même, l'adepte est restitué au monde. On ne décrit pas le monde à un aveugle, on lui rend la vue.

Tout ésotérisme repose donc finalement sur le principe de l'éveil.

Par là, il débouche toujours sur une vision du monde et non sur une « conception » du monde. Il est au sens premier métaphysique et non théologique ou « philosophique ».

Par là aussi, il ne saurait être mystique et les « mystères » ne sont en ésotérisme que les cheminements offerts à l'initié mais ne concernent pas la réalité du monde.

Tout ésotérisme est, dans sa finalité, « rationnel ». C'est sans (Joute pourquoi il retrouve la pointe extrême de la science moderne où l'observateur et l'observé se mêlent et se conditionnent mutuellement.

Dès lors, le « pouvoir » obtenu ne serait-il passimplement celui de qui voit mieux, qui entend mieux que les autres.

(Ph. C.)  (SOURCE DICTIONNAIRE DE LA FRANC-MACONNERIE).