Bizarre, non ?
Vous connaissez le billet d'un dollar. Il porte
plusieurs symboles qui ont toujours semblé assez étranges.
La pyramide, par exemple, est un symbole maçonique classique.
On la voit, à gauche, sur l'image ci-après :
http://www.jacquesfortier.com/Zweb/JF/Lectures/dollar.gif
Billet d'un dollar
Et maintenant cette pyramide, grossie :
http://www.jacquesfortier.com/Zweb/JF/Lectures/nouvel_ordre_mondial.gif
L'icône qui se trouve sur le dos du billet
d'un dollar américain. Elle porte deux inscriptions en latin. Les
voici, avec leur signification :
En bas :
NOVUS ORDO SECLORUM qui signifie :
" Nouvel ordre pour des siècles "
En haut :
ANNUIT COEPTIS qui signifie : " Notre
projet sera couronné de succès ".
Simple information, en passant.
http://www.jacquesfortier.com/Zweb/JF/Lectures/pyramide.jpg
Les symboles maçonniques : oeuvre de Baylac
http://www.jacquesfortier.com/Zweb/JF/Lectures/histo.jpg
1) les origines
Au XIIIè et au XIVè siècles, les corporations d'ouvriers
étaient réparties à travers toute l'Europe chrétienne.
Le premier atelier de tailleurs de pierre avait été fondé
en l'an 1015, à Strasbourg.
A cette époque, les corporations d'ouvriers étaient sous
l'influence des ordres ecclésiastiques; elles commencèrent
à se libérer vers le XIVè siècle.
Les ouvriers maçons bâtirent les cathédrales de
Cologne, de Strasbourg, de Saint-Denis et bien d'autres. Ils laissaient
leurs marques sur la pierre.
Ainsi dans le dôme de Wurtzbourg, devant la porte de la Chambre
des Morts, on peut encore lire les mots "Jakin" et "Booz" sur les chapiteaux
des deux colonnes. Il s'agit d'un hommage au temple de Salomon, oeuvre
légendaire décrite dans la Bible au sein du "livre des Rois"
.
Le Manuscrit Regius (1390) est le plus ancien document maçonnique
connu, il témoigne de l'art du métier et de l'attachement
des ouvriers maçons à la religion et à la géométrie
:
Ici commencent les statuts de l'art de géométrie selon
Euclide
Quiconque voudra bien lire et regarder
Pourra trouver dans un vieux livre
L'histoire de grands seigneurs et de grandes dames
Qui, certes, avaient beaucoup d'enfants,
Et n'avaient pas de revenus pour les entretenir
Ni en ville, ni aux champs, ni dans les bois.
Ils tinrent donc conseil ensemble
Pour l'amour de ces enfants, afin de décider
Comment ils pourraient au mieux mener leur vie
Sans grand inconfort, sans souci et sans lutte.
Ce qui les préoccupait le plus, c'était le sort des
descendants
De ces enfants, après leur mort.
Ils envoyèrent alors chercher de grands clercs
Pour leur enseigner de bons métiers.
"Et nous les prions, pour l'amour de Notre Seigneur,
De donner à nos enfants un travail
Qui leur permette de gagner leur vie
De façon décente et honnête, en toute sécurité."
C'est alors que, grâce à la bonne géométrie,
Cet honnête métier qu'est la bonne maçonnerie
Fut ainsi constitué et créé,
Et mis au point en commun avec ces clercs.
Sur la prière de ces seigneurs, ils firent sur le modèle
de la géométrie
Un art qu'ils nommèrent maçonnerie,
Entendant en faire le plus honnête des métiers.
Il amusant de noter que le même Regius mentionnait l'admission
des femmes dans les premières loges opératives (celles des
bâtisseurs) :
L'article dix vous fait connaître,
A tous, petits et grands dans le métier,
Qu'un maître n'en doit jamais évincer un autre,
Mais que doivent vivre ensemble comme frères et soeurs,
Dans notre métier exigeant, tous ceux, tant qu'ils sont,
Qui travaillent sous l'autorité d'un maître maçon.
(La franc-maçonnerie : documents fondateurs. Paris : l'Herne)
http://www.jacquesfortier.com/Zweb/JF/Lectures/TH05004francsmacons.jpg
Les francs-maçons conservateurs qui croient pouvoir se réfugier
derrière les Constitutions d'Anderson (1723) pour refuser
la présence des femmes en loges sont donc dans l'erreur.
Et de renforcer ce constat en mentionnant les corporations de Chester
(1327), d'York (1350) la Guilde des Charpentiers de Norwich (1375) et les
statuts de la loge d'York (1693) qui comprennent le mot "soeurs" ou "celle"
dans leurs textes ; CQFD.
Le Regius, d'origine anglaise est également appelé
Manuscrit royal. Il renseigne sur l'organisation du métier de maçon
sans que le mot "free-mason" soit mentionné.
Le terme franc-maçon, apparaît pour la première
fois lors d'une rencontre à Ratisbonne en 1459 de toutes les loges
compagnonniques du Saint-Empire germanique qui s'unissaient dans une Fédération
chargée d'unifier les grades et les rites.
L'empereur germain ayant accordé à cette fédération
des privilèges spéciaux, des « franchises »,
ses membres prirent le nom de Frei-Maurer, c'est-à-dire francs-maçons.
De tels faits s'étaient produits bien antérieurement en
Angleterre où on parlait, au XIIIè siècle, des free
stone masons pour désigner les maçons initiés qui
savaient tailler et travailler la pierre.
a) La franc-maçonnerie : fille du compagnonnage ?
L'origine compagnonnique de la franc-maçonnerie est une des thèses
répandues par les historiens.
De fait, on retrouve dans la franc-maçonnerie la plupart des
symboles utilisés pendant plus de mille ans par les compagnons du
Devoir.
Les grades sont restés longtemps les mêmes : apprentis,
compagnons et maîtres.
La légende des origines est identique : les francs-maçons
se disent « Enfants de la Veuve », car ils s'identifient à
Hiram, maître architecte du Temple de Salomon et fils d'une veuve
de Tyr.
Le meurtre d'Hiram par des mauvais compagnons deviendra d'ailleurs le
mythe fondateur de la philosophie maçonnique comme on le verra plus
loin.
Quant aux symboles, l'équerre et le compas sont les insignes
des deux Fraternités.
b) De la franc-maçonnerie « opérative
» à la franc-maçonnerie "spéculative" ?
Cependant, l'origine compagnonnique de la franc-maçonnerie est
controversée et de récentes études penchent pour d'autres
hypothèses.
André Combes, historien et franc-maçon, pense que la maçonnerie
de métier a disparu sur le continent européen à la
fin du Moyen-Age. Il n'aurait plus subsisté que quelques loges allemandes
de tailleurs de pierre à l'aube du XVIIIè siècle.
Selon cet historien, la maçonnerie professionnelle aurait survécu
en Angleterre et en Ecosse.
Elle se serait adaptée à son époque après
la construction des dernières cathédrales. Pour survivre,
les loges auraient admises en leur sein des bourgeois et des nobles.
Ces notables étaient désireux de percer les « secrets
» du métier. Ils vont transformer la franc-maçonnerie
opérative , celle de la pierre, en franc-maçonnerie spéculative
celle de la philosophie. Les ouvriers appellent les nouveaux membres issus
de la bourgeoisie les maçons acceptés.
Ces francs-maçons d'un nouveau genre vont s'efforcer de construire
une société meilleure selon les plans du Grand Architecte
de l'Univers, leur guide spirituel.
Les secrets de la franc-maçonnerie qui étaient liés
aux métiers de tailleur de pierre ou d'architecte vont être
remplacés par les mystères en vogue.
Les « maçons acceptés » vont introduire l'alchimie,
la kabbale, les principes réformateurs de la Rose-Croix (ordre ésotérique
allemand inventé par un homme de lettres mystérieux dénommé
Christian Rosencreutz) et d'autres doctrines hermétistes.
La philosophie maçonnique s'enrichit et la loge devient un lieu
de rencontre en vogue.
Les catholiques y côtoient les protestants et les déistes
qui croient en un dieu non révélé : le Grand Architecte
de l'Univers.
A la suite de ces réformes, quatre loges londoniennes se réunissent
en 1717 pour former la Grande Loge de Londres.
Les francs-maçons élisent un Grand-Maître : Anthony
Sayer en 1717. En 1719, Jean-Théophile Désaguliers, physicien
et fils de huguenot français est le nouveau Grand-Maître.
Désaguliers et le pasteur James Anderson rédigent ensemble
les Constitutions d'Anderson (1723).
Ces constitutions forment le manifeste de la franc-maçonnerie
spéculative.
En ce qui concerne la religion, les constitutions sont révolutionnaires
car elles tolèrent toutes les opinions particulières et inventent
une nouvelle « croyance » : l'amitié qui s'exprime par
la sincérité et la bonté :
Un Maçon est obligé, en vertu de son Titre, d'obéir
à la Loi morale ; et s'il entend bien l'Art, il ne sera jamais un
Athée stupide, ni un Libertin sans Religion. Dans les anciens Temps
les Maçons étaient obligés dans chaque Pays de professer
la Religion de leur Patrie ou Nation quelle qu'elle ; Mais aujourd'hui,
laissant à eux mêmes leurs opinions particulières,
on trouve plus à propos de les obliger seulement à suivre
la Religion, sur laquelle tous les Hommes sont d'accord. Elle consiste
à être bons, sincères, modestes et gens d'honneur,
par quelque Dénomination ou Croyance particulière qu'on puisse
être distingué : d'où il s'ensuit que la Maçonnerie
est le Centre de l'Union et le Moyen de concilier une sincère Amitié
parmi des Personnes, qui n'auraient jamais pu sans cela se rendre familières
entre elles.
Les Constitutions ne sont donc pas les lois d'une Eglise quelconque
puisqu'elles transcendent toutes les religions.
On oblige nullement le maçon à être positivement
un croyant. Il est indiqué que s'il entend bien l'art , le maçon
ne sera pas un incroyant mais un déiste.
Cette réforme est tellement révolutionnaire qu'elle sera
éliminée en 1738.
Les maçons anglais institueront la croyance en un Dieu unique
révélé et refuseront de reconnaître pour leurs
« frères » tous les maçons athées ou agnostiques
d'où qu'ils viennent.
De ce principe traditionnaliste (on dit également landmark) les
francs-maçons anglais se proclameront les garants et distribueront
les patentes de régularité ou d'irrégularité
aux loges du monde entier selon la position qu'elles adopteront.
Ainsi, toute obédience qui reconnait la liberté absolue
de conscience est "mise à l'index" par la Grande Loge Unie d'Angleterre,
véritable "Vatican maçonnique".
Les réformes noachites des Constitutions de 1738 sont jugés
par les francs-maçons modernistes comme une régression dogmatique.
Les maçons conservateurs tentent d'expliquer les prescriptions
des Constitutions de 1738 par le souci d'intégrer à la franc-maçonnerie
des profanes qui seraient israélites ou musulmans ce qui est sans
aucun doute une belle idée. Il est regretable qu'en l'an 2000, la
branche traditionaliste (majoritaire) de la franc-maçonnerie exclue
les athées et les femmes tout en déclarant vouloir rassembler
ce qui est épars.
N'est-ce pas contradictoire ?
c) La franc-maçonnerie : création des
rosicruciens et des hermétistes ?
La thèse la plus récente quant à l'origine de la
franc-maçonnerie a été lancée par Jean-Michel
Mathonière, spécialiste du Compagnonnage.
Selon lui la franc-maçonnerie aurait été créée
de toutes pièces au XVIIIè siècle par des hermétistes,
des rosicruciens et des kabbalistes, passionnés d'architecture.
Exit la théorie de la transition des maçons de métiers
aux francs-maçons de pensée.
La thèse de Mathonière s'appuie sur les textes rosicruciens.
La Rose-Croix, philosophie germanique issue de la Réforme, décrivait
dès le XVIIè siècle, une société harmonieuse,
dirigée par un cercle d'initiés.
On trouve des traces de cette philosophie dans le manifeste rose-croix
Fama fraternitatis (1614) rédigé par Christian Rosencreutz
et également dans la Nova Atlantis (1627) de Francis Bacon.
La Nova Atlantis est un roman utopique qui évoque le rêve
d'une société idéale. La trame est assez simple mais
révèle la philosophie humaniste qui imprégna Bacon
: Des naufragés guidés par une croix céleste parviennent
à l'île de Bensalem. Ils y trouvent une société
initiatique idéale.
A la suite d'une série d'entretiens avec les bensalemiens, puis
avec le juif Joabin, cabaliste, les naufragés tombent amoureux de
cette île paradisiaque.
Au sein de Bensalem se trouve une société secrète
dont les membres recherchent les causes et les vertus cachées de
la nature, afin de développer l'esprit humain.
Les dirigeants de cette société secrète s'appellent
les Marchands de Lumière, ils se réunissent régulièrement
afin de mieux connaître la nature humaine. Indubitablement, la société
bensalémienne ressemble à la franc-maçonnerie.
Les Marchands de Lumière peuvent être aisément comparés
aux Fils de la Lumière (une des nombreuses dénominations
qui caractérisent les francs-maçons).
Il existe donc trois hypothèses quant à l'origine de la
franc-maçonnerie, la seconde semble la plus plausible.
En effet, on imagine mal la franc-maçonnerie, société
complexe par excellence, créée de toutes pièces par
un groupe d'hermétistes. Il a vraisemblablement fallu plusieurs
siècles pour que les maçons de métiers abandonnent
leurs outils au profit de spéculations philosophiques.
Quant à la thèse établissant une filiation entre
la franc-maçonnerie et le compagnonnage, elle ne respecte pas le
sens logique.
En effet, si le compagnonnage avait donné naissance à
la franc-maçonnerie, il aurait été appelé à
disparaître. Il s'agit d'une principe très simple : prenons
l'exemple du papillon.
Quand la chenille forme sa chrysalide, elle évolue et se transforme
en magnifique papillon, c'est alors qu'elle cesse d'exister sous sa forme
primaire. Si la franc-maçonnerie descendait du compagnonnage, comment
peut-on expliquer la pérennité de l'institution compagnonnique
?
Les compagnons auraient logiquement dû disparaître et tel
n'est pas le cas.
2 - Origines de la
Franc-Maçonnerie
Les
origines de la Franc-Maçonnerie font remonter la première
loge au jardin d'Eden ou travaillaient Adam et Ève dans la plus
parfaite égalité, initiés par Dieu en personne...
Dans
cette perspective la mixité se trouve dès l'origine de l'Ordre.
Adam
: Le premier homme d'après la Bible.
Nous
le rencontrons en Maçonnerie sur quatre plans différents.
-
D'après
l'Histoire de la Maçonnerie de Ch. Bernardin, membre du Conseil
de l'Ordre du Grand Orient de France (1909), quinze auteurs maçonniques
remontent à la création du monde et signalent l'existence
d'une loge au paradis terrestre dont notre père Adam aura été
Vénérable, Ève en étant rigoureusement exclue.
Preston écrit très sérieusement que « nous pouvons
trouver trace des fondations de la Maçonnerie dès l'origine
même du monde ». Évidemment, cette affirmation ne peut
avoir qu'un sens symbolique : la Maçonnerie a toujours existé
en puissance.
-
Au
28ème degré du Rite Écossais Ancien et
Accepté, Chevalier du Soleil ou Prince Adepte, le Vénérable
est appelé Adam. « Il porte un sceptre au bout duquel est
un globe en mémoire de ce qu'Adam fut créé et constitué
souverain Roy du Monde » (rituel de 1765). Le thème a hermétique
du Grade est la régénération.
-
Adam
et le thème de la Chute jouent un rôle capital dans la pensée
des Maçons mystiques et ésotéristes du XVIIIème
siècle. Cf. Willermoz, Saint-Martin (Claude de), Martinès
de Pasqually.
-
Adam
Kadmon. Adam céleste (androgyne) opposé par la Kabbale à
l'Adam terrestre qui représente l' «homme idéal ».
Ce terme figure dans certains rituels de Rose-Croix.
D'autres
font remonter la maçonnerie à Salomon, à Jésus,
aux Esséniens, aux Chinois...
Des
auteurs audacieux affirment que la maçonnerie existait avant la
création du monde, une origine extra-terrestre à même
été envisagée.
Tout
cela démontre bien le problème que posent les origines de
l'Ordre maçonnique aux esprits et aux historiens.
Les
Constitutions d'Anderson de 1723 parlent d'une transmission initiatique
ininterrompue depuis Adam à Caïn, des Chaldéens à
l'Egypte, de Salomon à Nabuchodonosor, de Thalès de Milet
à Pythagore ; il qu' il en fut ainsi jusqu'au XVIIème
siècle.
La
maçonnerie, par ces origines mythiques, couvre toute l'humanité
connue des auteurs des Constitutions.
C'est
une volonté d'Universalisme qui se dégage à travers
ces mythes fondateurs, la Maçonnerie est de toutes les époques
et concerne tous les hommes.
Depuis
qu'il existe, l'homme s'interroge sur lui-même comme sur ce qui l'entoure
: les individus qu'il côtoie, la communauté dans laquelle
il vit, les activités qui sont les siennes.
Mais
il a également un autre besoin vital : celui de l'échange.
Depuis
les lointaines peurs primitives, l'homme est sociable ; il n'envisage son
existence qu'avec les autres, dans une relation de partage des idées
comme des actes.
Si
bien que très tôt il a pris des habitudes communautaires,
dont celles de travailler ou de réfléchir en groupe.
Les
premières traces de ces « associations » remontent à
la plus haute antiquité.
Chez
les Égyptiens, Perses, Syriens, Grecs, et les Romains, on mentionne
à maintes reprises l'existence de groupements professionnels, spécialement
chez les constructeurs d'édifices.
En
ces temps reculés, la vie quotidienne est fortement imprégnée
par toutes sortes de croyances, et plus généralement par
la religion.
Chaque
instant, chaque pensée, chaque acte d'importance s'inscrit dans
une logique et un univers où les dieux sont présents.
Dans
la plupart des cas, exercer un métier est une fonction éminemment
sacrée.
L'homme
ne peut rien entreprendre sans l'aide de cette force qui a créé
tous les êtres et toutes les choses.
L'architecture
apparaît très vite hautement symbolique de ce point de vue
, à la fois parce qu'elle requiert un important savoir « scientifique
» et un réel talent artistique, mais aussi car elle préfigure
le mythe de la construction.
Il
met en lumière la pleine et entière affirmation de l'homme
: construire le temple, c'est construire l'homme.
Chaque
profession a ses gestes, signes, et rituels, son intronisation secrète,
qui sont autant de marques de reconnaissance et garantissent l'appartenance
à une corporation bien précise.
C'est
l'unique chemin par lequel un homme peut accéder au domaine divin
de la connaissance, qui lui permettra un jour de maîtriser science
et pouvoir.
Dans
le respect du sacré, des devoirs et des secrets, l'homme
entre dans le métier comme en sacerdoce, acceptant que sa vie future
soit une ascèse dédiée au divin.
Les
Collegia Romaines, qui regroupe des artisans par corporations, sont de
ce point de vue des exemples typiques.
Bien
qu'il s'agisse de groupements laïques, la religion y est très
présente et leur organisation prend souvent la forme d'un culte,
allant jusqu'à se référer à des dieux tutélaires
censés protéger la profession.
En
faisant vœu de rassembler des individus ayant des sensibilités similaires
et d'identiques préoccupations professionnelles, les Collegia dissimulent
jalousement leur savoir et interdisent au profane l'accès à
une certaine connaissance.
Ces
associations sont instaurées de fait par les premiers intéressés
eux-mêmes, au plus bas de l'échelle sociale, ou encore sous
l'impulsion d'un dignitaire, voire au plus haut rang de l'État,
qui rassembleront désormais charpentiers et constructeurs de maisons.
Les
Collegia répondent si bien à un réel besoin corporatif
qu'ils vont jouer un rôle culturel déterminant.
En
effet, parfaitement intégrés à la société
romaine, ils accompagnent celle-ci partout où ses conquêtes
la mènent, tant et si bien qu'au fil des décennies on en
retrouve bientôt des traces aux quatre coins de l'Europe, à
mesure que s'étend le vaste Empire Romain.
L'avènement
du christianisme ne parvient pas à ralentir cet élan novateur
; tout juste réussit il à remplacer les dieux tutélaires
par les saints patrons et à introduire un symbolisme aux consonances
chrétiennes.
L'objectif
majeur des collegia la divinisation de l'homme par le travail reste inchangée,
voire même renforcé : Non seulement la participation de Dieu
était indispensable au chrétien pour parvenir à la
bonne exécution de sa tâche, mais l'homme de son côté,
par son travail, participait à l'œuvre créatrice de Dieu.
Le
Seigneur opérait par ses mains et le métier, poussé
à la perfection, menait à Dieu.
Il
faut attendre l'affaiblissement des institutions romaines et les diverses
invasions qui vont secouer l'Europe pour voir l'influence des Collegia
s'estomper peu à peu.
Toutefois,
elle ne disparaîtra réellement qu'au début du VIIIème
siècle, avec l'avènement de l'époque féodale.
La
relation Suzerain-Vassal détermine l'ensemble des rapports au sein
de la société.
Il
n'y a plus de place, juridiquement, pour des groupements ou associations
professionnels autonomes donc incontrôlés tels que l'étaient
les Collegia.
On
assiste à une reprise en main de la liberté individuelle
par le pouvoir féodal : le fait d'appartenir à une corporation
ne garantit plus le travail de l'artisan, qui n'a désormais pour
tout horizon que le statut de Serf.
Les
principaux penseurs des associations corporatives n'ont d'autre solution
que de se replier vers le seul lieu de la société féodale
où subsiste un embryon de liberté : les couvents.
C'est
là que se réfugient pour un temps les arts, les sciences...
et bien sûr les traditions chères aux anciens membres des
Collegia.
Entre
le VIIIème et le Xème siècle,
à mesure qu'elle étend son influence sur le monde occidental,
la chrétienté, par le biais de son Église, affirme
ses privilèges et ses libertés.
La
multiplication des lieux de culte et des couvents tisse un réseau
serré de relations étroites.
De
nouveaux groupements de constructeurs apparaissent, sous la forme d'associations
monastiques qui rassemblent les seuls architectes dignes de ce nom.
Ce
sont eux qui érigent les nombreuses églises et couvents qui
voient le jour, en cette époque gagnée par une foi fervente,
un peu partout en Europe.
Il
faut attendre le début du XIème siècle
pour qu'apparaisse, toujours sous l'impulsion d'une Église de plus
en plus forte, une nouvelle forme de société.
Les
préceptes du christianisme favorisent peu à peu l'instauration
d'une paix grandissante.
Une
organisation sociale plus ouverte voit le jour : le renoncement aux affrontements
guerriers génère la sécurité, qui elle-même
favorise les échanges commerciaux et permet aux artisans de venir
s'installer dans les lieux fortifiés.
Les
expéditions commerciales et les croisades insufflent une dynamique
nouvelle dans l'économie et stimulent de nouvelles réalisations.
C'est
le temps des franchises communales, et surtout de la construction des beffrois
et des cathédrales.
Dans
un véritable bouillonnement d'idées et de pulsions créatrices,
des associations de laïques dont la plupart ont été
formées par des ecclésiastiques s'affirment au grand jour,
hors des couvents, dans de nouvelles organisations que l'on appelle les
confréries.
En
leur sein, le travail conserve son caractère sacré, la religion
reste la dominante de la vie professionnelle et la fraternité une
coutume plus affirmée que jamais.
Çà
et là, les travailleurs manuels se regroupent en organisations autonomes.
Dans
les pays Anglo-Saxons et Outre-Rhin apparaissent les guildes, ces autres
formes de groupements professionnels à vocation fraternelle et spirituelle.
Un
pas décisif est franchi lorsque s'officialise la reconnaissance
de ces diverses entités par le pouvoir royal.
Bien
plus que de simples associations, on peut alors parler de véritables
corps professionnels, qui désormais sont respectés par les
autorités municipales ou seigneuriales.
Il
faut cependant attendre le XIIIème siècle pour
voir réellement les métiers s'organiser.
A
très peu d'exceptions près, ils sont alors dépendants
et étroitement reliés à un fief ou à une cité,
par des règles draconiennes quant à l'exercice du métier
et de lourdes obligations qui ne sont pas sans rappeler la servitude passée
: nécessité d'acheter sa place dans le métier,
impôts divers, surveillance des déplacements, interdiction
de changer de lieu de travail sans autorisation, etc.
Ce
régime serré est celui des métiers « jurés
».
Il
en existe d'autres qui bénéficient quant à eux d'une
relative liberté, sont moins assujettis à d'importantes charges
financières et à un strict contrôle.
La
raison de ce qu'il faut bien appeler un régime de faveur réside
dans le fait que ces autres métiers, organisés en confréries
d'artisans, dépendent de l'Église et jouissent de ses privilèges
sous la forme de « franchises ».
Ces
professions reçoivent l'appellation de Francs-Mestiers.
Dans
la langue de l'époque, est franc ce qui n'est pas soumis aux servitudes
classiques et aux droits seigneuriaux.
Il
s'agit en l'occurrence de la plus concrète des manières d'un
avantage considérable ; il est vécu comme une juste
prérogative reconnaissant leur état par ceux qui en disposent,
mais perçu comme un passe-droit difficilement acceptable par ceux
qui ne l'ont pas.
De
fait, les Francs-Mestiers résulte de la transformation des associations
monastiques comme celles ayant peuplé les abbayes de Bénédictins
ou les commanderies du Temple en confréries laïques et va garder
longtemps les attributs distinctifs de son ancien statut.
Dès
la fin du XIIIème siècle, le monde féodal
est en pleine effervescence. Partout on bâtit des forteresses,
des églises, des routes, des ponts.
Les
Templiers et leurs Francs-Mestiers principalement les maçons et
autres métiers de la construction sont les artisans infatigables
de ce renouveau.
On
les retrouve dans la plupart des guildes et des métiers d'alors.
Leur influence est telle que malgré la dissolution de l'Ordre en
1312, les persécutions contre ses membres et l'exécution
sur le bûcher du grand maître de l'ordre du Temple Jacques
de Molay en 1314, les Confréries Templières des Francs-Mestiers
ne cesseront d'exister et de se développer, avec l'accord royal,
tant en France qu'en Grande-Bretagne.
C'est
d'ailleurs dans ce dernier pays que la dénomination Franc?Maçon
apparaît dans la seconde partie du XIVème siècle.
Désormais,
dans une époque de renouveau intense et de forte mouvance des idées,
tous les éléments sont réunis pour que naisse véritablement
ce qui va devenir la Franc-Maçonnerie Universelle.
En
une étonnante alchimie, qui au fil des siècles déroutera
les observateurs extérieurs, avec le Francs-Mestiers le spirituel
rejoint puis imprègne le temporel jusque dans les activités
a priori les plus éloignées de l'esprit.
C'est
pourquoi il est difficile d'évoquer les sources de la Franc-Maçonnerie
sans s'arrêter un instant, en premier lieu, à cette dimension
spirituelle qui se veut une donnée essentielle de toute approche
maçonnique.
Nous
avons vu comment la pratique du métier est teintée de sentiment
religieux.
Dans
la majorité des cas, une foi fervente s'exprime dans la plupart
des actes professionnels.
La
principale raison à cela tient au fait que dans l'Europe du Moyen-
Age et de la Renaissance le christianisme est omniprésent. En donnant
à sa profession les aspects d'un culte, l'artisan ferme celle-ci
à toute personne n'exerçant pas le métier.
Il
introduit ainsi nombre de rituels, dont celui de l'initiation qui revêt
une importance majeure : Cette initiation à la connaissance du métier,
était en même temps celle à la loi divine révélée
par le Christ, qui seule permettait d'atteindre à la perfection
sur tous les plans, dont la valeur professionnelle n'était qu'une
forme à la gloire de Dieu et une grâce conférée
par Lui.
La
première demeure de Dieu, le premier Temple à lui construire,
à défaut duquel il ne faut pas espérer cette grâce,
c'est l'homme lui-même fait à l'image de Dieu.
Aussi le devoir
primordial du Franc-Maçon, répété avec insistance
par les anciens statuts et devoirs, était'il d'être fidèle
à Dieu et à la sainte Église et de fuir l'hérésie
et l'erreur.
Franc-Maçonnerie
Opérative et Spéculative
La
Franc-Maçonnerie Moderne est une Institution qui a près de
300 ans d'existence.
Elle
descend, d'une façon symbolique, des Maçons Constructeurs
du Moyen âge qui se sont déplacés durant plusieurs
siècles à travers toute l'Europe pour y bâtir des édifices
religieux ou profanes dont la plus grande partie existe encore aujourd'hui.
Si
le phénomène de transition de la Maçonnerie Opérative
vers la Franc Maçonnerie Spéculative au cours de laquelle
un nombre croissant de non Opératifs devenaient « Maçons-Acceptés
».
Dès
le XVème siècle, et surtout au XVème
siècle,
de nombreuses loges, à commencer par Warrington, sont à majorité
Spéculative.
Même
Carausius ou Athelstan ne paraissent pas avoir été des Opératifs.
Mais
on se heurte toujours sur ce point à la légende de la Maçonnerie
Spéculative commençant lors de l'initiative des loges de
Londres en 1717, les Constitutions de Desaguliers, dites d'Anderson de
1723.
Mais,
à l'origine de la Maçonnerie (multiple), on peut distinguer
ces deux grands courants, complémentaires et généralement
Unis.
Tout
d'abord, les vieux mystères, des sumériens aux égyptiens
et aux mystères gréco-romains, aux pythagoriciens et aux
divers hermétistes.
Puis
les opératifs que l'on devine en Egypte, et même avant l'Egypte
que l'on trouve certainement dans les corporations étrusques, notamment
les pontifes.
Les
pontifes portaient la mitre et la crosse.
Ils
étaient les constructeurs de ponts, mais également des routes
et des édifices et leur importance fut telle qu'ils devinrent la
classe sacerdotale la plus importante et que le Pontifex Maximus, le Souverain
Pontife, devint le véritable Grand Prêtre du paganisme romain
et que le chef de l'organisation religieuse exotérique, dite Eglise
Catholique, porte encore ce titre.
Puis
c'est l'édit de Numa Pompilius organisant les Confréries
Opératives ( VIIIème table de la Loi des XII Tables),
l'édit de Carausius, l'édit de Clovis en 486, la charte d'Athelstan,
etc.
La
Maçonnerie Spéculative remonte aux Acceptés, et non
pas à l'initiative des loges de Londres de 1717.
On
peut affirmer que les Maçons-Acceptés descendent des alchimistes,
des kabbalistes, des hermétistes, des Rose-Croix et peut-être,
sous toutes réserves, des Templiers.
Ils
sont nombreux dès le Moyen Age et les loges entièrement ou
à majorité d'acceptation existent au XVème
siècle.
Elias
Ashmole relate dans ses Mémoires qu'il a été reçu
Maçon le 26 octobre 1646, à 4 h 10 de relevée, à
la loge de Warrington, dans le Lancashire, avec le colonel Mainwaring et
indique que le 11 mars 1682 il a participé à une tenue à
Londres et à un noble banquet préparé aux frais des
nouveaux Maçons-Acceptés.
Gould
écrit : « Il nous est permis d'affirmer que la date de la
suprématie de la Maçonnerie Spéculative sur la Maçonnerie
Opérative peut être fixée avec certitude pour Londres
à 1619-1620 et pour Warrington à 1646 et de constater en
conséquence que, dans les deux cas, les périodes de transition
doivent remonter à des périodes plus reculées. »
S'il
est vrai que la loge La Bonne Foi, à l'Orient de Saint-Germain-en-Laye,
remonte au 25 mars 1688, cette loge composée d'exilés Stuardistes
ne comprenait pratiquement que des Spéculatifs et non des Opératifs.
Ce
ne sont donc pas les événements de 1717?1723 qui ont marqué
le début de la Maçonnerie Spéculative.
C'est
la Maçonnerie « de métier » qui a précédé
la Maçonnerie Spéculative » (ou Moderne), la
liaison entre l'une et l'autre étant effectuée par l'intermédiaire
de l' Acceptation.
Dans
ce domaine, une étude logique devrait se borner aux Guildes Anglo-Saxonnes
qui sont à l'origine directe de la Franc-Maçonnerie moderne,
toute autre tradition ayant nécessairement un caractère légendaire
ou, tout au plus, étant un apport tardif à une légende
en voie de constitution.
L'homme
ayant construit depuis le Néolithique, il ne saurait être
question de faire ici une étude exhaustive de la construction immobilière
à travers les âges.
Pas
plus que d'errer à travers les légendes qui ornent les Old
Charges et que la partie historique des Constitutions d'Anderson
a, plus ou moins laborieusement, synthétisée.
Il
n'y a donc rien à tirer des Collegia romaines car, en Angleterre
comme ailleurs, les a barbares » ont détruit toutes les structures
anciennes.
On
peut toutefois concéder l'existence aux XVIIème et
XVIIIème siècles d'architectes, Maçons
et autres artisans capables de construite more romano, mais aucun texte,
même pas ceux qui se rapportent aux Comacini ( lombards ) ,
ne permet de croire au maintien de formes corporatives héritières
de l'Antiquité Romaine.
De
même, la croyance en un rôle quelconque joué par les
Culdéens dans le maintien d'anciennes traditions n'est guère
sérieuse.
En
fait, le système corporatif Romain ne s'est maintenu que dans les
territoires restés Byzantins ou soumis à l'influence de Constantinople.
C'est
ainsi que l'on a pu soutenir, non sans quelque raison, qu'à Rome
même les Scholae avaient succédé aux Collegia, et que
leur influence a été importante sur le reste de l'Occident
et notamment en Angleterre.
Un
texte de dom Mabillon paraît prouver qu'à l'époque
de saint Boniface au début du XVIIIème siècle,
ce sont des Maçons anglais, eux-mêmes formés par des
Romains, importés par saint Augustin et ses successeurs, qui ont
construit les premières églises frisonnes, saxonnes et bavaroises.
Il
n'est pas exclu de penser que le rôle attribué à Charles
Martel, roi des Francs, dans la légende Opérative Anglaise
ait ses origines dans cet échange de techniciens.
Mais
la véritable histoire originelle de la Franc-Maçonnerie n'est
pas là, elle réside dans les associations qui se sont créées,
à partir du XIème siècle tout d'abord,
autour des grandes constructions monastiques et, ensuite et à partir
du XIIIème siècle du mouvement communal.
On
ne voit d'ailleurs apparaître en pleine lumière ces corporations
de constructeurs qu'à la seconde de ces dates, ce qui paraît
bien prouver que la Franc-Maçonnerie autonome est un fait qui tient
au clergé séculier et non aux ordres monastiques et à
l'urbanisation.
Voyons
tout cela avec quelques détails.
Avec
la seconde série d'invasions barbares qui clôt l'époque
carolingienne, l'Europe connaît une nouvelle catastrophe.
Ce
qui peut rester de culture se réfugie à nouveau dans les
couvents.
Il
est à peu prés certain que l'art roman est essentiellement
l'oeuvre de religieux bénédictins, ou du moins animé
par eux, à partir du Xème siècle.
Mais,
très rapidement, avec le développement des villes, les Chapitres
prennent le relais des couvents et les corporations opératives,
formées à peu près exclusivement de laïcs, commencent
à apparaître dans leur réalité historique.
Le
Moyen Age classique porte de multiples témoignages de leur existence
dans toute l'Europe de l'Ouest, en Scandinavie, en Ecosse, en Irlande,
en Angleterre, aux Pays-Bas, en France, Espagne, Italie, dans les différentes
parties du monde germanique, au moins jusqu'à Prague et Budapest.
C'est
de ces groupements, mais exclusivement des groupements anglais et écossais,
qu'est sortie, après une assez longue période de transition,
la Franc-Maçonnerie Spéculative moderne.
L'ensemble
de ces problèmes a été sérieusement étudié
par les médiévistes.
Aussi,
débarrassons-nous de quelques légendes.
Personne
ne croit plus guère aujourd'hui à l'imagier anticlérical
si amplement développé par Viollet-le-Duc au siècle
dernier.
Il
est également très difficile d'admettre que les groupements
de constructeurs aient été les agents passifs ou actifs de
la transmission d'un ésotérisme quelconque, qu'il fût
oriental ou non.
L'ésotérisme
des Tarouq Musulmans transmis à travers les Templiers, la présence,
chez ces Maçons ou Sculpteurs, d'une tradition Gnostique ou Manichéenne
sont parfaitement légendaires.
Peut-on
penser qu'il y a eu un « ésotérisme chrétien
» à côté de l'exotérisme?
Parlons
plutôt d'un symbolisme « typologique » qui est la transcription
dans la pierre des croyances jugées parfaitement orthodoxes par
les théologiens médiévaux et inspirées essentiellement
de la Glose ordinaire de Walafried Strabo.
D'ailleurs,
il est bien connu que les clercs qui avaient commandé les constructions
entendaient s'en réserver, conformément aux canons du second
concile de Nicée (787), « l'ordonnance et la disposition ».
Avec
le réveil de l'Occident, au XIème siècle,
apparaissent donc un peu partout des organisations diverses de gens du
bâtiment : la « confrérie » à caractère
strictement religieux, la « corporation » (le mot est du XVIIIème
siècle) basée sur la tripartition des fonctions et sur la
progression par qualification professionnelle entre Apprentis, Compagnons
et Maîtres, enfin, au déclin du Moyen Age, les Compagnonnages
qui ne groupent que les ouvriers et deviennent l'organisation à
la fois de progrès technique et de défense syndicale qu'ils
seront aux Temps modernes.
Il
importe de ne pas les confondre et de considérer aussi que de telles
associations ne sont nullement la spécialité des métiers
de la pierre.
En
France surtout, aux Temps modernes, elles ne cessent de se multiplier au
point d'interdire, en se transformant en monopoles de droit ou de fait,
toute évolution sociale et toute transformation technique.
Chacun
des pays occidentaux a donc, au Moyen Age et au début des Temps
modernes, connu des types d'organisation, initialement assez analogues,
surtout dans les métiers du bâtiment où l'on se déplaçait
beaucoup, et qui, par la suite, ont évolué de façon
différente.
Ce
n'est qu'en Ecosse et en Angleterre que, par le phénomène
de l'Acceptation, s'est produit une évolution particulière
qui a créé la Maçonnerie spéculative.
L'Acceptation,
en effet, n'a existé ni en France ni, semble-t-il, dans les pays
latins, sauf peut-être occasionnellement en Italie.
On
en trouve seulement quelques traces relativement tardives en Allemagne.
C'est
donc essentiellement sur l'Angleterre qu'il convient de s'appesantir.
Mais
il convient toutefois de dire quelque chose des autres pays.
En
Espagne où, après la reconquista, on construit beaucoup d'églises,
les mentions ne manquent pas le P. Benimeli a noté des signes lapidaires
sur 122 édifices religieux mais disparaissent dès le XVIème
siècle.
En
Italie, on n'a jamais cessé de construire, et dès que se
développe le mouvement communal, il existe des « corporations
» de Maçons avec des Maîtres, très actives notamment
à Florence, à Brescia, Milan, Parme, Plaisance, Venise, Lucques.
Elles
disparaissent également au XVIème siècle.
Se sont?elles transformées, comme le pense P. Naudon, en académies,
telle l'Academia del Disegno de Florence (1563) où l'on rencontrait
professionnels du bâtiment et « amateurs »?
Ces
académies italiennes ont-elles, par la suite, influencé,
au moment de la période de transition, la Maçonnerie anglaise?
Ce n'est pour nous qu'une hypothèse.
En
pays germanique, les « Bauhütte » de constructeurs ont
eu la vie plus dure puisque leur existence nous est encore mentionnée
au début du XVIIIème siècle.
Encore
que personne ne croit plus de nos jours que les Steinmetzen germaniques
aient été à l'origine de la Maçonnerie spéculative.
Elles
sont cependant plus récentes que celles d'Italie puisque Findel
pense que la plus ancienne confrérie allemande date de 1211, c'est-à-dire
des débuts de l'édification de la cathédrale de Magdebourg.
Mais
surtout les Maçons Operatifs de langue germanique ont, dès
1275, connu l'existence de cinq Grandes Loges (Haupthütten) à
Strasbourg, Cologne, Vienne, Zurich et Magdebourg, les deux premières
se disputant la primauté.
Ce
sont ces cinq Grandes Loges qui se donnèrent, le 25 avril 1459,
les Statuts et règlements de la confraternité des Tailleurs
de pierre extrêmement complets, et qui furent, à partir du
milieu du XVème siècle, unanimement acceptés
et pratiqués dans toutes les loges.
On
connaît des assemblées générales en 1275 (Strasbourg),
Ratisbonne (1459, puis 1464), Spire (1469), Cologne (1535), Bâle
(1563), à nouveau Strasbourg (1564).
Les
Statuts de Ratisbonne ont été maintes fois publiés
: il est facile d'y rencontrer un certain nombre d'éléments
qui ont subsisté dans la Maçonnerie contemporaine et notamment
les trois grades, l'exclusion des profanes, l'égalité fraternelle
et les secours mutuels, la juridiction spéciale, les « signes
» , le rite de l'initiation, l'ouverture et la clôture des
assemblées.
Enfin
le texte parle, mais d'une façon malheureusement assez imprécise,
des « hommes pieux » qui voudraient assister au service divin,
mais qui n'ont pas droit de vote, ce qui peut être interprété
comme une esquisse de l'acceptation.
Il
n'est peut-être pas sans intérêt aussi de noter que
si les Statuts s'ouvrent sur l'invocation à la Trinité, à
la Vierge et aux quatre saints couronnés, les serments sont prêtés
sur le Livre de la Confrérie et non sur la Bible.
Les
« Hütte » se heurtèrent souvent aux pouvoirs civils,
empereurs, seigneurs et villes.
Elles
ne disparurent cependant que lentement et, comme en France, certaines de
leurs traditions ont subsisté dans le compagnonnage.
Les
Mestiers en France n'apparaissent guère avant la fin du XIème
siècle, à la fois dans le Nord, en Normandie, et en Languedoc.
A
Paris, la situation est plus confuse, car les métiers du bâtiment
dépendant étroitement, comme en témoigne « Le
livre des Mestiers » d'Etienne Boileau (1268), du Maître des
Oeuvres de Maçonnerie du roi.
A
cette époque existent, un peu dans tous les corps, la distinction
tripartite, des règlements stricts sur l'accès au compagnonnage
et à la maîtrise, un serment (sur la Bible ou des reliques),
des taxes assez lourdes.
Quatre
corporations dépendaient du « Maître des Oeuvres de
Maçonnerie », les « Mortelliers » (fabricants
de mortiers, appareilleurs? ), les maçons, les tailleurs de pierre
et les plâtriers.
Les
charpentiers avaient un statut différent, dépendant du Charpentier
du Roy.
Il
est assez difficile de savoir la (lace que pouvaient en réalité
tenir, dans ce système, ceux des « Maîtres Maçons
» qui étaient en fait des architectes et des Maîtres
d'Oeuvre, tel Villard de Honnecourt.
Ce
système fort autoritaire n'existait pas partout au Moyen Age.
Bien
souvent, comme en Provence, le métier était libre.
Ou
simplement « réglé » et non « juré
». Ce n'est qu'a partir du XVIème siècle
que la royauté s'efforça d'établir dans tout le royaume
ce second système, et il n'y réussit que trop bien.
Les
choses devaient ainsi durer jusqu'à la loi d'Allarde du 11 juillet
1791.
Les
confréries professionnelles (qu'il faut bien distinguer des confréries
liturgiques et des confréries associations du Midi de la France)
ont existé dès le Moyen Age et se sont rénovées
sous l'effet de la contre Réforme, au XVIIème
siècle.
Elles
étaient et sont restées jusqu'à la Révolution
essentiellement des sociétés de secours mutuels à
caractère religieux.
Il
n'est pas exceptionnel que « communauté de métier »
et « confrérie » soient une seule et même organisation.
A
l'inverse, il arriva parfois que des confréries eussent maille à
partir avec le pouvoir royal.
Quant
au compagnonnage, toujours persécuté par l'Etat et condamné
à maintes reprises par l'Eglise, il garda, comme en Allemagne, une
partie de l'héritage symbolique, sinon initiatique, des groupements
primitifs, mais adaptés à de tout autres finalités.
En
fin de compte, rien dans la tradition opérative française
n'a joué de rôle dans la création de la Maçonnerie
moderne.
C'est
donc vers les île, Britanniques qu'il nous faut nous tourner.
Et
ici, grâce au labeur étonnant des Maçons de la loge
londonienne Quatuor Coronati qui ont colligé avec science, amour
et patience tous les vieux documents, dont l'ensemble forme les «
Old Charges » , nous sommes relativement bien informés.
L'influence
des « Collegia » romains ou des Culdéens nous paraît
purement légendaire, celle des rois bretons ou Anglo-Saxons, qui
figurent dans la tradition, pour le moins sujette à caution.
En
fait, le système des « Corporations Confréries »
(anglais craft) est venu de France avec les rois normands et nous n'avons
pas de documents authentiques témoignant de leur existence avant
le XIVème siècle, c'est-à-dire nettement
plus tard qu'en France ou dans le monde germanique.
Nous
savons, certes qu'antérieurement, il existait des « sculptores
lapiduna liberorum » (1212), des ateliers de Maçons intitulés
« loges » (1292).
La
corporation des Maçons existe à Chester en 1327 et à
York en 1350, le terme de freemasons apparaît en 1376 pour désigner
les Maçons de la confrérie londonienne et se retrouve en
1377, 1 381 et 1396.
Les
premiers textes statutaires connus suivent de très près:
« Ordonnance » et « Statut des Ouvriers » (1349?1350),
« Ordonnance des Maçons d'York » (1332, puis 1370),
« Articles de Londres » (1356), «Ordonnance de la Guilde
des Charpentiers de Norwich » (1375).
A
peine postérieurs sont les célèbres manuscrits «
Regius » (1370?1400) et Cooke (14301440).
La
plus ancienne Charte connue est le document Landsdown (1550 env.), le reste
étant postérieur à la Réforme. cf. Charges
(Old).
En
laissant de côté l'histoire légendaire de l'Ordre,
nous constatons que l'ensemble des documents nous fournit un tableau à
peu près cohérent de la Maçonnerie anglaise à
la fin du Moyen Age.
La
corporation est aussi confrérie et se place sous l'invocation de
Dieu ou de la Trinité, de la fidélité à l'Eglise,
elle exige que l'on célèbre les fêtes traditionnelles.
L'Apprenti
doit prêter serment (probablement sur la Bible) et notamment doit
jurer de conserver le secret, il existe des grades, les membres portent
parfois une livrée spéciale et s'appellent « frères
» et « sueurs » car il semble bien que des femmes fussent
admises dans la confrérie encore que la chose ait pu être
discutée, le principal officier est le « Maître »,
il existe des wardens (gardiens, surveillants).
Nous
n'avons rien de tel pour l'Ecosse médiévale : le premier
document, dit «Statuts Schaw » datant de 1598, mais étant
le rappel de règles antérieures.
La
Maçonnerie britannique n'était donc pas organisée
d'une façon tellement différente de ce qui se passait, à
la même époque, sur le continent.
De
plus, elle ne connut jamais de grosses difficultés, ni avec le clergé,
ni avec le pouvoir royal.
La
meilleure preuve en est dans le fait qu'en 1417 la Corporation reçut
des armoiries du roi d'armes de Sa Majesté.
Peut?on
aller plus avant? Ici, la vérité historique est bien difficile
à dégager de la légende.
Rébold
raconte qu'en 1442, le roi Henri VI se serait fait initier ainsi que les
seigneurs de sa cour, que le 24 juin 1502, Henri VII Tudor aurait présidé
la tenue d'une Grande Loge à Londres à l'occasion de la pose
de la première pierre de l'abbaye de Westminster.
Il
est plus vraisemblable d'admettre que l'archevêque d'York, en 1427,
et son collègue de Canterbury, en 1429, encouragèrent ou
même présidèrent des tenues de loge ou de Grande Loge.
Vint
la Réforme : à notre sens, l'affirmation maintes fois reproduite,
notamment par P. Naudon, d'une Maçonnerie restée catholique
dans un pays qui était en train de passer allégrement au
protestantisme ne paraît pas se justifier.
Ou,
en tout cas, les textes ne paraissent pas l'imposer, surtout dans la première
partie du XVIIème siècle où, jusqu'en 1640,
l'anglicanisme paraît triomphant.
Quoi
qu'il en soit, une tradition dont il est difficile de démêler
le fond historique et qui nous est contée par Preston veut qu'Elisabeth
ait, en 1561, confirmé le choix de sir Thomas Sackvill comme «
Maître » et qu'il le resta jusqu'en 1567 avec siège
à York.
A
sa mort, la Maçonnerie se divisa en deux branches, la loge d'York,
dirigée par le comte de Bedford, la loge de Londres dirigée
par le célèbre économiste sir Thomas Gresham.
A
la suite d'une assemblée maçonnique tenue à York en
1663, la Fraternité fut dirigée par un « Grand Maître
» et le premier titulaire de la charge fut Henri Jermyn, comte de
Saint-Alban, nommé dans une séance présidée
par Jacques II lui-même.
Lui
succédèrent : Thomas Savage, comte Rivers (1666); le duc
de Buckingham (1674); Arlington (1679); sir Christopher Wren (1685); le
duc de Richmond (1695) puis, à nouveau, sir Christopher Wren (1698)
qui se démit de ses fonctions et ne fut pas remplacé.
La
trame de cette tradition correspond sensiblement à la période
de transition au cours de laquelle la Maçonnerie devient «
spéculative ».
L'Ecosse
parait avoir connu une évolution analogue, mais qui, plus tardive,
a peut?être permis aux Maçons écossais et subsidiairement
irlandais de garder un caractère plus archaïque.
Les
Statuts de la fin du XVIème siècle témoignent
de l'existence de trois loges à juridiction relativement étendue
: celles d'Edimbourg, de Kilwinning et de Stirling.
Il
semble que les Maçons écossais se soient surtout distingués
de leurs confrères anglais par deux points : l'existence de trois
degrés hiérarchiques et non deux, la présence du «
Mason's Word » (mot de Maçon) qui permet l'accès à
toutes les Loges de la région.
Les
légendes maçonniques sont évidemment quelque peu différentes
et font une large part aux premiers Stuarts, et notamment à Jacques
II d'Ecosse.
C'est
lui qui aurait nommé (1439) comme « Maître des loges
d'Écosse » Guillaume de Saint?Clair, baron de Rosslyn, comte
d'Orknet et de Caithness.
Ces
droits héréditaires qui furent confirmés en 1628 par
l'ensemble des loges écossaises nous sont connus par des chartes
de 1601 et 1628. Ils devaient durer jusqu'en 1735.
Dans
la seconde moitié du XVIème siècle, à
l'aube de l' Acceptation, la Maçonnerie Anglo-Ecossaise est donc
très vivante.
Il
existe, dans à peu près chaque ville importante, sur chaque
chantier, une loge et une « compagnie de Maçons » qui
vivent assez librement sous la triple protection de sa Charte, du pouvoir
royal et de l'Eglise.
Ces
groupements sont fédérés d'une manière assez
lâche, mais les liens sont assez étroits pour que les «
itinérants », nécessairement nombreux qu'il s'agisse
de loges entières ou de simples Compagnons puissent être reçus
sur leur nouveau lieu de travail.
Si
nous ne sommes sûrs de l'existence des « mots» que pour
l'Ecosse, nous savons que les Maçons anglais possédaient
à la fois des signes de reconnaissance (peut-être la fameuse
« griffe » que l'on retrouve chez les Compagnons français)
et des secrets techniques.
Ces
déplacements rendaient nécessaire une autorité suprême
qui commençait à s'esquisser avec la tenue d'assemblées
périodiques, la reconnaissance, encore diffuse, de « Loges
Mères » telles York en Angleterre et Edimbourg ou Kilwinning
en Ecosse et, peut?être, l'existence d'un protecteur, étranger
au métier, choisi donc aussi près que possible du pouvoir
royal et qui deviendra le Grand Maître.
La
Renaissance puis la Réforme devaient modifier les choses.
Il
faut attribuer une certaine influence à ne pas exagérer toutefois
aux Italiens architectes, peintres, sculpteurs ou simples humanistes qui
vinrent assez nombreux à la cour de Jacques V d'Ecosse, le père
de Marie Stuart, aussi bien qu'en Angleterre à la cour d'Henri VIII,
puis à celle d'Elisabeth.
Leur
influence ne fut pas immédiate, car le XVIème
siècle insulaire reste encore profondément gothique et il
faut attendre le règne de Jacques 1er et surtout,
en 1607, le retour d'Inigo Jones de Rome pour assister au triomphe du style
Palladique, inspiré de l'Italie, et qui, sauf quelques brefs retours
en arrière, dominera l'architecture anglaise jusqu'après
1715.
La
tradition maçonnique affirme que les souverains écossais
et anglais associèrent les Maçons italiens aux Maçons
anglais et que la loge devint alors quelque chose d'assez semblable aux
« académies» italiennes, ce qui, à Londres comme
à Florence, devait favoriser la venue de personnes cultivées
et férues d'art.
Pour
ce qui est de la Réforme, il ne faut jamais oublier l'originalité
de la Réforme anglaise, tant celle, purement disciplinaire, d'Henri
VIII, que celle d'Elisabeth.
En
Angleterre, comme en Suède, c'est toute l'Eglise qui est passée,
avec armes et bagages, à la Réforme et la plupart des Anglais
n'ont pas eu le sentiment d'une rupture.
Il
n'y a pas eu de guerres de religion et l'attitude hostile de l'Espagne
d'abord, de Louis XIV ensuite, ont consolidé l'unité nationale
autour du roi, du Parlement et de la « Church ».
La
conséquence de cette situation est l'absence de solution de continuité
dans la construction : on a continué à bâtir selon
le style ancien auquel s'est substitué au début du XVIIème
siècle, le style palladien.
Tels
sont, envisagés évidemment dans leurs grandes lignes, les
faits historiques essentiels qui nous mènent jusqu'à l’acceptation.
Que
pouvons-nous en déduire concernant les problèmes du rituel?
Il
n'existe malheureusement pas de rituels antérieurs au XVIIIème
siècle.
Le
plus archaïque semble bien être le Manuscrit Dumfries n°4
des années 1710 et l'ensemble des documents publiés par Knopp,
Jones et Hemer s'échelonnent entre 1696 et 1730.
Mais
il est probable et la langue en témoigne d'ailleurs qu'ils sont
des copies de documents plus anciens.
Les
éléments rituels et symboliques les plus importants sont
l'existence et le rôle capital du Temple de Salomon, car sa loge
se tient « dans les parvis du Temple de Salomon », l'assimilation
de la loge au « cosmos », l'existence de trois « piliers
», l'Équerre, le Compas et la Bible, l'utilisation de l'Échelle
de Jacob et de l'Arche d'alliance, des deux colonnes « J »
et « B » que nous rencontrons également en Allemagne
et qui auraient été les « mots ».
On
a déjà maintes fois noté l'absence du mythe d'Hiram
dont l'introduction en Maçonnerie fait problème.
S'ajoutent
l'évocation de la géométrie, principe de toutes les
autres sciences, l'orientation du Temple est-ouest, les trois « Lumières
» que sont le Soleil, la Lune et le Maître Maçon, les
deux Saint-Jean, enfin les exigences de fraternité exprimées
de façon variée et souvent fort riche.
Malheureusement,
si nous connaissons les principaux éléments symboliques,
nous ignorons tout des rites cérémoniels.
Il
est en tout cas facile de constater que la Maçonnerie contemporaine
n'a, dans le domaine du symbolisme, rien ajouté d'essentiel.
On
peut également noter l'absence totale de tout élément
hermétiste ou alchimiste.
Les
Anciennes Obligations
Des Maçons Francs Et
Acceptés
Constitutions d'Anderson
Le
pasteur .James Anderson (1684?1739), né à Aberdeen, fut nommé
des 1710 pasteur de l'Eglise presbytérienne écossaise à
Picadilly.
Il
fut appelé à rédiger les Constitutions de la nouvelle
Grande Loge, sur les conseils et avec l'aide de Desaguliers.
La
première édition est sortie des presses anglaises en janvier
1723.
Il
semble bien que ce soit une oeuvre collective. C'est aujourd'hui l'ouvrage
de référence philosophique de tout Franc?Maçon.
Il
n'en fut pas toujours ainsi, mais la traduction de quelques passages circulait
au XVIIIème siècle notamment les Statuts et Règlements
de Loge.
Le
frontispice gravé par John Pine est fort intéressant et mérite
d'être regardé avec la plus haute attention.
Il
s'agit du la rencontre de deux groupes de personnages. L'un remettant a
l'autre les constitutions de la maçonnerie. Le principal personnage
du groupe qui reçoit ce présent porte une couronne ducale,
perruque largement déployée sur le camail, et un manteau
long.
Les
historiens admettent qu'il s'agit probablement du duc de Montagu, dédicataire
des Constitutions qui fut Grand?Maître de la Grande Loge d'Angleterre
de 1721 à 1722. Il est accompagné de quelques personnages
dans lesquels certains ont reconnu le pasteur Desaguliers.
Le
principal personnage dit groupe qui présente les Constitutions est
également richement vêtu, et, s'il n'a pas le chef ceint d'une
couronne de duc, il porte le collier et la jarretière du l'ordre
royal : il s'agit, là aussi, d'un important personnage. Derrière
lui, tin groupe d'hommes dont l'un porte un lot de gants et de tabliers,
symboles premiers de tout Franc?Maçon. Entre eux, sur le pavement,
le tracé du problème du carré de l'hypoténuse
rappelle la géométrie, et probablement la preuve de l'exploitation
de la lettre G.
En
même temps que les Constitutions, le titulaire de la chargé
remet un compas, car avant même que le maître de loge eût
pour emblème l'équerre ou la truelle, il avait tin compas,
parfois seulement stylisé par son axe sous forme d'un soleil rayonnant.
Il
y a manifestement dans ce frontispice une très forte volonté
de transmettre tin pouvoir régulé par un document officiel
nouveau, un rituel et des éléments vestimentaires très
précis.
Le
fond du décor est orné d'une architecture contemporaine ouverte
sur l'infini (et lion pas gothique) pour exprimer toute la modernité
de la nouvelle institution.
La
renommée sur son char laisse présager la pérennité
de la Franc?Maçonnerie spéculative.
L'ouvrage
a été de nombreuses fois réédité avec
différentes interprétations suivant les besoins politiques
du moment.
Mais
jamais la Franc?Maçonnerie française ne l'a utilisé
en référence comme livre sacré avant la seconde moitié
du XXème siècle. Le Grand Orient de France en
1779, diffusa les Règlements de la traduction Van Laak (La Haye,
1773) mais la première traduction française, entrée
à la Bibliothèque Nationale au titre élu dépôt
légal, est celle donnée par Mgr. Jouin dans la Revue Internationale
des Sociétés Secrètes en 1936!
Les "Constitutions d'Anderson",
dont vous trouverez ci-dessous la traduction en français, sont l'un
des textes fondamentaux de la Franc-Maçonnerie moderne.
Elles doivent cependant être
replacées dans leur contexte et ne constituent en aucun cas une
loi immuable de la Franc-Maçonnerie, puisqu'elles furent modifiées,
en Angleterre même, dès 1738.
Recueillies par l'auteur dans leurs
Anciennes Archives, sur l'ordre du Grand Maître, l'actuel Duc de
Montaigu.
Approuvées par la Grande
Loge et imprimées par ordre dans la première Édition
du Livre des Constitutions, le 25 mars 1722.
SOMMAIRE
I.
Concernant Dieu et la religion.
II. Du
Magistrat civil Suprême et Subordonné.
III. Des Loges.
IV. Des Maîtres,
Surveillants, Compagnons et Apprentis.
V. De
la Direction du Métier pendant le Travail.
VI. De la Conduite.
-
Dans
la Loge quand elle est Constituée.
-
Conduite
après fermeture de la Loge et avant le départ des Frères.
Conduite
quand les Frères se rencontrent sans présence étrangère
mais hors d'une Loge Constituée.
-
Conduite
en présence d'Étrangers non Maçons.
-
Conduite
chez vous et dans votre entourage.
-
Conduite
envers un Frère étranger.
I. Concernant
Dieu et la religion:
Un Maçon est obligé par sa tenure d'obéir
à la Loi morale et s'il comprend bien l'Art, il ne sera jamais un
athée stupide, ni un libertin irréligieux.
Mais, quoique dans les temps
anciens les Maçons fussent astreints dans chaque pays d'appartenir
à la religion de ce pays ou de cette nation, quelle qu'elle fût,
il est cependant considéré maintenant comme plus expédient
de les soumettre seulement à cette religion que tous les hommes
acceptent, laissant à chacun son opinion particulière, et
qui consiste à être des hommes bons et loyaux ou hommes d'honneur
et de probité, quelles que soient les dénominations ou croyances
qui puissent les distinguer; ainsi, la Maçonnerie devient le centre
d'union et le moyen de nouer une véritable amitié parmi des
personnes qui eussent dû demeurer perpétuellement éloignées.
II. Du Magistrat
civil Suprême et Subordonné.
Un Maçon est un paisible sujet à
l'égard des pouvoirs civils, en quelque lieu qu'il réside
ou travaille, et ne doit jamais être mêlé aux complots
et conspirations contre la paix et le bien-être de la nation, ni
manquer à ses devoirs envers les magistrats inférieurs; car
la Maçonnerie a toujours pâti de la guerre, de l'effusion
de sang et du désordre; aussi les anciens rois et princes ont toujours
été fort disposés à encourager les Frères,
en raison de leur caractère pacifique et de leur loyauté
par lesquelles ils répondaient en fait aux chicanes de leurs adversaires
et défendaient l'honneur de la Fraternité qui fut toujours
florissante dans les périodes de paix.
Aussi, si un Frère devenait rebelle envers
l'État, il ne devrait pas être soutenu dans sa rébellion,
quelle que soit la pitié que puisse inspirer son infortune; et s'il
n'est convaincu d'aucun autre crime, bien que la loyale confrérie
ait le devoir et l'obligation de désavouer sa rébellion,
pour ne provoquer aucune inquiétude ni suspicion politique de la
part du gouvernement au pouvoir, il ne peut pas être chassé
de la Loge et ses relations avec elle demeurent indissolubles.
III. Des Loges.
Une Loge est un lieu où
des Maçons s'assemblent pour travailler : d'où le nom de
Loge qui est donné à l'Assemblée ou à la Société
de Maçons régulièrement organisée, et l'obligation
pour chaque Frère d'appartenir à l'une d'elles et de se soumettre
à ses règlements particuliers ainsi qu'aux Règlements
Généraux. La Loge est soit particulière, soit générale
et plus on la fréquente, mieux on la comprend, de même que
les Règlements de la Loge générale ou Grande Loge
annexés ci- après.
Dans les temps anciens, aucun
Maître ou Compagnon ne pouvait s'en absenter, spécialement
lorsqu'il y avait été convoqué, sans encourir une
sévère censure à moins que le Maître ou les
Surveillants n'aient constaté qu'il en avait été empêché
par une impérieuse nécessité.
Les personnes admises comme membres d'une Loge
doivent être des hommes bons et loyaux, nés libres, ayant
l'Age de la maturité d'esprit et de la prudence, ni serfs ni femmes
ni hommes immoraux ou scandaleux, mais de bonne réputation.
IV. Des Maîtres,
Surveillants, Compagnons et Apprentis.
Toute promotion parmi les Maîtres
Maçons est fondée uniquement sur la valeur réelle
et sur le mérite personnel; afin que les Seigneurs puissent être
bien servis, que les Frères ne soient pas exposés à
l'humiliation et que l'Art Royal ne soit point décrié : pour
cela aucun Maître ou Surveillant n'est choisi à l'ancienneté,
mais bien pour son mérite.
Il est impossible de dépeindre
ces choses par écrit, chaque Frère doit rester à sa
propre place et les étudier selon les méthodes particulières
de cette Confrérie.
Tout ce que les candidats peuvent
savoir c'est qu'aucun Maître n'a le droit de prendre un Apprenti
s'il n'a pas un travail suffisant à lui fournir et s'il n'est pas
un jeune homme parfait ne souffrant d'aucune mutilation ou tare physique
qui puisse l'empêcher d'apprendre l'Art et de servir le Seigneur
de son Maître et de devenir un Frère, puis un Compagnon en
temps voulu après avoir durant le nombre d'années fixé
par la coutume du pays; et s'il n'est issu de parents honnêtes; ceci
afin qu'après avoir acquis les qualités requises il puisse
parvenir à l'honneur d'être le Surveillant, puis le Maître
de la Loge, le Grand Surveillant et enfin, selon son mérite, le
Grand Maître de toutes les Loges.
Nul Frère ne peut être
Surveillant avant d'avoir passé le degré de Compagnon; ni
Maître avant d'avoir occupé les fonctions de Surveillant;
ni Grand Surveillant avant d'avoir été Maître d'une
Loge, ni Grand Maître s'il n'a pas été Compagnon avant
son élection. celui-ci doit être, en outre, de noble naissance
ou Gentilhomme de bonnes manières ou quelque Savant éminent
ou quelque Architecte distingué ou quelque autre Homme de l'Art
d'une honnête ascendance et jouissant d'une grande Estime personnelle
dans l'Opinion des Loges.
Et afin de pouvoir s'acquitter
le plus utilement, le plus aisément et le plus honorablement de
son Office, le Grand Maître détient le pouvoir de choisir
son propre Député Grand Maître qui doit être
alors ou avoir été précédemment le Maître
d'une Loge particulière et qui a le Privilège d'agir comme
le ferait le Grand Maître lui-même, son Commettant, sauf quand
le dit Commettant est présent ou qu'il manifeste son Autorité
par une Lettre.
Ces Administrateurs et Gouverneurs, supérieurs
et subalternes de la Loge ancienne, doivent être obéis dans
leurs Fonctions respectives par tous les Frères, conformément
aux Anciennes Obligations et règlements, en toute humilité,
révérence, amour et diligence.
V. De la Direction
du Métier pendant le Travail.
Tous les Maçons travailleront
honnêtement pendant les jours ouvrables afin de profiter honorablement
des jours de fête; et l'horaire prescrit par la Loi du Pays ou fixé
par la coutume sera respecté.
Le Compagnon Maçon le
plus expert sera choisi ou délégué en qualité
de Maître ou Surintendant des travaux du Seigneur; ceux qui travaillent
sous ses ordre l'appelleront Maître.
Les Ouvriers doivent éviter
tout langage déplacé, et ne point se donner entre eux de
sobriquets désobligeants, mais s'appeler Frère ou Compagnon;
et se conduire avec courtoisie à l'intérieur de la Loge.
Le Maître, confiant en
son habileté, entreprendra les travaux du Seigneur aussi raisonnablement
que possible et tirera parti des matériaux comme s'ils étaient
à lui, ne donnant à aucun Frère ou Apprenti plus que
le salaire qu'il mérite vraiment.
Le Maître et les Maçons
recevant chacun leur juste salaire seront fidèles au Seigneur et
achèveront leur Travail consciencieusement, qu'il soit à
la tâche ou à la journée; et ils n'effectueront pas
à la tâche l'ouvrage qu'on a l'habitude de faire à
temps.
Nul ne se montrera envieux de
la prospérité d'un Frère ni ne le supplantera, ni
ne l'écartera de son travail s'il est capable de le mener à
bien; car personne ne peut achever le travail d'autrui, à l'avantage
du Seigneur, sans être parfaitement au courant des projets et conceptions
de celui qui l'a commencé.
Quand un Compagnon Maçon
est désigné comme Surveillant des Travaux sous la conduite
du Maître, il sera équitable tant à l'égard
du Maître que des Compagnons, surveillera avec soin le travail en
l'absence du Maître dans l'intérêt du Seigneur; et ses
Frères lui obéiront.
Tous les Maçons employés
recevront leur salaire uniment, sans Murmure ni Révolte, et ne quitteront
pas le Maître avant l'achèvement du travail.
On instruira un Frère
plus jeune dans le travail pour que les matériaux ne soient point
gâchés par manque d'expérience et pour accroître
et consolider l'amour Fraternel.
On n'utilisera dans le travail
que les outils approuvés par la Grande Loge.
Aucun Manoeuvre ne sera employé aux travaux
propres à la Maçonnerie; et les Francs-Maçons ne travailleront
pas avec ceux qui ne sont pas francs, sauf nécessité impérieuse;
et ils n'instruiront ni les Manoeuvres ni les Maçons non acceptés,
comme ils instruiraient un Frère ou un Compagnon.
VI. De la Conduite.
1.
Dans la Loge quand elle est Constituée.
Vous ne devez pas tenir de Réunions
privées, ni de conversations à part sans autorisation du
Maître, ni parler de choses inopportunes ou inconvenantes; ni interrompre
le Maître, ou les Surveillants ni aucun Frère parlant au Maître:
ne vous conduisez pas non plus de manière ridicule ou bouffonne
quand la Loge traite de choses sérieuses et solennelles; et sous
aucun prétexte n'usez d'un langage malséant; mais manifestez
à votre Maître, à vos Surveillants et à vos
Compagnons la déférence qui leur est due et entourez-les
de respect.
Si quelque plainte est déposée,
le Frère reconnu s'inclinera devant le jugement et la décision
de la Loge, qui est le seul Juge compétent pour tous ces différents
(sous réserve d'Appel devant la Grande Loge), et c'est à
elle qu'il doit être déféré, à moins
que le travail d'un Seigneur ne risque d'en souffrir, dans lequel cas il
serait possible de recourir à une procédure particulière;
mais les affaires Maçonniques ne doivent jamais être portées
en justice, à moins d'absolue nécessité dûment
constatée par la Loge.
2.
Conduite après fermeture de la Loge et avant le départ des
Frères.
Vous pouvez jouir d'innocents
plaisirs, vous traitant réciproquement suivant vos moyens, mais
en évitant tout excès et en n'incitant pas un Frère
à manger ou à boire plus qu'il n'en a envie, en ne le retenant
pas lorsque ses affaires l'appellent, en ne disant et en ne faisant rien
d'offensant ou qui puisse interdire une conversation aisée et libre;
car cela détruirait notre harmonie, et ruinerait nos louables desseins.
C'est pourquoi aucune brouille
ni querelle privée ne doit passer le seuil de la Loge, et moins
encore quelque querelle à propos de la religion, des nations ou
de la politique car comme Maçons nous sommes seulement de la religion
Catholique mentionnée ci-dessus; nous sommes aussi de toutes nations,
idiomes, races et langages et nous sommes résolument contre toute
politique comme n'ayant jamais contribué et ne pouvant jamais contribuer
au bien-être de la Loge.
Cette obligation a toujours
été strictement prescrite et respectée; surtout depuis
la réforme en Grande-Bretagne, ou la séparation et la sécession
de ces nations de la communion de Rome.
3.
Conduite quand les Frères se rencontrent sans présence étrangère
mais hors d'une Loge Constituée.
Vous devez vous saluer réciproquement
de manière courtoise, comme on vous l'enseignera, vous appelant
mutuellement Frère, échangeant librement les instructions
que vous jugerez utiles, sans être vus ni entendus, sans prendre
le pas l'un sur l'autre, ni manquer aux marque de respect qui seraient
dues à un Frère, s'il n'était pas Maçon: car
quoique les Maçons en tant que Frères soient tous sur un
pied d'égalité, la Maçonnerie ne prive pas un homme
des honneurs auxquels il avait droit auparavant; bien au contraire, elle
ajoute à ces honneurs, spécialement lorsqu'il a bien mérité
de la fraternité qui se plaît à honorer ceux qui le
méritent et à proscrire les mauvaises manières.
4.
Conduite en présence d'Étrangers non Maçons.
Vous serez circonspects dans
vos propos et dans votre comportement, pour que l'étranger le plus
perspicace ne puisse découvrir ni deviner ce qu'il ne doit pas connaître,
et vous aurez parfois à détourner la conversation et à
la conduire prudemment pour l'honneur de la vénérable fraternité.
5.
Conduite chez vous et dans votre entourage.
Vous devez agir comme il convient
à un homme sage et de bonnes moeurs; en particulier n'entretenez
pas votre famille, vos amis et voisins des affaires de la Loge, etc., mais
soyez particulièrement soucieux de votre propre honneur, et de celui
de l'ancienne fraternité, ceci pour des raisons qui n'ont pas à
être énoncées ici.
Ménagez aussi votre santé
en ne restant pas trop tard ensemble ou trop longtemps dehors, après
les heures de réunion de la Loge; et en évitant les excès
de chair ou de boisson, afin que vos familles ne souffrent ni désaffection
ni dommage, et que vous-même ne perdiez pas votre capacité
de travail.
6.
Conduite envers un Frère étranger.
Vous devez l'éprouver
consciencieusement de la manière que la prudence vous inspirera,
afin de ne pas vous en laisser imposer par un Imposteur ignorant, que vous
devez repousser avec mépris et dérision, en vous gardant
de lui dévoiler la moindre connaissance.
Mais si vous le reconnaissez
comme un Frère authentique et sincère, vous devez lui prodiguer
le respect qu'il mérite; et s'il est dans le besoin, vous devez
le secourir si vous le pouvez, ou lui indiquer comment il peut être
secouru: vous devez l'employer pendant quelques jours ou le recommander
pour qu'on l'emploie.
Vous n'êtes pas obligé
de faire plus que vos moyens ne vous le permettent mais seulement dans
des circonstances identiques, de donner la préférence à
un Frère pauvre, qui est un homme bon et honnête, avant toute
autre Personne dans le besoin.
Enfin, toutes ces Obligations
doivent être observées par vous, de même que celles
qui vous seront communiquées d'autre manière; cultivez l'amour
fraternel, fondement et clé de voûte, ciment et gloire de
cette ancienne fraternité, repoussez toute dispute et querelle,
toute calomnie et médisance, ne permettez pas qu'un Frère
honnête soit calomnié, mais défendez sa réputation,
et fournissez-lui tous les services que vous pourrez, pour autant que cela
soit compatible avec votre honneur et votre sûreté, et pas
au-delà.
Et si l'un d'eux vous fait tort,
vous devez recourir à votre propre Loge ou à la sienne, ensuite
vous pouvez en appeler à la Grande Loge en assemblée trimestrielle,
et ensuite à la Grande Loge annuelle, selon l'ancienne et louable
coutume de nos ancêtres dans chaque nation; n'ayez jamais recours
à un procès en justice sinon quand l'affaire ne peut pas
être tranchée autrement, et écoutez patiemment les
Conseils du Maître et des Compagnons lorsqu'ils veulent vous éviter
de comparaître en justice avec des profanes ou vous inciter à
mettre un terme rapide à toutes procédures, ceci afin que
vous puissiez vous occuper des affaires de la Maçonnerie avec plus
d'alacrité et de succès; mais en ce qui concerne les Frères
ou Compagnons en procès, le Maître et les Frères doivent
offrir bénévolement leur médiation, à laquelle
les Frères en opposition doivent se soumettre avec gratitude; et
si cet arbitrage s'avère impraticable, ils doivent alors poursuivre
leur Procès ou Procédure Légale, sans aigreur ni rancune
(contrairement à l'ordinaire) en ne disant et en ne faisant rien
qui puisse altérer l'amour fraternel, et les bonnes relations doivent
être renouées et poursuivies; afin que tous puissent constater
l'influence bienfaisante de la Maçonnerie, ainsi que tous les vrais
Maçons l'ont fait depuis le commencement du Monde et le feront jusqu'à
la fin des temps.
AMEN.
AINSI SOIT-IL.
Les modifications anglaises de
1738 et de 1813.
L'article
premier des "Constitutions d'Anderson" fut modifié à deux
reprises en Angleterre. Du point de vue des Anglais, il s'agissait de préciser
la première rédaction et d'éviter des dérives
dans son interprétation.
Du
point de vue de la majorité des Obédiences françaises,
ces modifications sont au contraire perçues comme une restriction
de l'Universalisme Maçonnique qu'elles refusent.
Ce
débat n'est pas simple.
Il
est vraisemblable que la rédaction d'Anderson soit allée
au-delà des traditions maçonniques opératives.
Elle
a d'ailleurs suscité de sérieuses controverses en Angleterre
dès sa parution.
Que
doit-on faire primer ?
L'ancienne
Tradition, qui, compte-tenu du contexte de l'époque, pouvait difficilement
ne pas être théiste, ou au contraire ce que d'autres appellent
le "projet andersonnien", qui autorise une très large liberté
de conscience ?
Peut-on
par exemple conférer l'initiation maçonnique à des
gens qui se retrouvent dans la pensée de Spinoza ou dans celle de
Confucius ?
Peut-on
même accepter ceux qui croient en Dieu, sans pour autant avoir la
certitude que Dieu est personnel et révélé ?
Peut-on
enfin initier en Franc-Maçonnerie des agnostiques ?, des athées
?
Les
réponses sont différentes ... comme le sont les Obédiences.
Notons
cependant qu'on trouve quelques agnostiques et même peut-être
quelques athées jusque dans les rangs de certaines obédiences
reconnues par l'UGLE, mais ceci est une autre histoire...
A
vous de vous faire votre opinion. Voici les documents:
L'article 1 des Constitutions
d'Anderson (1723):
Un
MAÇON est obligé par sa Tenure d'obéir à la
Loi morale et s'il comprend bien l'Art, il ne sera jamais un Athée
stupide, ni un Libertin irréligieux.
Mais,
quoique dans les Temps anciens les Maçons fussent astreints dans
chaque pays d'appartenir à la Religion de ce Pays ou de cette Nation,
quelle qu'elle fût, il est cependant considéré maintenant
comme plus expédient de les soumettre seulement à cette Religion
que tous les hommes acceptent, laissant à chacun son opinion particulière,
et qui consiste à être des Hommes bons et loyaux ou Hommes
d’honneur et de Probité, quelles que soient les Dénominations
ou Croyances qui puissent les distinguer; ainsi, la Maçonnerie devient
le Centre d'Union et le Moyen de nouer une véritable Amitié
parmi des Personnes qui eussent-dû-demeurer-perpétuellement-Eloignées.
Le texte de 1738:
(Ce
texte est modifié à l'occasion de la transformation de la
Grande Loge de Londres en Grande Loge d'Angleterre).
Un
maçon est obligé par sa tenure d'obéir à la
loi morale en tant que véritable noachite et s'il comprend bien
le métier, il ne sera jamais un athée stupide, ni un libertin
irréligieux, ni n'agira à l'encontre de sa conscience.
Dans
les temps anciens, les maçons chrétiens étaient tenus
de se conformer aux coutumes chrétiennes de chaque pays où
ils voyageaient.
Mais
la maçonnerie existant dans toutes les nations, même de religions
diverses, ils sont maintenant tenus d'adhérer à cette religion
sur laquelle tous les hommes sont d'accord (laissant à chaque frère
ses propres opinions) c'est à dire être hommes de bien et
loyaux, hommes d'honneur et de probité, quels que soient les noms,
religions ou confession qui aident à les distinguer: car tous s'accordent
sur les trois articles de Noé assez pour préserver le ciment
de la Loge.
Ainsi
la maçonnerie est leur centre de l'union et l'heureux moyen de concilier
des personnes qui, autrement, n'auraient pu que rester perpétuellement
étrangères.
Le texte de 1813:
(A
la fin de la très longue scission entre les "Anciens" et les "Moderns",
les deux courants se réunifient en formant l'actuelle Grande Loge
Unie d'Angleterre qui inclut le texte suivant dans ses nouvelles constitutions:)
Concernant
Dieu et la religion: un maçon est obligé, de par sa tenure,
d'obéir à la loi morale et s'il comprend bien l'Art, il ne
sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux.
De
tous les hommes, il doit le mieux comprendre que Dieu voit autrement que
l'homme car l'homme voit l'apparence extérieure alors que Dieu voit
le cœur.
Un
maçon est par conséquent particulièrement astreint
à ne jamais agir à l'encontre des commandements de sa conscience.
Quelle
que soit la religion de l'homme ou sa manière d'adorer, il n'est
pas exclu de l'Ordre, pourvu qu'il croie au glorieux Architecte du ciel
et de la terre et qu'il pratique les devoirs sacrés de la morale.
Les
maçons s'unissent aux hommes vertueux de toutes les croyances dans
le lien solide et agréable de l'amour fraternel, on leur apprend
à voir les erreurs de l'humanité avec compassion et à
s'efforcer, par la pureté de leur propre conduite, de démontrer
la haute supériorité de la foi particulière qu'ils
professent...
Les
archives secrètes du Vatican et de la Franc-Maçonnerie
José
A. Ferrer, Benimelli
http://www.jacquesfortier.com/Zweb/JF/Lectures/0000330000015.jpg
Les
règlements et les rituels de la Franc-maçonnerie médiévale
- qui s'enracine dans la tradition des corporations de tailleurs de pierre,
bâtisseurs de cathédrales - en attestent l'esprit chrétien
et la volonté de n'admettre dans ses rangs que des artisans respectueux
de la morale et des dogmes de l'lEglise catholique et romaine.
Comment
une telle institution a-t-elle pu mériter l'excommunication fulminée
par le pape Clément XII ?
Dans
ce gigantesque travail de recherche à travers les Archives secrètes
du Vatican et de toute l'Europe, J. A. Ferrer-Benimeli, professeur à
l'Université de Saragosse, montre l'extrême complexité
des relations de l'Église avec la Franc-maçonnerie, et comment
des thèses abusivement simplificatrices ont entretenu la méfiance
et l'opposition des catholiques à l'égard d'une société
fraternelle dont les adhérents, pour la plupart, n'ont jamais songé
à comploter la ruine du trône et de l'autel.
A
ce jour le travail le plus documenté sur ce sujet, désormais
un document indispensable et incontournable.
ÉSOTÉRISME
- ÉSOTÉRIQUE. Vient du grec esoterikos : de l'intérieur,
de eso : au-dedans (Robert).
Selon
l'usage courant, est dite ésotérique toute connaissance transmise
par tradition orale uniquement à des adeptes qualifiés, ce
qui entraîne le « secret » à l'égard de
toute autre personne. Par extension s'applique à tout mode d'expression
qui ne peut être compris que par de tels adeptes - ce qui est souvent
utilisé avec une nuance péjorative quand il s'agit du langage.
Le
substantif peut être employé absolument. Dans ce cas, il s'applique
au contenu du message et non à son code de transmission; mais il
implique alors que tout ce qui est transmis constitue un unique a corps
de doctrine n identique dans tous les temps et dans tous les pays, puisqu'on
observe une transmission secrète aussi bien en Occident qu'en Orient
ou en Afrique. Cela supposerait alors justifiée la thèse
de Guénon sur la « tradition primordiale ».
Discuter
cette thèse, cela va de soi, ne saurait se faire ici. Cependant,
on peut se poser la question de savoir pourquoi cette universalité
du phénomène (et même sa réapparition permanente)
d'autant plus qu'il est aussi employé avec un adjectif spécifiant
une tradition particulière.
Le
secret impliqué par la tradition orale (ou, par l'emploi d'un langage
à clef) n'est en l'occurrence qu'une conséquence logique
du but qui est de fournir une information uniquement à des «
adeptes qualifiés ».
Est
donc centrale l'idée que certaines choses ne peuvent être
confiées à tout le monde, idée qu'on trouve déjà
dans l'Évangile (cf. « Ne jetez pas les perles aux pourceaux
», et quelques autres passages), ce qui fonde l'hypothèse
d'un ésotérisme chrétien, et plus précisément
johannique. La base de cette idée c'est que toute connaissance confère
un pouvoir soit sur les choses, soit sur les êtres et notamment les
humains.
Il
faut naturellement écarter ici le cas particulier du projet qui
ne peut réussir que s'il reste secret : ce qui explique aussi bien
l'argot des truands que la cryptographie des diplomates et des militaires,
bien que cela ait pu concerner aussi certaines sociétés initiatiques
(pythagoriciens, Templiers par exemple); la transgression du secret par
un adepte non a qualifié » confère alors à son
interlocuteur le pouvoir de faire échouer le projet en le dénonçant.
Là encore, nous rencontrons le symbole évangélique
de Judas qui illustre le fait que tout pouvoir civil est ennemi par principe
de tout « ésotérisme n - ce que confirme aussi bien
l'histoire des pythagoriciens que celle des Francs-Maçons.
On
peut d'ailleurs le comprendre dans la mesure où le principe de tout
ésotérisme pourrait être synthétisé dans
le mot célèbre : « Tout pouvoir corrompt, le pouvoir
absolu corrompt absolument n, qui est sur le plan profane la meilleure
justification de la démocratie - et qui n'est finalement que le
corollaire du mot de Rabelais : c< Science sans conscience n'est que
ruine de l'âme. »
Ainsi,
à ce stade de l'analyse, l'ésotérisme concernerait
un corps de connaissance dont l'efficacité pratique serait telle
que seule la haute valeur morale de ses détenteurs pourrait en garantir
un emploi utile pour l'humanité (ou sa non-utilisation provisoire).
C'est la thèse de ceux qui pensent qu'il y eut une alchimie matérielle
conjointe à l'alchimie spirituelle.
On
peut d'ailleurs effectivement se demander si, par exemple, l'humanité
n'aurait pas gagné à ce que la connaissance de l'atome n’eût
été transmise qu'à des «adeptes qualifiés».
Mais,
de la même préoccupation procède tout l'occultisme.
Si
donc l'ésotérisme est autre chose que l'occultisme, il faut
pousser l'analyse plus loin que le seul stade du pouvoir conféré
à l'adepte sur ou dans le monde profane par la possession d'une
«technique», pouvoir qui implique que l'on soit sûr qu'au
niveau de la finalité de ses actes, l'adepte présente la
qualification, c'est-à-dire une éthique.
Cela
pose alors le problème de l'accession à cette qualification
et aussi de sa vérification.
C'est
ici que l'on atteint, semble-t-il, à l'essence même de l'ésotérisme
et à sa nécessité.
En
effet, l'éthique ne s'enseigne pas, elle se pratique. On ne la récite
pas, on en témoigne. Elle se situe donc entièrement au niveau
du vécu, tant dans l' « apprentissage» que dans sa «manifestation».
Il
faut en effet distinguer cette éthique supérieure de l'homme
qui se situe au niveau des finalités et des valeurs et la morale
qui est conformité des actes à une norme de comportement.
Or,
l'adepte doit, au contraire, être capable de se passer de normes
faites pour résoudre les problèmes concrets de la vie sociale
: celles-ci ne servent à rien face à des situations par hypothèse
exceptionnelles puisque l'adepte détiendra des pouvoirs hors du
commun.
Bien
au contraire, le «conditionnement moral» risquerait d'être
dangereux. La psychologie moderne l'a confirmé du fait de comportements
réactionnels d'origine inconsciente qu'il engendre.
Il
ne s'agit donc pas de changer l'homme mais de le a restituer » dans
son authenticité... qui le qualifiera ou non.
C'est
donc une «psychagogie» - et non une simple pédagogie
qui doit en quelque sorte «organiser le vécu» de l'adepte
: celui-ci doit vivre authentiquement des situations propres à lui
permettre de se «qualifier » et de prouver sa « qualification
».
Or,
ces situations doivent être « fabriquées » et
ordonnancées dans le «temps » pour permettre la progression,
le cheminement, après cette « mise en route » qu'est
l'initiation.
Selon
le mot de Camus « il faut faire comme si... » pour que la personne
se dépouille du personnage.
Et
la première condition pour qu'elles soient vécues, c'est
que l'initié les affronte comme la vie, c'est-àdire sans
savoir d'avance ce qui va se passer. Tout ésotérisme est
donc une série d'épreuves nécessairement secrètes
suivies d'une méditation de l'adepte sur son propre vécu.
Méditation appuyée sur un dialogue qui ne doit fournir qu'ut
« miroir » et non pas une « instruction » .
Est-ce
à dire alors qu'il n'y a pas de « connaissance »? Ici
sans doute ~,e situe le point clef : si nous ne voyons pas quelque chose
qui existe, est-ce parce qu'elle est invisible ou parce que nous ne sommes
pas capables de la voir? Si un homme endormi ne voit pas les choses, c'est
parce qu'il dort et non pas parce qu'elles ne sont pas présentes
à ses côtés.
Restitué
à lui-même, l'adepte est restitué au monde. On ne décrit
pas le monde à un aveugle, on lui rend la vue.
Tout
ésotérisme repose donc finalement sur le principe de l'éveil.
Par
là, il débouche toujours sur une vision du monde et non sur
une « conception » du monde. Il est au sens premier métaphysique
et non théologique ou « philosophique ».
Par
là aussi, il ne saurait être mystique et les « mystères
»
ne sont en ésotérisme que les cheminements offerts à
l'initié mais ne concernent pas la réalité du monde.
Tout
ésotérisme est, dans sa finalité, « rationnel
». C'est sans (Joute pourquoi il retrouve la pointe extrême
de la science moderne où l'observateur et l'observé se mêlent
et se conditionnent mutuellement.
Dès
lors, le « pouvoir » obtenu ne serait-il passimplement celui
de qui voit mieux, qui entend mieux que les autres.
(Ph.
C.) (SOURCE DICTIONNAIRE DE LA FRANC-MACONNERIE). |